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L'islamo-gauchisme à l'épreuve des faits
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 22 - 02 - 2021

Dans une édition récente de ce journal, Akram Belkaid rappelle fort opportunément l'épisode du Maccarthysme qui a sévi durant la Guerre froide aux Etats-Unis, renvoyant au nom du sénateur américain qui stigmatisait toute revendication sociale contre l'injustice et la discrimination à l'endroit de l'ordre patronal ambiant comme étant d'inspiration communiste.
Le suffixe « isme » donne au nom éponyme la qualification d'une posture idéologique se plaçant à l'opposé d'une autre. Ainsi on peut établir l'opposition entre gauchisme et droitisme (on parle aujourd'hui de droitisation).
Si ce type de stigmatisation renaît de ses cendres en France et plus généralement en Europe de l'Ouest, après un long épisode de « tiers-mondisme », il s'agit-là d'un processus qui agit sur le temps long, et dont le mouvement de bascule s'opère sur une courte durée (Le « temps-surprise » chez le sociologue Georges Gurvitch).
Il faut rappeler que si le lien qui, au cours de l'histoire des peuples s'est tissé dans des circonstances précises entre la revendication sociale et l'imprégnation religieuse, ce n'est là ni un signe d'archaïsme ni une régression rédhibitoire. Un inventaire critique, fût-il sommaire, s'impose. Faisons donc le point :
L'ALLIANCE ENTRE DIEU ET LA GAUCHE
Cette alliance n'est pas propre à l'Islam. Le monde catholique a connu un piétisme qui s'est traduit autant par des actions caritatives (l'Abbé Pierre entre autres) que par une proximité d'avec les gens d'en bas, se recrutant dans le milieu ouvrier ou paysan, voire dans la petite production marchande.
Les manuels français de méthodes en sciences sociales accordent une certaine place à l'enquête monographique, dont les pionniers furent liés à l'Eglise : Frédéric Leplay, le père du Maroussel, et plus tardivement le père Lebret, furent tout à la fois les artisans d'une méthodologie encore active, et d'une manifestation de solidarité qui donne sens à leur pratique de la foi. De la même manière, les prémices de la Révolution Industrielle en Angleterre furent associées à des inventeurs d'obédience protestante. (Ecossais pour la plupart) dont la motivation était d'alléger les souffrances des ouvriers affectés aux mines de charbon, comme de ceux qui travaillaient dans les manufactures. Leur nom est associé à leurs trouvailles, pour lesquelles les droits d'invention étaient souvent destinés à des actions philanthropiques. Inutile de rappeler ici l'œuvre magistrate de Max Weber sur l'Ethique protestante et l'origine du capitalisme. Pour ce qui est de la traduction politique, ou plutôt socio-politique, de l'œuvre ecclésiale, rappelons l'encyclique « Rerum Novarum » du pape Jean XXIII (1898), qui fut le fondateur indirect du mouvement démocrate-chrétien en Italie. On peut citer le «sentier lumineux » qui a prospéré en Amérique latine avec le mouvement révolutionnaire anti-capitaliste, chez des militants marxistes comme Che Guevara, lesquels étaient autant catholiques que communistes.
Comme l'art de l'étiquetage est à la mode, peut-on qualifier tous ces hommes de Dieu de « Christiano-gauchistes » ?
Pour clore ce tableau, n'oublions pas que, au-delà de nos amis communistes qui ont milité pour l'indépendance de d'Algérie, beaucoup se réclamaient de la démocratie chrétienne. Ce fut le cas du professeur Mandouze, de Pierre et Claudine Chaulet, Fanny Colonna, pour ne pas citer l'Abbé Berenguer, ancien ambassadeur du FLN à Cuba !
QUID DE L'ISLAMO-GAUCHISME ?
Il n'est pas question de nous étendre ici sur l'histoire de la gauche en pays musulman. Ce thème a rempli des thèses entières. Je laisse de côté les cas de syncrétisme proches du cas latino-américain, notamment au Maghreb durant le mouvement national de la première moitié du 20e siècle, ce thème étant amplement développé par l'historiographie contemporaine.
Je signale, néanmoins, quelques aspects paradoxaux, à savoir comment les mouvements de libération, se réclamant de la gauche, vont subrepticement se muer à la cause sacrée pour le triomphe de l'Islam. Le cas de la Palestine est très instructif, dans la mesure où les premiers mouvements de libération de ce pays constituent l'épicentre de ceux qui vont se déployer, avec des fortunes diverses, dans le monde arabe. Il faut rappeler que le Parti Communiste Palestinien fut créé suite à une scission au sein de l'extrême-gauche sioniste, fondée en 1906. De cette scission, fut créé le Parti Communiste Juif (ancêtre du PC d'Israel). Les deux partis vont connaître un regroupement face au mandat britannique, qui sera vite remis en cause, à la faveur d'une solidarité du parti palestinien avec le Baath, qui affiche une opposition claire à l'impérialisme britannique et au sionisme en tant qu'émanation de « la bourgeoisie alliée à l'impérialisme britannique ».
En 1935, ce parti fait campagne contre l'invasion de l'Ethiopie par l'Italie fasciste. De même, durant la Guerre d'Espagne, les membres Arabes et Juifs du Parti rejoignent les Brigades Internationales, dont le leadership était Abdel-Khaleq Al-Jibaoui, tué en Espagne. A ses côtés, se trouvait Nadji Sidqi, membre du Secretariat, lequel fut chargé par l'Internationale Communiste de se rapprocher des Marocains enrôlés dans l'armée franquisme pour les en dissuader. Aussi, « Aljabha-al-ch'aabiya», hebdomadaire du PCP, publie un long réquisitoire contre le franquisme.
