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Agriculture et développement rural: Aperçu historique sur l'évolution du foncier agricole en Algérie à travers les âges
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 18 - 08 - 2022

D'emblée et pour aborder un tel sujet portant sur le foncier agricole en Algérie, il m'a été difficile de rassembler, en synthèse, quelques-unes des données relatives à l'usage de cet espace naturel, à travers les âges, tant les sources documentaires et les statistiques y afférentes sont diverses et dépendantes parfois de la vision contemporaine des choses et du traitement que l'on s'en fait en fonction des tendances socio-économiques et politiques de l'heure.
Le foncier agricole a été souvent au centre des débats au niveau de divers parterres, parce qu'en fait, il est foncièrement important dans la sphère des systèmes agraires, car il constitue, outre mesure, le soubassement de toutes productions agricoles servant l'atteinte de la sécurité alimentaire, élément fondamental de la souveraineté nationale.
Mais cependant et dans la foulée des concepts intellectualisant, une chose me semble quasi-certaine: le foncier agricole en Algérie, demeure parfaitement dépendant du caractère social que de la donne technique, dont la perception sous-tend l'idée de l'évolution de la société algérienne depuis des lustres avec ses connotations tribales et ses flux humains qui pesaient et pèsent encore lourdement. Il faut cependant situer le foncier agricole dans l'esprit des mutations agricoles et rurales et des transformations qu'a connues le pays depuis de nombreuses générations et peut être, depuis l'antiquité.
Tout d'abord et en prélude, faut-il dire en résumé que du temps de la Numidie antique, les espaces ruraux étaient déjà complémentaires et les populations adaptèrent leurs cultures et pratiques agricoles aux éléments naturels offerts par les divers types de territoires de telle manière, affirment les récits historiques, que les montagnes furent caractérisées par la pratique de l'arboriculture notamment les oliveraies et les figueraies; les terres de cultures étaient réputées pour le maraichage, les vergers et autres cultures vivrières, alors que les plaines sèches se caractérisaient par la culture de l'orge, des blés durs et les élevages ; les zones sahariennes, par l'agriculture oasienne et l'élevage camelin, tout particulièrement.
Les forêts quant à elles, entrecoupent les espaces de montagnes et de collines, occupant plus de cinq (5) millions d'hectares, furent utilisées pour le bois, la chasse et la cueillette.
A l'époque des romains, l'empire introduisit une rupture dans les espaces ruraux avec des territoires et des couloirs de communication sécurisés et l'extension de la monoculture céréalière au profit des villes-garnisons et des marchés extérieurs faisant en sorte qu'il y ait une tendance à la différenciation entre espaces agricoles et juxtaposition et entre agriculture autochtone et agriculture coloniale, avec apparition de la dichotomie : villes et campagnes, chose continue avec vandales et byzantins avec quelques infimes variations.
A l'ère des foutouhate avec l'essor de la civilisation musulmane, au moyen âge, le pays a enregistré une reconstruction des complémentarités avec l'introduction du droit musulman (propriété Melk) et de nouvelles cultures, une urbanisation plus poussée, une réappropriation des anciennes villes romaines et la création de nouvelles villes, un développement harmonieux des campagnes, ainsi qu'une réinsertion du reste de la Numidie antique dans les courants d'échanges avec la méditerranée, l'orient arabe et l'Afrique sub-saharienne.
Au cours de la période ottomane, les changements apportés par la régence turque ont concerné en priorité le régime foncier (propriété dite beylikale sur les territoires agricoles contrôlés par la régence), les terres dites azalières confisquées ou achetées aux tribus, concédées et administrées par des groupes sociaux alliés à la régence (Propriété Melk, terre arch, terre Wakf, auxquelles il faut rajouter aussi les terres Mechmel existants à l'époque, c'est-à-dire les terres qui ont perdu tous leurs propriétaires). Alors que des prélèvements sont opérés sur les zones rurales sous formes de divers impôts.
Les récits historiques contemporains font dire qu'à cette époque fut notée une certaine dégradation des formes collectives d'appropriation des terres et un lent processus de décomposition de la propriété tribale, communautaire et familiale par le jeu de succession, des confiscations et des rapports de force instaurés par certaines tribus ou fractions de tribus.
Lors de la colonisation française, on n'a fait qu'accentuer la rupture territoriale et sociale avec la forme dite « Algérie utile ». La colonisation rapporte-t-on, introduisit les ruptures les plus radicales, à la fois dans les formes d'organisation des espaces ruraux comme dans les rapports de propriétés des terres.
Les lois foncières et les expropriations complèteront la formation d'un espace colonial privé sur près de 3 millions d'hectares, soit près de 35% de la superficie agricole utile, contrôlés par 150.000 colons et regroupant 22.000 exploitations, dont la propriété latifundiaire a fini par détenir quelque 87% de la propriété coloniale (Omar Bessaoud, 1999).
Ainsi donc, lors de la colonisation, l'espace agricole algérien a été progressivement spécialisé en une série de sous espaces juxtaposés de manière à ce que les terres riches appartenaient aux colons, les piémonts et pentes, aux fellahs, les montagnes utilisées comme réserves pour la main d'œuvre et la steppe étant réservée aux élevages. Toutes les pratiques de complémentarités entreprises à l'échelle nationale sont enfin, rompues ou entravées au profit de nouvelles complémentarités «Algérie utile et métropole» et de spécialisation d'un certain nombre de territoires.
Revenons donc au détail pour décrire, d'une manière sommaire, la chronologie des étapes qu'à connues le foncier agricole en Algérie pour lequel, nombre d'analystes et d'historiens, l'ont classé, à juste titre, en trois périodes assez distinctes, l'une de l'autre, mais avec un «rond-point» historique qu'est la colonisation française.
Dans cet essai qui ne se prête pas à l'exhaustivité, nous tenterons d'aborder la période d'avant la colonisation ou précoloniale, celle de la colonisation et celle de la post-indépendance ayant marqué l'évolution du foncier agricole en Algérie.
Du régime foncier durant la période précoloniale.
