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Les Français accepteraient-ils d'être gouvernés par un président raciste ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 27 - 01 - 2022

A l'approche des présidentielles en France, le pouvoir d'achat est à ce jour le thème qui comptera le plus dans le choix des électeurs à la présidentielle de 2022 (45%,) alors que certains candidats s'obstinent à véhiculer le thème de l'immigration (27%) comme essentiel et primordial pour la France.
Mais les électeurs seront-ils sensibles à ces appels incessants de l'extrême droite et cette guerre qui se durcit entre candidats extrémistes, chacun voulant fragiliser l'autre sur sa façon d'appréhender le sujet de l'émigration. Pour preuve, le candidat du nouveau parti Reconquête ne cesse de multiplier les appels à « l'union de la droite » entre électeurs du RN et de LR, pour « stopper immigration et assistanat ». « Je ne veux pas que Cannes soit à son tour ensauvagée » avait-il hurlé lors de son récent meeting à Cannes en ajoutant : « Je ne veux pas de kebab dans tous les villages de France ! », sous les applaudissements nourris de la foule cannoise dont bon nombre est connu pour son rejet des étrangers particulièrement des Maghrébins et des Africains. Pourtant, dans la plupart des autres villes françaises, ce discours et ces paroles xénophobes du rejet des étrangers, n'a qu'un faible impact, et ne s'affiche plus ouvertement, n'en déplaise à ses « commanditaires ». Le croisement de différentes données pousse plutôt à conclure à une stabilisation, voire à une baisse ces dernières années du racisme en France et du rejet de « l'autre ». C'est vrai que parfois des actes de violence ont lieu çà et là, mais c'est plus une expression d'un ras-le-bol social que du racisme, vu que dans la situation que traversent les Français et les attentes dans le domaine social et la redistribution tant attendues n'ont jamais été aussi fortes.
La chronique médiatique des faits divers et leur amplification par les partis d'extrême droite et les réseaux sociaux ne correspondent pas nécessairement à la réalité sociale française. Ces données vont dans le même sens que l'évolution des valeurs: globalement, la tolérance progresse en France. Ni du côté des actes recensés, ni du côté des victimes, on n'observe une flambée de racisme, contrairement à ce que distillent dans leurs discours les candidats xénophobes à la prochaine élection présidentielle, et ce, malgré que certains d'entre eux aient été reconnus coupables d'incitation à la haine raciale et condamnés, à l'image du candidat d'extrême droite Eric Zemmour qui a été reconnu coupable pour des propos qu'il a tenus sur les enfants migrants non accompagnés en 2020. Un tribunal de Paris l'a condamné à payer une amende de plus de 11 000 dollars et plusieurs milliers de dollars supplémentaires en dommages et intérêts aux groupes antiracistes. Il a d'ailleurs déclaré aux journalistes: « Je ne regrette absolument pas » ces propos. De plus, et après un début de semaine marqué par une polémique sur la scolarisation des enfants handicapés, Eric Zemmour a essayé de sortir de cette mauvaise séquence. Il est donc revenu sur son sujet de prédilection : l'immigration, thème qu'il veut continuer à marteler comme sujet central de cette élection présidentielle.
Il en a déjà dévoilé quelques-unes de ses propositions sur l'Europe à savoir la restriction des flux migratoires, comme la suspension de l'espace Schengen, la création de gardes-frontières qui auraient un statut de militaires ou encore la fin des régularisations des clandestins. Un projet de haine qui tend à stigmatiser les personnes en raison de leur origine, de leur confession, de leur race. C'est pour cela et bien plus encore qu'un collectif d'élus, de conseillers locaux et de représentants associatifs ont appelé à refuser toute demande de parrainage faite par une personne condamnée pour «provocation à la haine raciale» et poursuivie pour «injure raciste». Ils ont précisé, notre Constitution «ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion». Pourtant, en tenant des propos haineux, xénophobes et misogynes, les candidats à l'élection présidentielle, Eric Zemmour, Marine Le Pen, etc. sont en passe de rompre ce pacte républicain de la France.