Après la NAKBA (exil) de 1948, ce parti donne naissance au PCI (Parti communiste d'Israel). Une partie des membres arabes de ce parti se tournent vers la faction syrienne du mouvement panarabe. Il s'avère que la solidarité politique qui unissait Arabes et Juifs concernait un peuple autochtone. Après 1948, le paysage socio-politique, dû aux migrations massives d'après-guerre, change fondamentalement la donne.
LE CAS KHOMEINI
Au milieu des années 70, je résidais à la Cité Internationale de Paris dans le cadre d'un détachement universitaire (préparation de ma thèse d'Etat). Tous les jours que Dieu fait, je voyais les étudiants iraniens qui se réunissaient aux abords du Restaurant pour débattre de la situation pendante dans leur pays. Deux ans après, ils accompagnaient l'Imam Khomeini, de retour à Téhéran, depuis son exil en Île de France. Le contexte se prêtait à une coalition entre communisme et schiisme, du moins à une réinterpretation de l'un au service de l'autre, dans la perspective d'une refondation révolutionnaire de la nation iranienne.
Cette problématique n'était pas nouvelle. Les mouvements de décolonisation en Afrique noire ont réhabilité, dès la fin du 19e siècle, le thème du millénarisme politique et de la nativité du Christ donnant sens à l'action de réhabilitation d'une nation souveraine, donc décolonisée (cf. Mythes fondateurs en Afrique, M. Mulhmann).
Rappelons-nous, par ailleurs, les enjeux politiques du mouvement donatiste, qui, au 5e siècle a réinterprété le message chrétien (n'en déplaise à St Augustin) au service de sa libération de la domination romaine.
RETOUR À L'ISLAMO-GAUCHISME UNIVERSITAIRE
Tout ce qui précède tend à montrer qu'entre les mouvements révolutionnaires et la religion, il y a souvent eu des chemins croisés, dont les issues n'ont pas toujours été, certes, à la hauteur de les attentes populaires.
Dans le cas d'espèce, la formulation est inappropriée, tout simplement parce que si l'Islam peut trouver quelquefois une réponse dans la quête existentielle du franco-maghrébin, cela est vécu comme une thérapie contre la perte de son identité. Quant aux prétendues régressions islamo-gauchistes qui émergent, ici où là, dans les sujets de thèse ou programmes de recherche, cela pose deux problèmes : l'un de principe, l'autre de fond.
Concernant le premier, depuis quand les personnages régaliens de l'Etat s'érigent-ils en experts made in science ? D'un autre côté comment concilier le bien-fondé de cette expertise avec le principe, ânonné à satiété, de la liberté d'expression propre à la Nation française ? Sur un autre plan, l'immixtion outrancière du donneur d'ordres sur ce que doit être la bonne recherche ou le bon sujet relève d'une descente abyssale aux temps médiévaux de l'Inquisition.
Dans le domaine précis des sciences sociales, sans doute la cible principale, les maigres budgets qui sont alloués aux labos de recherche en disent long sur un préjugé qui n'a pas commencé, hier, et qui est la règle à l'Est comme à l'Ouest, au Nord comme au Sud.
Dans le cas précis des réalités sociologiques qui peuvent intéresser le chercheur lambda en France, il arrive souvent que le diagnostic qui se contente d'une lecture empirique des faits appréhendés ne soit pas suffisant, et qu'il faille s'autoriser à l'exploration étiologique , la cause du mal, si besoin élargir le périmètre d'investigation à plus loin dans le temps et plus large dans l'espace.
L'islamo-gauchisme, prononcé par les experts patentés, relève d'une posture normative, pour ne pas dire idéologique, sans oublier qu'au surplus, elle constitue une insulte doublée d'un mépris profond pour la communauté scientifique.
EPILOGUE
Dans une émission récente sur la chaîne France 5, Gilles Keppel, l'éminent connaisseur de l'Islam politique et auteur d'un ouvrage dont le titre est entré dans le dictionnaire des formules médiatiques (Les territoires perdus de la République), semblait accréditer le verdict de la ministre française de l'Enseignement supérieur sur la prétendue déviation islamo-gauchiste qui préside à certaines recherches universitaires, thèses ou publications sous-jacentes. Je subodore qu'il s'est prêté au rôle de « Conseiller du Roy » dans cette affaire. En effet, sa thèse consiste à dire que l'islamo-gauchisme compense un déficit de connaissances objectives sur le monde arabe-islamique, sur son histoire et sa civilisation, sur sa langue etc. Il rappelle la Belle Epoque de l'érudition orientaliste, remplacée de plus en plus, aujourd'hui, par la facilité de l'hyperpolitisation du réel.
En somme, la compétence « entomologique » nous prémunit de la fatuité politicienne et des préjugés normatifs. Faux ! Nous avons connu, en tant jeunes lycéens, l'œuvre des Marçais, Jean et William, comme celle du grammairien arabe émérite Godefroy de Mombynes. Leurs compétences étaient indiscutables. Et pourtant, ils avaient une haine des Arabes non déclarée mais réelle.


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