Il serait, néanmoins, assez utile de donner un aperçu sur la région «Ifriqiya », dont faisait partie le Maghreb central (l'Algérie) du temps de la dominance/colonisation romaine qui considérait cette partie de l'Afrique comme le ravitailleur des pays du bassin méditerranéen européen et asiatique, comme ce fut le cas depuis la plus haute antiquité. Les terres agricoles de cette zone étaient, de ce fait, de tout temps convoitées en raison de leurs richesses, du climat qui les prédomine et de leur situation géographique favorable au commerce et au transport des productions agricoles.
Les terres étaient réparties, à l'époque, en 03 catégories dont la qualité du sol réglementait la nature de la production : i), le Tell, est constitué des meilleurs terres d'une fertilité prodigieuse, consacrée aux cultures nécessitant une pluviométrie « abondante » ; ii), les hauts-plateaux et la steppe où prédomine la céréaliculture pluviale, avec des rendements et les parcours très riches favorisant l'activité de l'élevage pour autant négliger les céréales avec de bons rendements dans les bonnes années, et iv), le Sahara, en dépit d'une pluviométrie pauvre, d'assez importantes des terres sont gagnées, sur le sable, à la faveur des nappes phréatiques riches et peu profondes.
En tout état de cause, ces terres obéissaient, dans leur gestion, aux lois édictées par les souverains et autres chefs de groupements sociaux, quoiqu'il ne s'agit pas de croire que ces dernières aient été injustes mais différaient néanmoins, selon les régions, mais, malheureusement, et notamment pour celles ayant trait à la fiscalité, elles changeaient souvent à la faveur des étrangers.
Ainsi, du temps des romains, le traité de Magon (Phénicien Carthaginois ayant écrit le premier traité d'agriculture)-, régissait le travail de la terre et un cadastre a été établi pour arpenter les terres à travailler par les autochtones au profit des romains donnant lieu à des actes appelés « auctores reiagrareoe », l'équivalent des livrets fonciers actuels. On dénombrait alors trois catégories de propriétaires et usagers : les aristocrates romains, les berbères romanisés et les autochtones qui exploitaient les terres contre paiement d'impôts. Les terres de ces derniers étaient considérées comme propriété de l'Etat.
Avec le temps et la suprématie romaine, les terres furent confisquées et octroyées aux colons, notamment les protégés des empereurs et souverains. Les autochtones, propriétaires initiaux, devinrent des ouvriers ou étaient renvoyés vers des terres faibles et marginales. Ainsi, Rome considérait les terres de l'Ifriqiya comme étant propriété de l'Etat, allant jusqu'à la régularisation de la situation par le cadastre, s'appropriant du coup, toutes les grandes propriétés des aristocraties puniques, aux terres productives, créant les grands domaines privés (latifundia) ou le domaine de l'Etat romain (agerpublicus).
Pour les autres terres, agersubsecivus, elles demeurèrent exploitées par leurs propriétaires initiaux moyennant paiement d'impôts assez importants et redevances très lourdes telles la dime, le quint, la redevance en huile et vin, etc. En revanche, les propriétaires initiaux «amis» étaient traités comme des romains et ne payaient que le «stipendum» comme les colons romains.
A l'ère musulmane, le régime foncier fut inspiré essentiellement du droit musulman même s'il était adapté souvent aux rites et coutumes locales. A l'époque, fut installée la liberté d'exploitation (gestion, aliénation...) conduisant à la stabilité de la propriété. Sous l'un des califes almohades fut réinstauré « le kharadj » (redevance agricole pour les terres conquises), après création du cadastre déterminant la superficie à emblaver impérieusement. Cet impôt disparut quelques temps après, avec le règne de l'islam sur tout le Maghreb. En fait, le droit musulman et les coutumes ont permis de classer les terres en :
- Terres Melk : la propriété privée connut un élargissement ou un rétrécissement selon les périodes et les politiques, en vigueur. Lorsque le pouvoir central s'affaiblissait, le domaine melk grandissait à la faveur des concessions faites aux personnes dont l'amitié et l'alliance est souhaitée. Néanmoins, la propriété melk s'est nettement morcelée suite aux successions, transmissions et autres ventes. Cette période fut connue aussi par certaines pratiques rappelées par des adages aux origines musulmanes comme « celui qui vivifie une terre en devient propriétaire » même si celle-ci appartenait à un propriétaire qui l'a délaissée depuis longtemps.
Cette «accaparation» devient plus évidente si elle est couverte par l'autorisation du souverain. L'origine de la propriété fut ainsi liée essentiellement au travail, à la vivification ou à la fructification paisible (l'équivalent de prescription acquisitive).Toujours est-il, la propriété privée était sacrée même si, la plupart du temps, elle n'était consacrée par aucun document, si ce n'était, dans peu de cas, par une melkia nécessaire pour toute mutation ou transmission (établie par deux notaires ou par le témoignage de 12 personnes).
Les principaux actes pouvant être conclus sur la propriété privée sont la succession qui peut être suivie du partage (qisma), la vente de la terre ou des parts de la succession, le nantissement (rahn), le bail à complant, le fermage, la location et la khèmmassa.
- Terres Wakf : le terrain devient propriété notamment d'une personne morale religieuse qui en devient l'usufruitière selon la volonté du constituant du wakf. La succession, l'héritage, la vente, le don, l'hypothèque ou la location en sont, ainsi, écartés; ni le constituant, ni le dévolutaire intermédiaire, mieux encore ni l'institution dévolutaire définitive, ne pouvaient en disposer librement, ils n'en deviennent que des usufruitiers. Seuls étaient tolérés le remplacement par le Cadi (juge musulman, à l'époque), en cas de dépérissement du bien et le bail (la rente remplaçait la jouissance du bien).
- Terres Arch : à l'inverse des terres Melk (privée), il s'agit de la propriété de la tribu (bled el arch). Il est rapporté qu'il en existait de vastes étendues, qui appartenaient au souverain qui en laissait la jouissance aux tribus qui pouvaient adopter le mode de jouissance le plus avantageux par rapport aux nécessités et aux besoins de la communauté.
Cette catégorie se base sur le principe du «premier à mettre en valeur» la terre et qui en conservait la jouissance tant qu'il la cultive ; il pouvait la transmettre à ses héritiers mais ne pouvait ni la vendre ni l'échanger. Elle revient à la djemàa en cas de décès du jouisseur sans héritier. Le règlement des conflits qui résultent de leur gestion étaient de la compétence des djemàa. En termes d'impôts, les «propriétaires» de ces terres payaient le kharradj, en sus de la zakkat et l'Achour.
