Dans les années 80-90, la contrebande a gangrené fortement l'économie de la wilaya frontalière de Tébessa, directement exposée, de par sa position géographique, d'une bande de frontières terrestres longue de plus de 290 km, du nord au sud, où se situent 10 communes, véritable passoire pour les contrebandiers. Tébessa faisait aussi, le passage pour les trafiquants en provenance des autres villes de l'intérieur du pays. Le carburant en premier, subventionné et largement disponible chez nous, est revendu de l'autre côté des frontières à des prix élevés, naturellement en dinars tunisiens, qui lui est converti 6 fois sa valeur en monnaie nationale, et le compte est fait ! dans le temps on faisait exporter frauduleusement des quantités de produits alimentaires subventionnés (lait, semoule, sucre, huile...), matériaux non ferreux, pour importer en contre partie de la pièce détachée, de la fripe ( !!) ou encore des médicaments. Ironie du sort, la contrebande perverse pour certains, continue de subvenir aux besoins de milliers de foyers, des gens qui, faute d'activités légales ou de postes de travail, versent facilement dans le trafic, seul recours pour survivre, diront des centaines de jeunes exclus du système éducatif, de pères de famille mis au chômage, à cause d'une conjoncture économique délétère. L'image n'a pas trop changé, le marasme socio-économique entraîne des catégories de citoyens à s'orienter malgré eux, vers des activités illicites de la contrebande. A El Meridj, Ain Zerga, El Houijbet ou encore dans le sud, à Oum Ali, Bir El Ater et Negrine, le trafic s'est banalisé et devenu une pratique lucrative, des jeunes passeurs au risque de leur vie osent braver les dangers de la route, en se portant volontaires, conducteurs de moyens de transport, éclaireurs, magasiniers, les produits destinés à la contrebande se font acheminés et escortés, jusqu'à destination, pour être pris en charge par d'autres éléments postés en territoire tunisien, les transactions se réalisent au grand jour, avec à la clé des centaines de millions de dinars circulant en dehors de tout contrôle. Le circuit de l'informel fera le reste pour réinjecter les sommes d'argent dans des opérations d'achat de foncier, parmi les gros bonnets notoires connus dans la région. Ainsi se sont faites des fortunes colossales, pendant ce temps-là, les petits trafiquants tirent leur épingle du jeu, avec quelques sous glanés de leur témérité. Certes la fermeture des frontières durant la pandémie du coronavirus a vu la cadence de la contrebande baisser, un peu, la cherté de la vie des deux côtés des frontières a rendu la tâche difficile pour l'activité de trafic. Les commerçants de Tébessa se disent frustrés, eux qui d'habitude faisaient fructifier leurs commerces avec les clients tunisiens. Ceux-là achetaient tout, denrées alimentaires, ustensiles de cuisine, appareils électroménagers, détergents, articles vestimentaires. Une fois chez eux, nos voisins revendaient les cargaisons transportées par voitures entières, réalisant des dividendes, tout simplement grâce toujours au coût surévalué de leur monnaie sur le marché parallèle. Le climat socio-économique morose tend à se perpétuer, les petites gens se débrouillent autant qu'elles peuvent, les petits boulots improvisés donnent une bouffée d'oxygène à des milliers de sans emploi « c'est le combat au quotidien, il faudrait survivre, mieux que d'aller fouiner dans des affaires criminelles, de vol, d'agression ou de vente de drogue ! », dira un jeune revendeur d'orangers introduits de ... Tunisie !