Mgr Henri Teissier, l'ancien archevêque d'Alger, et évêque d'Oran de 1973 à 1980, décédé le 1er décembre dernier à Lyon, a été inhumé ce mercredi à la basilique Notre Dame d'Afrique à Alger. Né le 21 juillet 1929, il était profondément attaché à l'Algérie où il a résidé de façon presque continue depuis 1947. Il avait obtenu la nationalité algérienne en 1965, en même temps qu'une vingtaine d'autres prélats (dont le cardinal Léon Etienne Duval). Malgré les épreuves et les drames (notamment durant la terrible décennie noire algérienne des années 1990), il est toujours resté fidèle à l'Algérie et à son peuple, lui l'infatigable apôtre du vivre-ensemble et du dialogue islamo-chrétien. Auteur de plusieurs ouvrages dont un titre consacré à l'Emir Abdelkader, Mgr Teissier maîtrisait la langue arabe à la perfection et n'hésitait pas à citer à l'occasion un verset du Coran, notamment la sourate « El Kahf » qu'il appréciait particulièrement. Il disait aussi que le terme « Salam » (Paix en arabe) constituait l'un des fondements de sa foi chrétienne. L'Algérie par la voix notamment de son Premier ministre, Abdelaziz Djerad, lui a rendu un vibrant hommage. Ce dernier a adressé à la famille de l'ancien archevêque un message de condoléances dans lequel il a rappelé que le défunt « était profondément attaché à l'Algérie et avait une grande estime pour les Algériens ». Nous avons demandé à l'évêque d'Oran, Mgr Jean-Paul Vesco, de nous livrer ses sentiments à l'occasion de la disparition de l'illustre homme de Dieu. Le Quotidien d'Oran : Mgr Jean-Paul Vesco, vous venez d'assister, mercredi, aux funérailles de feu Mgr Henri Teissier à la basilique Notre Dame d'Afrique à Alger. Tout le long de sa dense et féconde vie, émaillée d'épreuves et de drames mais aussi riche de dons et de joies, le défunt a suscité l'estime, l'admiration, l'affection de tous ses compatriotes algériens qui l'ont connu ou approché. Il a vécu sa foi chrétienne avec le souci bienveillant de l'autre et la fraternité en partage. Que vous inspire un tel destin hors du commun ? Mgr Jean-Paul Vesco : Henri Teissier était doté d'une immense érudition, et en même temps d'une très belle humanité et d'une grande humilité. Le cours de sa vie l'a amené à vivre sa vocation de prêtre en Algérie, et il a absolument épousé ce peuple et ce pays. C'est une grande chance dans une vie d'être exactement à sa place et de pouvoir donner tout ce que l'on a à donner. Ça a été sa chance, et notre chance à nous tous qui l'avons connu. Le Quotidien d'Oran : Henri Teissier avait un lien très fort avec l'Algérie et les Algériens. Comme le soulignait un de ses proches, il a été « un homme grand dans son humilité et sa capacité incroyable à tisser des liens »... Mgr Jean-Paul Vesco : Henri Teissier avait la passion de la relation. Personne ne croisait son regard sans qu'il tente de rentrer en relation d'une façon ou d'une autre, et chaque relation était réelle au sens où il était vraiment présent à la vie de la personne à laquelle il s'adressait. Il n'y avait pour lui ni grands ni petits, toute personne était importante à ses yeux. Le Quotidien d'Oran : A l'occasion de sa disparition, vous avez rappelé vous-même que Mgr Teissier était « un grand acteur du dialogue des cultures et des religions ». Il avait notamment une affection particulière pour la figure de l'Emir Abdelkader auquel il avait consacré un livre... Mgr Jean-Paul Vesco : La rencontre de la personnalité extraordinaire de l'Emir a été déterminante dans la vie de Mgr Teissier. Il s'est pleinement retrouvé dans la grandeur d'âme et l'ouverture d'esprit de cet homme immense qui a fait la preuve de son respect pour toute personne humaine, y compris celle qui l'avait combattu et qui était son prisonnier, ou celle qui était d'une autre religion, tels les milliers de chrétiens syriens qu'il a sauvés à Damas. Mgr Teissier s'est pleinement retrouvé dans la haute spiritualité de l'Emir, lequel non seulement n'avait pas peur de la différence religieuse mais la respectait et y voyait même une richesse. L'un et l'autre, chacun à sa manière et à son niveau, sont des lumières pour notre temps. Le Quotidien d'Oran : Que signifie, selon-vous, l'ultime vœu de Mgr Henri Teissier d'être inhumé en Algérie ? Mgr Jean-Paul Vesco : Henri Teissier avait naturellement exprimé le vœu d'être enterré en Algérie, sa terre d'adoption où il a vécu l'essentiel de sa vie. Il est décédé à Lyon où il était bloqué depuis des mois. Ce qui nous a touchés, c'est le souhait des autorités de procéder au rapatriement de son corps. Ce fut une décision généreuse de sa famille de consentir à ce qu'il ne rejoigne pas le caveau familial où reposent notamment ses parents, ses frères et ses soeurs. Nous avons été touchés par l'accueil officiel de son cercueil recouvert du drapeau algérien à l'aéroport d'Alger en présence d'un membre de la Présidence de la République et de Monsieur le Ministre des Affaires religieuses. L'hommage rendu à la vie d'Henri, le 5 décembre à la cathédrale de Lyon par l'ambassadeur d'Algérie en France, renforce aussi ce témoignage d'une fraternité, envers et contre tout, que nous voulons donner ensemble, chrétiens et musulmans. Et nous sommes heureux qu'Henri repose désormais à l'intérieur de la basilique de Notre Dame d'Afrique, aux côtés du cardinal Duval dont il a été un digne successeur.