- Terres du Makhzen : Il s'agit de terres concédées aux colons militaires accompagnées d'outils de travail (armes et un cheval). En contrepartie, le bénéficiaire se devait de se mettre militairement, à la disposition du souverain dès que le besoin se faisait ressentir et de payer une redevance minime, payable en nature, appelée « hakrechchabir », même s'il restait toujours redevable de la zakat et du achour. Il est noté, néanmoins, le caractère précaire de cette « concession » qui pouvait faire l'objet de « résiliation » dans certains cas laissés à l'appréciation arbitraire du souverain.
Pour le mode d'exercice du droit, il différait selon la catégorie de la terre ; si celle-ci était une terre arch : la vente, la location ou encore le don étaient interdits ; si elle est de type Melk, ou que le bénéficiaire en recevait la propriété (le melk) : la vente, la location, le partage, le don...étaient tolérés. En tout état de cause, la terre peut être récupérée par le souverain si le bénéficiaire n'exécutait pas les ordres notamment militaires.
- Terres du Sahara : La nature de propriété de ces terres diffère selon la présence de l'eau. Ainsi, elles sont de caractère melk individuel, lorsqu'il s'agit des terrains « hai (vivant) » dû au fait qu'elles soient régulièrement arrosées par des rivières, tels les oasis. Elles sont cependant de caractère Arch, lorsqu'elles sont des terres voisines des rivières, appelées également « djelfs » et qui ne bénéficient de l'eau qu'en cas de son abondance dans les régions montagneuses.
L'eau, à sa sortie des montagnes, était retenue par des barrages qui la destinaient, à travers des canaux, uniquement aux oasis surtout cas de pluviométrie minime dans les montagnes. A l'exception des cas d'abondance de l'eau de montagne, les canaux absorbaient la totalité des eaux de rivières si bien que, mis à part les oasis, les autres régions ne recevaient pratiquement pas d'eau.
Dans le cas contraire (cas d'abondance d'eau), les terres voisines des rivières naturelles sont arrosées et sont cultivées notamment en blé ou en orge. Ces terres sont la propriété de la tribu dont les chefs déterminent, chaque an et sur la base de l'existence de l'eau, les terres à cultiver.
- Terres du Beylek : elles concernent exclusivement les terres possédées par le beylek et qui étaient très étendues outre les terres sur lesquelles, il exerçait d'importants droits. Elles étaient estimées à environ 9 millions d'hectares (rapporteurs de la loi de 1873) parmi lesquelles, on cite les terres mortes (el ardh el meyita) non productives qu'après vivification ou mise en valeur; les terres arch; les terres du makhzen; des espaces cultivées ou des fermes que le beylek exploitait lui-même par le biais d'un gérant et de « Khammès», et les habous, administrés par un bureau appelé beit el mel. Le Beylek possédait en outre de nombreux et vastes espaces cultivés.
A la fin de la période ottomane, en 1830, les écrits contemporains font valoir que l'Algérie comptait quelques 40 millions d'hectares de surface agricole totale répartis en 4,5 millions d'hectares de terres melk et habous ; 1,5 millions d'hectares de terres de beylek et de makhzen ; 5,0 millions d'hectares de terres arch ; 3 millions d'hectares de forêts, broussailles, 26 millions de terres de Sahara dont 3 millions d'hectares d'oasis et 26 millions de parcours et de zones alfatières.
Du régime foncier lors de la colonisation française (1830-1962)
D'emblée avance-t-on, dans de nombreux récits historiques que la colonisation française dès la conquête du pays en 1830, lia tout son avenir économique à l'agriculture de manière que «colonisation et colonisation agricole» deviennent en Algérie presque synonymes, au point que le colon, qui désigne surtout les habitants des colonies par rapport à la métropole, signifie, pour les européens d'Algérie, les seuls agriculteurs.Déjà, dès le début et pour affirmer sa domination et développer la colonisation, l'administration française entreprit l'élaboration d'une politique foncière visant, à travers une législation adéquate, à déposséder le paysan algérien de ses terres au profit du colon et à substituer la propriété privée et individuelle à la forme collective d'exploitation.
Pour la gestion du foncier agricole, deux arrêtés ont été pris déjà, en 1830 déclarant que tous les biens appartenant au beylek et habous sont incorporés au domaine de l'Etat colonial. Il s'agit de l'arrêté du 8 septembre 1830 et du 1er mars 1833. Mais ces arrêtés ont été sans conséquences positives d'où une suite d'ordonnances et de lois promulguées.
Il s'agit de l'ordonnance du 1er octobre 1844 qui avait essentiellement pour objet de lever l'opposition sur les biens habous aux acquéreurs européens et soumettait les litiges aux tribunaux français et à leur législation et de l'ordonnance du 21 juillet 1846, laquelle déclarait du domaine de l'Etat, tous les biens jugés sans maitre ou dont les titres sont classés insuffisants. Ces instruments juridiques introduisirent les premiers bouleversements dans les statuts fonciers et l'ordre social dans les campagnes algériennes
Quelques années plus tard, l'administration coloniale promulgua la loi du 16 juin 1851, laquelle constitua la première loi sur la propriété foncière en Algérie. Cette loi stipule l'inviolabilité de la propriété, la liberté des transactions et application de la loi française à toute transaction dont une des deux parties, ou les deux, est européenne. Par ailleurs, la loi musulmane ne s'applique désormais qu'aux transmissions entre musulmans.
Elle s'en est suivie de la théorie du cantonnement qui se résume en un droit de propriété accordé au membre du arch qui exploitait une terre en contrepartie de la prise d'une portion de cette terre au profit de l'Etat ; on cantonnait, alors, le paysan dans la partie qui lui est laissée. Cette théorie fut retirée en raison d'une vive opposition qu'elle causa du fait que les paysans étaient expropriés des meilleures parties de leurs terres et ce, au profit des colons.