On n'oublie pas que le Front national de Jean-Marie Le Pen, bien avant sa digne fille Marine, s'est construit sur les provocations, nombreuses, de celui-ci. Ses déclarations nauséabondes ont conduit bien des associations et des mouvements antiracistes à déposer plainte à de multiples occasions. Aujourd'hui et pensant duper les Françaises et les Français, Marine Le Pen s'est donné comme objectif d'accéder au pouvoir en tenant un discours plus feutré, voire «social», afin de tenter de ne plus attiser la peur. Cette attitude a conduit à l'émergence d'une droite extrême à la droite de Marine Le Pen incarnée entre autres par Marion Maréchal, Eric Zemmour, Florian Philippot. Cette extrême droite radicale, qualifiée ou non de fasciste, crée un climat délétère qui n'est pas sans rappeler celui des années 1930. Dans cette situation, ne pointer du doigt qu'Eric Zemmour serait une erreur. Faut-il rappeler que, depuis un an à peine, c'est un appel ouvert de Philippe de Villiers à «l'insurrection», et c'est un syndicat de police qui voulait «établir des check-points autour des cités et faire des contrôles des personnes pour les empêcher de sortir».
Ces candidats de la haine contre l'immigration ne savent pas ou ont oublié qu'au cours des années 1920, le boom de la reconstruction qui avait entraîné une pénurie de main-d'œuvre en France, c'est cette immigration en provenance d'Algérie que la France a sollicitée pour la relance économique de son pays, en complément de l'immigration étrangère italienne, espagnole, etc. En 1930, plus de 100 000 Algériens travaillent en France. Et les colons chers à Zemmour et Le Pen, hostiles au développement de ces migrations vont réussir à les entraver en s'appuyant sur la rubrique « fait divers » de la grande presse comme le font ces candidats délétères de la présidentielle. Le stéréotype de l'Arabe criminel débute dans l'hexagone en 1923. En novembre de cette année-là, l'assassinat d'une jeune femme par un émigré algérien est le prétexte qui permet aux journalistes de renouveler leur stock de stéréotypes en mettant à la une de l'actualité, le « problème des sidis ». A la suite de cette campagne de presse, le Conseil municipal de Paris crée le service de surveillance et de protection des indigènes nord-africains, placé sous la responsabilité du cabinet du préfet de police. Plusieurs grandes villes de France vont mettre en place des structures du même genre au cours des années suivantes. C'est ce dont rêvent les Zemmour, Marine et consorts d'inclure dans leur programme une fois président de la République.
Déjà en 1947, une violente campagne contre l'immigration algérienne est orchestrée, réclamant le rétablissement des brigades nord-africaines. Les rafles préventives contre le « vagabondage » se multiplient. Les journaux citent des statistiques affirmant que 36% des auteurs d'agression sur la voie publique sont nord-africains. Même un journal réputé sérieux, comme Le Monde titre : « la criminalité nord-africaine soulève un problème national » (16 septembre 1949).
Point de vue que L'Aurore énonce en termes moins choisis : « Dans certains quartiers de Paris, l'Arabe est roi de la nuit » (5 novembre 1948). Les rixes entre Algériens et Français sont fréquentes. Ces discours, qu'ils soient positifs ou négatifs, focalisés sur le « travailleur immigré » ont contribué à masquer le processus d'intégration des familles algériennes, fixées en métropole dans les décennies antérieures. D'après une enquête portant sur 2 000 cas, « la situation morale et matérielle des foyers mixtes n'est, selon les assistantes sociales, ni pire ni meilleure que celle des foyers européens ».
L'essor du Front national aux élections européennes de 1984 et aux législatives de 1986 a évidemment aussi joué son rôle : le parti de Jean-Marie le Pen recyclait une partie du discours de l'Algérie française et établissait une relation entre passé colonial, immigration et nationalité. Il est clair que cette haine intolérable est dans la filiation directe du racisme colonial. A la suite de ça, et à l'occasion de la tenue le 28 septembre 2019 de ce qui fut appelée la « convention des droites » et des amis de Marion Maréchal Le Pen, Eric Zemmour s'est lancé, comme à son habitude, dans une violente diatribe visant notamment les musulmans. En France principalement et dans bien d'autres pays, la parole raciste n'est pas une opinion, mais un délit puni par les tribunaux. Ces candidats de la haine ne peuvent se prévaloir de la France et mépriser à ce point les valeurs qu'elle incarne. A 90 jours du second tour de l'élection présidentielle, un discours de haine peut coûter cher. Donc, monsieur Zemmour devrait réfléchir sur le fait que Marine Le Pen et avant elle Jean-Marie Le Pen qui n'avaient pour moteur du combat que leur aigreur et la ténacité de leur rancune aux Algériens qui ont bouté leurs parents et amis hors de leur pays ne sont jamais parvenu à franchir les portes de l'Elysée avec ce comportement antisocial. A bon entendeur.


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