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Les noms de lieux : grands témoins d'une culture plurilingue
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 30 - 06 - 2022

Quelques travaux sur les noms de lieux en Algérie relèvent que les noms à consonances berbérophones signalent la trace - dans un certain passé - d'une population berbère (ou amazighe, comme on préfère dire, de nos jours).
Ainsi, la racine [F-R] que l'on retrouve dans des noms de lieux tels que «TiFRa» ou bien «FRenda», «TaFaRaoui», «Aïn FRanine», etc., signifierait en «berbère» présence d'eau. Mais il se trouve qu'en grec, précisément, la racine [F-R] se retrouve dans «nappes phréatiques», par exemple. Car le sens grec de cette racine renvoie à la notion de «puits», «point d'eau». Sachant que les Byzantins ont occupé l'espace quelques siècles durant, serions-nous surpris qu'ils aient laissé des noms de lieux utilisant la racine [F-R] ?
On sait qu'en Espagne, les Phéniciens ont fondé Malaga , Séville , Grenade , Cordoue , etc. Certes, toutes ces villes (ayant conservé leurs noms phéniciens) abritent encore quelques traces de cette civilisation, mais rien, absolument rien, ne permettrait d'affirmer que l'identité de ces villes est phénicienne. Qui s'aventurerait dans une telle élucubration ?
Ce type d'assertions qui conclut, par exemple, que tout nom de lieu contenant la racine [F-R] est la preuve que «nous étions tous Berbères», répond donc à des motivations communautaristes opposées à la démarche scientifique. Ce type d'assertions consiste, en définitive, à réduire le concept de culture/civilisation à celui d'une composante identitaire maintes fois remodelée par l'histoire. La «preuve est dans le pudding», disait un philosophe. Et notre pudding à nous, c'est le témoignage actuel de langues maternelles pérennisées. On sait, par exemple, que Tigzirt est une ville fondée par les Phéniciens. Faudrait-il que, de nos jours, les Tigzirtois se réclament de la Carthage punique? Cela, malgré le fait que la langue maternelle qui se pérennise est le taqbaylit ? Des exemples de noms de lieux puniques constitueraient de bien longues listes (Rechgoun, Les Andalouses, Annaba, Cirta, Alger, Cherchell, Skikda, Dellys, Ténès, etc.). Raison de plus pour éviter de se précipiter sur une conclusion bien idéologique et assumer ce legs historique d'une culture plurilingue.
Un tel procédé de raccourci historique ne peut donc s'abriter sous quelque caution scientifique. Certes, la recherche sur les origines linguistiques des noms de lieux comporte un certain intérêt pour la connaissance de notre histoire. Cependant, sa réduction à un argumentaire en renfort de thèses à résonances suprémacistes représente un danger pour la cohésion nationale. Prenons Cirta. On sait que ce nom est punique (racine ) et que la transcription latine du néo-punique a transformé «k» en «c». Et signifie «ville» (G. Camps, entre autres). Ce nom est donc bien établi avant même que le royaume de Numidie n'en fasse sa capitale. Faudrait-il conclure que l'identité des Numides était punique? Que Massinissa était punique?
Ces pseudo-syllogismes sont bien plus porteurs de confusions qu'ils ne clarifient des situations. Si l'objectif est de démontrer la nature d'une identité, alors, commençons par nous mettre d'accord sur ce que cette notion signifie. Disons que «identité» véhicule le principe de rapprocher des entités à partir de ce qu'elles ont en partage. Deux sportifs qui jouent au football appartiennent à la catégorie «footballeurs», telle est leur identité sportive. Deux individus citoyens d'un même Etat sont des compatriotes, telle est leur identité nationale. Deux individus parlant une même langue maternelle sont des co-locuteurs, telle est leur identité linguistique. Le terme d'identité a donc besoin d'être spécifié, sinon il ne veut rien dire. Ajoutons à cela que la caractéristique identitaire est, sinon éphémère, du moins évolutive. C'est donc à partir du principe d'avoir des choses en partage que nous sommes fondés à parler d'identité, d'identification. Si ces «choses en partage» disparaissent, comment peut-on continuer de parler d'identité?
Il faut reconnaître que la revendication berbérophone a marqué l'histoire récente de notre pays - essentiellement en Kabylie. Les langues maternelles de la nation doivent, en effet, être prises en charge, préservées et développées par l'Etat national. Et dans un tel cas de figure, outre les variétés berbérophones, il y a aussi la darija/maghribi; d'autant que cette dernière est la langue maternelle d'une écrasante majorité de la population. Ce maghribi nous vient de loin puisqu'il a pour substrat la langue punique. Appartenant à une souche linguistique dite «sémitique», il est incontestablement proche de la langue arabe. Mais ce n'est pas de l'arabe. Pas plus que le syriaque ou l'araméen ou l'hébreu (appartenant à la même souche) ne sont de l'arabe.