A l'époque, l'administration coloniale procéda également à la promulgation du décret du 26 mars 1856 qui visait essentiellement l'encouragement des «échanges amiables» pour mettre fin au morcellement des terres, la réorganisation de la propriété foncière et le remembrement des exploitations rurales et l'ordonnance du 3 janvier 1859 qui avait pour but la constitution et la constatation des droits de propriété et autres droits réels et charges, la délimitation des propriétés selon une méthode cadastrale, la réalisation de partages, la mise en œuvre des opérations de remembrement et la création du tribunal foncier.
Dans la même lancée portant gestion du foncier agricole, on promulgua la loi du Senatus Consulte du 22 avril 1863 qui est perçue comme l'une des plus importantes législations immobilières appliquées par l'administration française en Algérie. En bref, cette loi répartit les terres entre les tribus pour leur individualisation à dessein de faciliter les transactions. Elle concernait les terres arch et les terres du makhzen. Ainsi, après délimitation du territoire des tribus et sa division en douars, le droit de jouissance détenu par les tribus est converti en droit de propriété et transformé par la suite en droit de propriété individuel au profit du membre du douar exploitant.
La loi du Senatus consulte a été suivie par la loi du 26 juillet 1873 qui procéda simplement à la francisation de la terre musulmane, en soumettant, autant que possible, les droits et actes à la loi française, à travers la délivrance de titres de propriété purgeant les terres des droits antérieurs et, dès lors, le bien concerné ne pouvait être, dorénavant, régi par le droit musulman. Des enquêtes générales (sorte de cadastre) sont entamées au niveau des douars et tribus à l'effet de constituer la propriété privé en remplacement à la propriété collective.
De même qu'il était toléré de procéder à des enquêtes partielles pour les territoires qui pouvait nécessiter beaucoup de temps pour la réalisation des enquêtes générales ; ainsi, les colons ayant acquis, chez des autochtones, des terres melk sur des territoires non encore programmées pour des enquêtes générales pouvaient se faire délivrer des titres définitifs.
Trois autres lois ont été élaborées. Celle du 28 avril 1887 qui voulait corriger les erreurs de la loi précédente qui, en accordant des titres aux autochtones, n'avait pas facilité les transactions avec les européens ; ainsi, la loi de 1887 et qui opéra au partage des terres entres les ayants droits. Malheureusement, la tâche se compliqua par les attributions arbitraires faites par les commissaires enquêteurs en charge des enquêtes.
Les titres délivrés n'étaient pas pris en considérations par les autochtones qui revenaient systématiquement aux coutumes antérieures et la loi du 16 février 1897, complétée par la loi du 4 août 1926.
Ces dernières lois préconisèrent les enquêtes partielles et la purge des terres arch et melk et la délivrance de titres. Il s'agissait, en fait, d'un travail préparatoire, pour apporter corrections aux erreurs insuffisances des lois antérieures, à la mise en place du système des livrets fonciers. Dans la pratique, ces lois se matérialisèrent, notamment, par la suppression des enquêtes générales, la reconnaissance des effets absolus aux titres délivrés en vertu des lois 1873 et 1887, la remise en cause du système de la francisation en admettant, entre autres, le ministère des cadis même pour les terres francisées.
Les lois foncières ont été le plus puissant instrument de domination exercé par le système colonial sur la société rurale algérienne. A la fin de la 1ère guerre mondiale les colons contrôlaient déja 2,1 millions d'hectares et 194 159 ha de forêts. Les pouvoirs publics coloniaux d'alors détenaient 5 à 6 millions d'ha dont 2,5 millions d'ha sont classés comme forêts. Les algériens cultivaient un peu plus de 1,9 millions d'ha, l'équivalent de 4,1 millions d'algériens en 1911.
En 1921, l'Etat colonial s'est approprié 3 114 792 ha dont 1.179 664 ha étaient classées comme terres forestières. En 1930, plus du tiers des terres de culture était passé 2% de la population agricole (Ageron, 1990). Le recensement de 1950-51 attribuait à la propriété européenne plus de 2,7 ha dont héritera l'autogestion agricole proclamé par le prolétariat agricole algérien au lendemain de l'indépendance.
Quant à la consistance du foncier agricole à la veille de l'indépendance, et sans prendre en compte les terres sahariennes et présahariennes qui sont du domaine de l'Etat, la situation foncière était telle que la propriété privée, titrée ou francisée était de 5.177. 040 hectares dont 2.247. 040 hectares appartenaient aux européens et 2.930.000 hectares appartenaient aux algériens, dits à l'époque population musulmane.
Les terres de type Melk non titrée étaient de 4.000. 356 hectares et la propriété collective était de 2.070 000 hectares. Quant aux terres propriété de l'Etat, elles étaient de 5.233.729 hectares dont 4.694.214 hectares sont du domaine privé, 539 515 hectares du domaine public et 4 179 150 hectares du domaine communal.
-Du régime foncier après l'indépendance.
Il est à noter que quelques années avant et durant la période coloniale, on estimait qu'environ cinq (5) millions d'hectares étaient titrés, les autres terres restaient sous « juridiction » du droit musulman et n'étaient répertoriés sur aucun registre, ni définis par de quelconques plans. Pour les terres titrées, le problème résidait en le fait que le système de publicité foncière était soit défectueux ou non sollicité parfois par négligence, par les titulaires des titres.
En 1962, le départ des colons a ouvert la voie à la prise en main des moyens de production par l'Etat Algérien ; ce qui l'a amené à prendre les dispositions nécessaires draconiennes pour, en premier lieu, sauvegarder le patrimoine foncier agricole et, en second lieu, permettre son organisation.
Déjà, au temps de l'autogestion de 1963, et avant même la révolution agraire de 1971, diverses mesures intervenues dans ce cadre et plusieurs textes ont été édictés à l'effet de protéger les terres agricoles notamment les biens vacants et les biens mis sous protection de l'Etat. Il s'agit :
-De l'ordonnance n° 62-020 du 24 août 1962 qui en fait, édicta les mesures de protection et de conservation des biens vacants dans le souci de les préserver des dilapidations et autres transactions occultes. Une partie de l'exposé des motifs du texte présente, effectivement, bien la situation et les craintes des pouvoirs puisqu'il disposait que « En présence d'une situation de fait créée par la défaillance de certains titulaires de droits patrimoniaux, l'Exécutif Provisoire entend prendre toutes mesures utiles à la protection et à la préservation des biens vacants en conférant aux préfets, les pouvoirs nécessaires.
