14ème partie Il est aisé d'imaginer la somme d'espoirs et d'envies qu'une telle situation vécue de l'autre coté de la mer avait fait naître en Algérie. La France dans sa toute puissance paralysée par la grève, son patronat arrogant acculé et sa droite terrorisée mieux encore Thorez le leader du parti communiste inquiet au plus haut degré par les soviets d'ouvriers installés dans beaucoup d'usines réussit à les noyauter au profit de son parti et ce sera la mort de ceux ci. Il s'en suivit que le 12 juin 1936 sous sa plume dans l'Humanité il écrit : «Il faut savoir terminer une grève» ce qui était un conseil au début est devenu un ordre .Il rejoignit Léon Blum dans son affolement. Ils craignirent sans aucun doute de voir les évènements leur échapper au point de devenir incontrôlables. Le patronat auparavant plus réaliste avait pris l'initiative de conversations avec les délégués de la CGT d'où résultèrent les fameux accords de Matignon du 7 juin 1936. Les algériens lettrés et membres du Mouvement National ou pas s'intéressaient à tous ces évènements avec l'intérêt que l'on peut imaginer. Il s'en suivra une rencontre entre certains leaders algériens et des membres influents du gouvernement de Léon Blum et qui ne donna rien de bon comme nous le verrons. Mais il s'agit là d'un autre problème plus complexe qui se rattache à la revendication politique. Les mesures sociales importantes telles les congés payés votés le 20 juin,les 40 heures le 21, les conventions collectives le 24 ,la scolarité jusqu'à 14 ans le 11 août, s'appliquèrent sélectivement, c'est-à-dire aux français de l'hexagone et à leurs compatriotes d'Algérie mais surtout pas aux algériens alors que la grande masse vivait dans une misère indicible qui laissait indifférents ces messieurs du Front Populaire qui avaient d'autres préoccupations. Les commentaires de l'époque laissèrent entendre que Léon Blum était placé à la tête d'un gouvernement qui aurait du être révolutionnaire mais qui ne faisait que suivre les évènements qu'il était largement incapable de maîtriser. Par ces mesures les algériens constatèrent qu'il y avait une avancée indiscutable concrétisée par des acquis sociaux évolutifs et intéressants. Ces mesures avaient un sens politique indéniable.Elles leur apparurent comme un grand pas en avant, une conquête des couches laborieuses françaises. Mais plus encore la matérialisation progressive de ce rêve permanent qui accompagne tous les hommes: L'EGALITE. Certes , par ces dispositions les travailleurs français n'avaient pas obtenu l'égalité , mais ils persévéraient dans leur avancée vers elle. Le rêve devenait bien sur réalité progressivement dans leur esprit. Un nouveau modèle se mettait en place au nom de bonnes intentions mais encore plus profondément il y avait la l'expression d'une forme de philosophie sociale et politique. La première guerre mondiale qui venait de s'achever avait permis la mise en mouvement des masses populaires et sérieusement bousculé l'ordre régnant. Les inégalités en France se redéfinissaient mais les aspirations égalitaires demeuraient. Au même moment en Algérie, les efforts déployés antérieurement par le Mouvement National se matérialisèrent par un progrès indiscutable du syndicalisme. L'Humanité du 16 juillet 1936 donnait des chiffres éloquents malgré le joug colonial, la répression, les intimidations. A elle seule l'Union Départementale d'Alger comptait plus de 30.000 adhérents émanant des différentes branches d'activités mais fait significatif il y avait aussi 2500 ouvriers agricoles syndicalisés. Des grèves eurent lieu dans toutes les villes d'Algérie et touchèrent la quasi-intégralité des entreprises en ayant recours aux mêmes méthodes qu'en France. Grève sur le tas chant de l'internationale, occupations d'usines évacuées par la force. Les grèves en milieu agricole et portuaire surtout affolèrent les colons qui virent leurs produits bloqués dans les ports mais elles ne servirent point de leçon et aucune conclusion ne fut tirée. Les revendications étaient à la fois sociales et politiques. Des troubles furent signalés un peu partout. Fonctionnaires et officiers malmenés, bagarres violentes à Oran les 25 et 30 juin à Constantine le 30 juin à Mostaganem le 10 juillet1936. Evacuation d'usines occupées à Jijel suivies de 50 blessés suite aux fusillades. Violentes bagarres le 14 juillet à Bone , Alger et Ain Témouchent succédant à celles tout aussi violentes entre membres du Front National( émanation de la droite réactionnaire) et ceux du Front Populaire soutenus par les progressistes algériens à l'occasion de la célébration de la victoire de celui-ci le 14 juin. Des événements très significatifs eurent lieu dans la région algéroise dans le monde des travailleurs de la terre. Durant la première quinzaine de juin 1936 des groupes d'actions empêchèrent des centaines d'ouvriers agricoles de travailler ou de reprendre le travail, occupèrent les fermes, arrêtèrent des colons, le tout suivi de bagarres. Ces événements au lieu de provoquer une réflexion et des mesures sur le profond malaise ambiant et les demandes sociales et politiques d'un monde exploité donnèrent lieu a des réactions sévères de l'administration et dont l'évacuation par la force des fermes occupées, arrestations, condamnations suite à l'intervention brutale de, l'armée, la garde mobile et de la gendarmerie, remerciées chaleureusement par les colons réunis à Birtouta le 20 juin 1936. Ces grévistes ruraux inquiétèrent encore plus que leurs frères des villes. Ce fût un élément important et nouveau qui apparût dans les réalités politiques qui de toute évidence ne pouvaient absolument pas rester statiques sauf pour les esprits réactionnaires, rétrogrades, inintelligents. A suivre