Dans une interview accordée au Washington Post, lors de sa visite à Washington où il a rencontré son homologue américain, Antony Blinken, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Ahmed Attaf, a réitéré l'opposition de l'Algérie à toute intervention militaire au Niger, rappelant que jamais une intervention de ce genre n'a été couronnée de succès, citant particulièrement le cas de la Libye. «Je ne vois aucun exemple d'intervention militaire qui ait réussi. Et nous avons dans notre voisinage l'exemple de la Libye qui s'est avéré catastrophique pour toute la région, et nous en payons le prix. Ceux qui ont mené l'intervention étrangère ont quitté le pays. Et ils nous ont laissés avec cette tragédie, et cette crise sur les bras», a déclaré M. Attaf. Pour le MAE algérien, la priorité «doit continuer à être accordée» à la solution politique à la crise au Niger, soulignant que l'option militaire, proposée comme dernier recours par les dirigeants ouest-africains, «ne garantit pas le succès de la résolution» du conflit dans ce pays voisin. «En discutant de la crise au Niger (avec les responsables américains), je pense que nous nous sommes mis d'accord sur trois grands principes: le respect de l'ordre constitutionnel et démocratique, le rétablissement du président Mohamed Bazoum en tant que président légitime du Niger et la priorité doit continuer à être accordée à la solution du conflit», a-t-il ajouté. «Nous devons maintenant essayer de travailler ensemble pour traduire ces principes dans la réalité politique du Niger», dit-il encore. A propos d'une possible intervention militaire au Niger, évoquée par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) comme dernier recours, M. Attaf affirme que cette option «risque de ne pas contribuer à la bonne résolution du conflit». «Personne n'est sûr, même au sein de la CEDEAO, qu'une intervention militaire a une chance acceptable de succès. Vous pouvez commencer une intervention militaire, mais vous ne savez jamais comment elle se terminera. Alors ils (la CEDEAO) sont très prudents, ils montrent un maximum de retenue concernant cette option», a-t-il ajouté dans ce contexte. Et de souligner aussi que «la CEDEAO considère toujours la voie diplomatique pour résoudre la situation comme une priorité». Des «armées de terroristes» au Sahel Pour rappel, le président légitime de la République du Niger, Mohamed Bazoum, est retenu depuis fin juillet par des membres de sa garde. Plusieurs pays et organisations internationales ont appelé au rétablissement de l'autorité constitutionnelle dans le pays. L'Algérie avait exprimé dès le début de la crise son «profond attachement» au retour à l'ordre constitutionnel au Niger, ainsi que son «soutien» à M. Bazoum comme «président légitime». L'Algérie avait également mis en garde contre les intentions d'intervention militaire étrangère. Interrogé également sur la menace du terrorisme au Sahel, M. Attaf a déclaré qu'en ce qui concerne cette région, «l'Algérie a cessé de parler de groupes armés, on parle d'armées de terroristes». «Et nous avons vraiment affaire dans la région à des armées de terroristes qui menacent directement le Burkina Faso, le Mali, certaines régions du Tchad et le Niger». Ajoutant que pour l'Algérie et les Etats-Unis, la situation au Sahel «est très grave», et qu'elle nécessite «une forte coordination et une coopération étroite entre les pays de la zone pour relever ce défi». Quant à la question de la migration irrégulière, le ministre a souligné qu'il ne s'agit pas exclusivement d'une «question politique» que «l'on peut traiter dans le cadre d'un accord international». «Dans cette région (Niger, Mali, Tchad et toute l'Afrique de l'Ouest), il s'agit également d'un énorme problème économique», a-t-il poursuivi. «Ces gens quittent leur pays parce qu'ils sont à la recherche d'une vie meilleure et, pour certains d'entre eux, pour nourrir leurs familles. Il faut donc traiter le problème sur le plan politique et diplomatique. Mais si la composante économique de la solution n'est pas présente, le problème ne sera pas résolu», a-t-il insisté. Evoquant les relations bilatérales entre Alger et Washington, M. Attaf s'est réjoui de la visite en Algérie, cette année, de nombreux hauts fonctionnaires du département d'Etat américain. «Cela signifie que l'Algérie et les Etats-Unis ont beaucoup de dossiers à discuter», dit-il à ce propos. Sahara occidental: Attaf salue le soutien US à l'envoyé de l'ONU Par ailleurs, dans une interview accordée à Al-Monitor, un site d'information basé à Washington, M. Attaf a salué le soutien apporté par l'administration américaine au travail de l'envoyé personnel du SG de l'ONU pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura. Il a souligné, à ce titre, que l'administration Biden «n'a pas du tout approuvé» la décision de l'ancien président américain Donald Trump concernant la «prétendue souveraineté» du Maroc sur le Sahara occidental. «L'administration Biden n'a pas du tout approuvé la décision de Trump. Au contraire, elle prend explicitement ses distances avec la position exprimée» par l'ancien président américain, a-t-il affirmé.