D'autre part, cette défaillance peut, dans certains cas, avoir pour effet d'entraver la vie économique ou celle des collectivités locales. Elle constitue, le plus souvent, une situation antisociale, particulièrement
En ce qui concerne les entreprises et les fermes dont la fermeture condamne au chômage, une partie importante de la population. Il appartient donc à l'Exécutif Provisoire, d'en faire assurer l'utilisation et l'exploitation normales en édictant des dispositions appropriées dans le respect des personnes et des biens ».
-Du décret du 23 octobre 1962, promulgué à l'effet d'éviter la vente, la location... des biens vacants par la mise en place d'un contrôle des transactions opérées après l'indépendance. Ainsi, les contrats établis depuis le 1er juillet 1962 sont considérés nuls et non avenus. L'année 1962 était également marquée par la création des comités de gestion constitués des ouvriers des exploitations agricoles des colons.
D'autres décrets ont été promulgués durant l'année 1963, il s'agit des décrets du 18 mars et du 22 mars 1963 définissant, pour le premier, l'exploitation agricole, qui était en cessation d'activité ou anormalement exploitée, comme étant une entreprise vacante, et, pour le second, fixant l'organisation et le mode de gestion desdites entreprises.
Cependant et communément qualifiés d'« historiques » les décrets de mars 1963 succèdent aux décrets d'octobre 1962 qui légalisaient les comités de gestion ayant pris le contrôle des entreprises agricoles et industrielles laissées vacantes par le départ des colons. Si les décrets d'octobre 62 avalisaient un état de fait, ceux de mars 63 organisent de façon détaillée la gestion des entreprises ainsi que la répartition d'éventuels bénéfices.
L'année 1963 a été également marquée par la nationalisation des biens vacants et mise en autogestion par les travailleurs, c'est-à-dire le plus souvent par les anciens salariés des domaines des colons. Il est cependant utile de savoir que l'autogestion fut réglementée par, outre les décrets de 1963, l'ordonnance n° 68-653 du 30 décembre 1968, et ses textes d'application, qui fixa les organes de gestion des exploitations agricoles et le mode d'exploitation des terres, des biens et des investissements. En tout état de cause, furent, ainsi, créés 2.000 domaines autogérés.
On peut constater déjà qu'à cette époque une « fuite » importante de surface agricole avec la création des premières coopératives agricoles et l'utilisation des sols à d'autres fins (industrialisation, urbanisme...).
Plus tard, les mesures intervenues jusqu'en 1971, à la veille de la révolution agraire ayant permis de constituer un portefeuille foncier agricole appartenant à l'Etat d'une superficie globale de 3.700 000 hectares répartis en terres communales (612.725 ha) ; terres domaniales (272.493ha) ; terres habous publics (18.167 ha) ; les terres relevant d'organismes publics (16.976 ha) ; les terres nationalisées aux privés (521.430 ha) et les terres des ex-colons nationalisées (2.247.040 ha)
La réforme survenue en 1971, s'est traduite par la révolution agraire (1971/1979). Elle fut considérée comme étant la dernière étape de l'étatisation des terres agricoles et s'est traduite par la nationalisation totale ou partielle des terres et autres moyens de production, de transformation et de conditionnement, de la propriété privée et également par le transfert à l'Etat, de la propriété des terres « Arch et Communales ».
La révolution agraire s'est alors matérialisée au fond, à travers trois phases : la première permettait de « récupérer » quelques 1.403.778 hectares parmi lesquels 802.775 auront été distribués la différence allant à des Groupements de mise en valeur ; la seconde phase toucha la propriété privée et « récupèrera» 557.618 hectares dont 456.902 furent attribués et la troisième phase, lancée par l'ordonnance n°75-43 du 17 juin 1975, concernera les zones de parcours et notamment la steppe.
Les terres lors de la révolution agraire ont été classées en deux catégories :i), le patrimoine foncier de l'Etat : composé des exploitations autogérées, des coopératives d'anciens moudjahidine et des terres versées au FNRA (les terres agricoles appartenant aux collectivités et entreprises publiques, les terres arch, les terres de privés nationalisées, les terres abandonnées ou tombées en déshérence).
Ces terres étaient inaliénables, imprescriptibles, incessibles et insaisissables et ii), la propriété privée, comprenant les terres Melk, individuelles ou familiales, dont l'appartenance a été reconnue soit sur titre, soit, après enquête, au profit des intéressés. Cette propriété était limitée à la seule superficie qui n'excède pas la capacité de travail du propriétaire et qui puisse lui assurer un revenu suffisant ; de même que le droit de propriété est annulé au propriétaire ne travaillant pas sa terre.
Ainsi, la révolution agraire a permis la création de 5.000 coopératives agricoles et la constitution de réserves foncières communales.
Dans ses fondements, la révolution agraire visait à créer un équilibre entre le secteur moderne et le secteur traditionnel et lutter contre les disparités régionales. Mais, malgré la mobilisation et les moyens financiers considérables, l'application de la révolution agraire a rencontré des difficultés de nature diverses compliquant davantage la question foncière du fait du morcellement excessif des terres.
Tout compte fait et après la révolution agraire, s'en est suivi quelques dates importantes pour le foncier agricole dont la chronologie a concerné, en 1983, la fusion des domaines autogérés et des coopératives agricoles et la création sur ce nouvel espace unique de 3500 domaines agricoles socialistes d'une surface moyenne de 900 hectares assortie des premières restitutions de terres nationalisées dans le cadre de la révolution agraire aux anciens propriétaires algériens.
En 1983 (loi du 13 août 1983), il a été procédé à l'accession à la propriété foncière agricole (APFA) qui concernait la reconnaissance du droit implicite à la propriété privée sur des terres d'Etat. Une année plus tard, en 1984, a été promulgué la loi domaniale qui définit le statut de la propriété et pose le principe de l'inaliénabilité, l'imprescriptibilité et l'insaisissabilité des biens (les terres et les bâtiments) constituant le domaine public de l'Etat (principe des trois i).