Parlée dans le royaume numide et dans le reste de l'Afrique du Nord, la langue de Carthage a accompagné, d'un pas sûr, l'introduction de la religion musulmane ainsi que de la langue arabe dans nos contrées. A compter du VII/VIIIèmes siècles. C'est grâce à ce bilinguisme (punico-darija/arabe) que la société maghrébine a réussi son entrée en islam tout en préservant ses langues maternelles. En effet, à côté du punico-darija et des variétés amazighophones, il y avait du latin, du grec, et bien d'autres langues disparues depuis. On sait que l'islamisation n'a jamais eu pour objectif (ni en Afrique du Nord ni ailleurs) d'arabiser les populations. D'ailleurs, les Nord-Africains ont su préserver leurs langues maternelles. Certes, la langue du Coran a enrichi le répertoire linguistique natif, mais elle s'est préservée en maintenant une identité propre . Il en a été de même pour les langues maternelles : elles se sont préservées et nous en avons encore les échos de nos jours. A ce propos, comment expliquer que les Banû Hilâl - qui, au XII-XIIIèmes siècles, sont censés nous avoir «arabisés»- parlaient non pas une langue du Hijaz, mais la darija maghrébine (avec le «gu» à la place du «q»): qui aura influencé qui ?
En toute conséquence, l'amazighophonie est bel et bien inscrite dans notre patrimoine immatériel à côté des autres langues : le maghribi et l'arabe.
La question qui se pose est de savoir pour quelle raison la revendication linguistique amazighophone se transforme subrepticement en une revendication d'hégémonie culturelle amazighe? Quand bien même les traces archéologiques et linguistiques viendraient, un jour, soutenir une telle option, pourquoi donc renier le reste ? On sait que la durée de vie du royaume numide est de 150 ans environ. La civilisation arabo-musulmane (jusqu'aux Ottomans) pèse près de 800 ans. Quant au substrat linguistique hérité de Carthage (la darija), il a près de 3.000 ans derrière lui. De tels pans de notre histoire ne valent-ils pas d'être, enfin, pris en considération sérieusement en vue d'une appréciation proportionnelle de nos dettes culturelles et linguistiques?
Mon sentiment personnel, moi qui soutiens et défends toutes les langues maternelles, c'est que des confusions sémantiques sont venues nous empoisonner l'existence. En effet, un terme bien malheureux continue de nourrir ces confusions, c'est celui de «berbère». Il se trouve que ce qualificatif qui, à l'origine (gréco-latine) signifiait «au parler incompréhensible», est repris, lors de la civilisation arabo-musulmane, sous le terme de «bra-ber» (Cf. notamment Ibn Khaldûn). Or, dans la bouche des Arabes de l'époque - et surtout des Andalous -, ce terme désignait, non pas les locuteurs berbérophones, mais TOUS les habitants du Maghreb : c'était un synonyme de «maghrébin». A ce propos, les tribus qui ont assumé le pouvoir dans l'empire califal (les Zenatas, les Zirides, etc.,) n'ont pas témoigné d'une appartenance linguistique berbère d'autant plus que c'est l'arabe et le maghribi qui ont été les moyens de communication majoritaires, dûment attestés. Il s'agissait donc de tribus maghrébines et non pas «berbères» dans le sens de amazighophones. La même confusion est reprise par les ethnologues français du XVIIIe siècle. Il suffirait de remplacer (dans 90% des cas) «berbère» par «maghrébin» pour retrouver de la transparence dans ces époques bien obscurcies de notre histoire.
Mes présentes remarques et arguments ne s'opposent certainement pas à un nécessaire débat serein sur notre antiquité, sur l'histoire de nos populations, sur notre atlas linguistique, sur l'émergence du nationalisme et sur le statut de l'algérianité contemporaine. Il nous faudra ouvrir tous ces dossiers (en particulier) et aller à la recherche de la vérité, sans a priori. Laissons les anathèmes aux incultes et attelons-nous à ressouder notre cohésion nationale dans ce multilinguisme dont nous sommes héréditaires. En tout état de cause, de notre profil linguistique maternel, il ne se dégage que 02 formations linguistiques : la maghribiphonie et l'amazighophonie. Les autres langues n'étant pas natives, restent extérieures à la nation.
*Linguiste


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