Tous les jours les impressions et l'humeur de notre envoyé spécial à Cannes pour la 74ème édition du Festival International du Film. Un grand écrivain pro-musulmans par nature l'avait bien prédit, mais était-ce Michel Sansal ou Boualem Houellebecq ? Bref, qu'importe, mais pour paraphraser ce grand écrivain du moment, la vie d'après à Cannes c'est comme Cannes de la vie d'avant, mais en un peu plus pire. Déjà pas de fêtes cette année. Pas de fêtes sur les plages de la Croisette, donc plus de « à boire et à manger à l'œil ». Il y a des mesures qui au nom de notre hypothétique bien-être nous tuent lentement mais surement, mais bien sûr personne ne s'en offusque sous prétexte qu'il y a plus grave et plus urgent, genre le réchauffement de la planète, la surpopulation carcérale en Algérie, la fin des haricots à Mascara, le manque d'eau et le trop plein de virus mutants dans la Nouvelle Algérie bénie par le maudit hirak, etc... En plus de son badge d'accréditation, aux couleurs multiples et aux privilèges variés -selon les couleurs justement, le festivalier accrédité devrait être muni de son passe sanitaire (officiellement la vaccination n'est pas encore obligatoire en France, mais dans les faits elle est obligée). Et même si le dispositif sanitaire initial a été allégé à la veille de l'ouverture, vaut mieux avoir été piqué deux fois plutôt qu'une pour espérer voir les films et avoir le QR codes a jour pour espérer déambuler dans le Palais des Festivals ou décrocher une place dans une salle. Sinon il faut consacrer un temps non négligeable pour aller se faire triturer le nez ou cracher dans un verre et ressortir avec un test- de préférence négatif- à renouveler toutes les 48 heures. Une immense tente blanche installée dans le port de plaisance de Cannes s'apprête à recevoir à cet effet 5000 festivaliers par jour. Mais ce n'est pas tout : désormais pour se rendre à une projection il faut réserver sa place, et ensuite une fois la demande acceptée, il va falloir soit imprimer soi-même le billet soit le télécharger sur son téléphone portable. Jusqu'ici tout a bien, si le port du masque est bien entendu obligatoire, les agents de sécurité peuvent demander aux festivaliers d'ôter leur masque le temps de la vérification; ensuite il faut r montrer son QR code ou son dernier test, et puis encore montrer son billet, téléchargé ou imprimé, pour la séance. A peine commencé, le festival des mésaventures liées aux restrictions bat son plein. Si les plus âgés des festivaliers sont pour la plupart doublement vaccinés comme l'exige le protocole, cet « avantage » leur rappelle qu'ils ont surtout le « privilège » de ne pas être jeunes, même si certains d'entre eux s'évertuent à porter encore des jeans slim déchirés ou des tee-shirts fluos. Ainsi à l'entrée du film d'ouverture Annette, de Léos Carax, une dame légèrement digne et exagérément botoxée sous son masque était au bord des larmes. Elle avait, dit-elle, bien téléchargé son billet la veille, et assure posséder un QR code qui atteste qu'elle a été piquée deux fois comme il se doit, mais là, pas de chance, la batterie de son téléphone est à plat, et elle ne peut rien prouver du tout. Du coup il ne lui reste que deux possibilités, aller fissa recharger son téléphone et espérer un miracle pour être de retour avant la projection, ou alors utiliser son badge autour du cou pour se pendre et en finir avec le monde d'après qui ne fait que commencer. A part tout ça, tout va bien. Il fait certes très chaud, mais il y a encore suffisamment d'eau à Cannes pour ne pas mourir de soif et pour se laver les mains régulièrement comme on nous l'assène un peu partout. Et l'Algérie dans tout ça ? Ah, l'Algérie...( moment d'émotion). Aucun film algérien n'est au programme, alors que le Maroc est en compétition officielle avec le dernier film de Nabil Ayouch et que la Tunisie présente dans une sélection parallèle le très attendu film de Leyla Bouzid ( oui, la fille de Nouri). C'est déjà la fin de cette chronique et on n'a toujours pas évoqué « Chroniques des années de braise », comment est-ce possible ? Alors, vite, rappelons que depuis 1975 et la Palme d'Or remise à Houari Boumédiene, non pardon à Mohamed-Lakhdar Hamina, aucun autre cinéaste africain n'a décroché la suprême récompense. Cette année deux films africains concourent pour la Palme d'Or :« Haut et fort » de Nabil Ayouch donc, et « Lingui » du tchadien Mahmat-Salah Haroun. Et bons joueurs, on les soutiendra haut et fort. Bien sûr, bien sûr... A demain.