Trois années plus tard, on s'achemina, en 1987, (Loi n° 87-19 du 08 Décembre 1987), vers la réorganisation du secteur agricole, en application de la loi de 1984, il s'agissait du maintien dans le domaine public de l'Etat, des terres issues des domaines agricoles socialistes (DAS) tout en procédant à l'éclatement en petits ilots d'exploitation confiée à des structures de droit privé (collectives ou individuelles), en procédant à la création des E.A.C (Exploitations Agricoles Collectives) et E.A.I (Exploitations Agricoles individuelles)
Les années 1990, ont connu également, pour le foncier agricole, d'importantes dates qui ont eu, pour chacune d'elles, leurs lots d'évènements. Il s'agit de i), l'abrogation de l'ordonnance portant révolution agraire et restitution des terres (agricoles ou à vocation agricole ayant conservé leur vocation) à leurs anciens propriétaires en suggérant la garantie de la propriété privée.
Cette année a vu la promulgation de la loi domaniale distinguant les domaines publics et privé de l'Etat et le maintien des forêts dans le domaine public et iii), la Loi d'orientation foncière (1990), qui oblige le propriétaire d'une terre agricole à l'exploiter directement ou indirectement sous peine de dessaisissement (article 48).
Les textes d'application ne sont pas promulgués, en particulier celui de la création de l'organe chargé de la constatation de la non-exploitation effective. (Ce texte surviendra par le décret exécutif n°97-484 du 15 Décembre 1997), le règlement provisoire de l'absence de titre par la création de certificats de possession pour tout possesseur ou occupant d'une terre.
En 1992 furent crées les périmètres de mise en valeur dans les régions sahariennes à travers le décret n°92-289 du 6 Juillet 1992 pris en application des dispositions de la loi de finance pour 1992 (article 161 en particulier) qui prévoit la cession, à titre onéreux, de modules de 1000 hectares (modules qui seront amenés ensuite à 250 hectares) et la création de périmètres de mise en dans les régions sahariennes par arrêté interministériel agriculture-équipement finances.
En 1996 fut promulgué le décret exécutif de création de l'ONTA, une structure a charge la mise en œuvre de la politique foncière et ce, en application de la loi n°90-25 du 18 Novembre 1990 et du décret exécutif n°96-87 du 24 Février 1996. C'est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC doté d'une personnalité morale et d'une autonomie financière).
L'année 1997 a connu la mise en valeur des terres des domaines public et privé de l'Etat par le régime de la concession avec possibilité de transfert du droit de propriété au concessionnaire. Au cours de la même année, il y'a eu promulgation du décret exécutif n°97-490 du 20 décembre 1997 qui fixe les conditions de morcellement des terres agricoles, quel qu'en sole statut juridique, dans les limites de la superficie de l'exploitation agricole de référence, selon les zones de potentialités.
De la sorte sont exclues de toute opération foncière les terres d'exploitations agricoles privées ou domaine privé, dont la superficie est inférieure à l'exploitation de référence dela zone concernée et fixée par le texte.
Ce décret entérine cependant, le principe de mutation de terres agricoles entre particuliers, sous réserve d'établir en la forme authentique les actes qui constatent ces mutations. Il vise également à préserver l'homogénéité et la « viabilité (par la surface) » de l'exploitation agricole.
A la veille de la loi d'orientation agricole n° 08-16 du 03 août 2008, la situation du foncier agricole, selon les données du ministère de l'agriculture et du développement rural, se présente comme suit :
-La superficie totale utilisée par l'agriculture est de 47,4 millions d'hectares dont 32 millions d'hectares de parcours répartis en terres steppiques (20 millions d'hectares) et pré-steppiques (12 millions d'hectares);
-Les forêts sont de 4,1 millions d'hectares et l'alfa de 2,8 millions d'hectares ;
-la surface agricole utile était de 8,3 millions d'hectares dont les terres privées sont constituées de 5,7 millions d'hectares et celles du domaine privé de l'Etat, 2.77 millions d'hectares.
1. Terres agricoles du domaine privé de l'Etat :
Nature de l'exploitation Nombre Superficie (hectares)
EAC 30298 1 812 578
EAI 66522 662 779
Fermes pilotes 174 148 732
Instituts et organismes 222 14 227
Terres non attribuées - 23 292
APFA - 109 160
TOTAL - 2.770.768
Source : Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural, 2012
2. Terres de propriété privée :
Terres privées Hectares/nombre Superficie (hectares)
Superficie : 5.7 millions d'hectares 30 1 812 578
Non titrée 2 142 548, soit 38,2% 662 779
Nombre d'exploitations 777323 148 732
Exploitants détenteurs de la carte CNA 607743 14 227
En 2008, la loi n° 08-16 du 03 Août portant orientation agricole institua la concession comme mode d'exploitation des terres agricoles relevant du domaine privé de l'Etat. Les terres à mettre en valeur, relevant du domaine privé de l'Etat, sont exploitées sous forme de concessions, pour celles mises en valeur ou l'APFA, pour celles mises en valeur par les bénéficiaires dans les régions sahariennes et subsahariennes. L'exploitation effective des terres agricoles constitue une obligation pour tout exploitant agricole, personne physique ou morale.
Il n'en demeure pas moins que, suite à la promulgation de ladite loi d'orientation agricole en 2008, la problématique du foncier agricole a commencé à entrevoir un règlement définitif et une nouvelle ère s'est, ainsi, dessinée axée, notamment sur la sécurisation des exploitants agricoles et la promotion de l'investissement structurant privé.
Deux années plus tard, en 2010, il y a eu promulgation de la loi 10-03 du 15 août 2010, fixant les conditions et modalités d'exploitation des terres agricoles du domaine privé de l'Etat, et consacrée à la mise en œuvre de la concession comme seul mode d'exploitation desdites terres. Elle a été promulguée après 10 années d'attente puisque c'est en 2000 qu'a été tranchée la question du devenir des terres agricoles du domaine privé de l'Etat, en décidant que la concession soit désormais le mode d'exploitation de ces terres conformément à la loi d'orientation agricole.
Il faut rappeler, que cette loi concerne les terres agricoles du domaine privé de l'Etat exploitées sur une superficie de 2,5 millions d'hectares. Il s'agit de terres à hautes potentialités agricoles représentant 30% de la superficie agricole utile du pays, estiment les données du ministère de l'agriculture, en 2010.
En mettant fin à une situation de statu quo, vécue par plus des milliers d'exploitants depuis plusieurs années, cette loi visait deux objectifs fondamentaux :i), la valorisation de cet immense potentiel de terres agricoles et ii) la sécurisation foncière des exploitants agricoles. La loi devrait par ailleurs prendre en charge les faiblesses et les vides juridiques constatés et vécus sur le terrain et qui ont souvent constitués des éléments de frein à la croissance et à l'investissement.
En d'autres termes, la nouvelle législation s'est proposée d'apporter des améliorations au triple plan économique, social et juridique pour répondre aux attentes et préoccupations des exploitants et des pouvoirs publics, à la fois.
Pour la mise en œuvre de ses dispositions, la loi a fixé deux étapes :i) l'étape de conversion du droit de jouissance en droit de concession et ii), la mise en œuvre des autres dispositions de la loi (sortie de l'indivision, partenariat,). En gros, on s'achemine illico vers le règlement de la question foncière qui a pesé lourdement, des années durant, sur l'agriculture et sa manière de conduite, dans la mesure où le foncier constitue le premier soubassement des activités agricoles.
Aussi, le règlement de la question du foncier agricole a dès lors, mis fin à une longue période d'incertitude et a créé les conditions favorables pour l'investissement tant au niveau des exploitations agricoles qu'au niveau de l'industrie agro-alimentaire (privé, collectif, individuel ou public). Ceci a néanmoins libéré l'esprit d'initiative en offrant des garanties notamment pour le crédit et les investissements. Alors que les questions liées à l'indivision devraient trouver une solution simple et pratique dans le cadre des mesures incitatives décidées déjà en février 2011.
Cela dit, la possibilité d'approprier au profit des agriculteurs, des terres relevant des domaines de l'Etat a été tranchée en initiant un système de concession en tant que seule formule pour l'exploitation des terres agricoles», faisant en sorte que «les terres relevant des domaines de l'Etat sont soumises à un système de concession qui assure au bénéficiaire tous les droits garantissant ses investissements, commençant par le durée de la concession fixée à 40 ans renouvelable à la demande de l'intéressé ou de son héritier avec possibilité d'hypothèque pour bénéficier des aides et des crédits bancaires nécessaires»,
Dans ce contexte, le foncier agricole avait connu plusieurs développements à travers les mesures réglementaires prises par les autorités publiques pour protéger les exploitants des terres agricoles relevant des domaines de l'Etat mais aussi les propriétaires de terres agricoles privées, quelle que soit la formule juridique du foncier agricole dont ils disposent.
Ainsi, durant ces dernières années, le secteur a connu le début de la régularisation définitive des différentes situations du foncier agricole à travers la protection des propriétaires d'exploitations agricoles en vertu du transfert du droit de jouissance au droit de concession sur les quelques 2,2 millions d'hectares relavant du domaine de l'Etat. Les résultats enregistrés témoignent aujourd'hui de l'efficacité de la méthode adoptée quant à la gestion du foncier agricole en tant que base productive du secteur de l'agriculture et du développement rural, en Algérie.
Dans l'esprit de cette analyse, il est à noter qu'en 2022, un bilan fut établi par le secteur de l'agriculture et du développement rural, inhérent à l'opération de conversion du droit de jouissance en droit de concession (Loi 10-03 du 15 Août 2010), fait état d'un nombre de 86.493 exploitations agricoles concernées par cette opération, pour un nombre total d'attributaires de 208.409, pour une superficie de 2.312.585 hectares. Cette opération a atteint un taux de réalisation avoisinant 96 %, soit 186.214 actes établis pour une superficie de 2.0139.358 hectares.
Le foncier agricole aura donc connu plusieurs développements à travers les mesures réglementaires prises par les pouvoirs publics pour protéger les exploitants des terres agricoles relevant des domaines de l'Etat mais aussi les propriétaires de terres agricoles privées, quelle que soit la formule juridique du foncier agricole dont ils disposent. Cependant, il continue de subir une pression liée notamment à un morcellement important dû aux des successions, à l'extension des villes sur les terres, au mitage des terres changeant de fait, la vocation de celles-ci et au conflit entre l'élevage ovin et les concessions agricoles.
Ce soubassement de l'activité agricole (Le foncier) demeure ainsi, pour des raisons historiques et sociales comme étant parfois, voire souvent, l'aspect le plus contraignant pour le développement agricole, au regard de la taille des exploitations qui ne permet que rarement une conduite mécanisée des exploitations dont une grande partie relève de l'agriculture familiale, autrement dit des petites exploitations agricoles.
On relève cependant des superficies importantes laissées en jachère et en friches, alors que la mise en valeur de nouvelles terres n'est pratiquement possible qu'au niveau des zones steppiques et sahariennes exigeant d'énormes investissements pour des actions structurantes (électrification, énergies renouvelables, forages, amélioration foncière, dessertes).
Il faut rappeler par ailleurs, d'une façon sommaire que la taille moyenne des exploitations était, à l'ère coloniale de 95 hectares, lors de l'autogestion de 950 hectares, alors que l'exploitation socialiste était en moyenne de 750 hectares en moyenne. En 1989, l'exploitation agricole collective (EAC) était en moyenne de 99 ha, de 64 ha en 1995 et de 59,82 ha en 2008, au moment ou l'exploitation agricole individuelle (EAI), était en moyenne est respectivement de 9,9 ha, de 12.5 ha et de 10 ha.
L'exploitation privée se caractérise quant à elle, par un dimensionnement plus modeste, soit 7.5 ha en 1962, 6 ha en 1980 Alors que les données du dernier recensement Général de l'agriculture (RGA-2001) font état de la dominance des petites, voire très petites exploitations, la taille moyenne des exploitations étant de 8,3 ha et 52 % des exploitations ont moins de 5 ha.
En gros, le foncier demeure le soubassement de tout développement agricole et rural. Il constitue de ce fait et à l'heure actuelle, une préoccupation majeure des pouvoirs publics. Tant le plan d'action du gouvernement émanation du programme de Monsieur le Président de la République que la feuille de route élaborée par le ministère de l'agriculture et du développement rural pour le quinquennat 2020/2024, lui réservent une immense priorité.
Aussi, en réponse à cette préoccupation majeure, on opte désormais pour l'utilisation optimale du foncier agricole, à travers des opérations visant à renforcer les mécanismes juridiques et réglementaires de préservation et de protection des terres agricoles et l'établissement d'un système de numérisation pour identifier les terres agricoles et assainir et récupérer les terres non exploitées tout en procédant à leur redistribution au profit des investissements agricoles et agroalimentaires et aux jeunes porteurs de projets, en facilitant et accélérant la cadence du lancement effectif des projets d'investissement, en vue de la mise en valeur des terres dans les régions sahariennes et les hauts plateaux.
Aujourd'hui, deux offices sont accrédités de la mission de gestion du foncier agricole l'ONTA (Office national des terres agricoles) et l'ODAS (Office de développement de l'agriculture industrielle en terres sahariennes). Le premier est un instrument de l'Etat agissant pour son compte ayant pour mission de mettre en œuvre la politique nationale foncière agricole; le second est aussi un outil des pouvoirs publics ayant pour prérogatives la mise en valeur des terres en zones sahariennes, la gestion rationnelle du portefeuille foncier qui lui est confié par l'Etat et la délimitation des périmètres susceptibles d'accueillir les grands projets d'investissements agricoles et agro-industriels.
Ces deux entités, bien qu'elles ne soient pas les seules à intervenir dans la gestion du foncier agricole, il n'en demeure pas moins qu'elles doivent faire preuve d'un trésor d'imagination pour entrevoir les voies et les moyen de gérer, à bon escient, l'opérationnalité d'exécution des mesures d'administration et de gestion du foncier agricole retenues et ce, en concertation bien sûr, avec les parties concernées, car l'Etat n'a, à notre sens, ménagé aucun effort selon les capacités disponibles, à assister et accompagner les investisseurs et les porteurs de projets, à travers des programmes structurants dont l'approche est fondée sur les capitaux publics et privés.
L'Etat a par ailleurs un objectif : celui de sécuriser les exploitants, les producteurs, les investisseurs et les porteurs de projets et leur fournir un cadre et un environnement favorable à la production, dans une démarche cohérente à caractère symbiotique.
Il est à dire que le foncier agricole a constitué, pour ne retenir que la période de l'indépendance du pays, un sujet d'actualité permanente. Il a fait l'objet durant cette période de 60 ans, de plusieurs réformes, partielles ou totales. Il est constamment bâti sur une législation riche qui correspondait au cadre institutionnel et aux politiques mises en œuvre pour chacune des périodes correspondantes.
Depuis trente ans au moins, le foncier agricole a été encadré, entre autres, par la loi d'accession à la propriété foncière de 1983, la loi d'orientation foncière de 1990 puis la loi d'orientation agricole de 2008, la loi relative à l'exploitation des terres agricoles du domaine privé de l'Etat de 2010. La nouvelle Constitution de la République de 2020, vient affirmer dans son article 21 que « l'Etat veille à protéger les terres agricoles ». Cela démontre clairement l'importance et l'intérêt accordé à la préservation et la protection du foncier, socle du développement agricole et rural.
Cet encadrement juridique et législatif couvre les catégories juridiques de biens existants en Algérie à savoir les biens de propriété privée, les biens de propriété domaniale et les biens wakf ou habous. Alors que la question des terres Arch demeure néanmoins, une problématique liée à l'histoire et qui enfin, méritent d'être traitées selon une démarche de précaution et de politique « de pas à pas », compte tenu des l'évolution des mutations et des pesanteurs à caractère social.
Le pays, a ainsi connu une situation du foncier agricole des plus complexes qui s'est traduite sur le terrain par une diversité de statuts juridiques et une diversité des politiques de sa gestion, ayant parfois eu effet une rupture de la relation entre la terre et l'exploitant et ainsi, le non-respect par les bénéficiaires parfois des obligations mises à leur charge par la loi, mais également et dans le meilleur des cas, un partage informel mais réel des terres.
Encore que ces observations ne concernent que le domaine public sur lequel s'est focalisée toute l'attention délaissant ce qui représente la part la plus importante de notre patrimoine foncier agricole, celui détenu par le secteur privé, soit les 2/3 de la Surface agricole nationale (8,6 millions d'hectares), qui ne pouvait ainsi faire l'objet d'une marginalisation dans le cadre d'une vision de développement agricole intégré.
Il est à souligner cependant que la législation foncière en Algérie a toujours eu comme corollaire la politique d'accès à la terre pour laquelle, diverses formes sont suggérées visant la sécurisation de l'ensemble des catégories juridiques, c'est dire l'importance de cette relation qui tire son fondement des mutations qu'a connues la terre en Algérie depuis des temps reculés de son histoire.
Le foncier agricole, base essentielle de l'activité agricole, hier comme aujourd'hui et demain, devra surement faire l'objet d'une approche sociologique, économique et technique dans toute mesure de développement car les éléments d'histoire y pèsent lourdement. Les acquis durant les soixante années d'indépendance sont énormes. Ils sont autant palpables aussi bien pour les autres secteurs que le secteur de l'agriculture et du développement dont le foncier agricole, faisant jadis, l'objet de débat est aujourd'hui, en cours de régularisation pour être l'héritage des générations, présentes et futures.
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- Martine Camacho. La paysannerie algérienne, l'autogestion et la révolution agraire. https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2012-2-page-117.htm.
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- La loi d'orientation agricole, 2008.
- Entretien rédigé et accordé par Coline Sauzion à Omar Bessaoud sur la question foncière en Algérie. 18 octobre 2017. Organismes : Association pour contribuer à l'Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l'Eau et des Ressources naturelles (AGTER)
- Ministère de l'agriculture et du développement rural. Rapports sur le foncier agricole (de 2000 à 2022).
- Loheac ammoun blanche. Magon écrit le premier traité d'agriculture. Septembre 2000. https://www.lorientlejour.com/article/432578/Magon_ecrit_le_premier_traite_dagriculture.html
Abréviations :
CNA : Chambre Nationale de l'Agriculture
FNRA : Fonds National de la Révolution Agraire
MADR : Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural.
MICL : Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Locales
MF : Ministère des Finances.
*Agronome post-universitaire


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