Du fait de l'importance du texte, qui engage l'avenir du pays, le président de la République algérienne ayant affirmé publiquement à maintes reprises, lors de son accession à la magistrature suprême, qu'il reste attaché à la volonté populaire , objectivement, vouloir faire passer la révision constitutionnelle, bien que prévu par la Constitution par voie parlementaire, selon mon point de vue, largement partagé par ailleurs, ne ferait qu'entacher la crédibilité des institutions et isolerait encore plus l'Algérie de la scène internationale. I. Assemblée faiblement représentative et forte démobilisation populaire Rappelons les taux de participation des élections législatives du 17 mai 2007 et des élections locales du 29 novembre 2007 du 17 mai 2007. Je précise que mes calculs qui suivent sont extraites des données officielles du Ministère de l'intérieur et que selon certains observateurs internationaux sérieux qu'il faille diminuer ces taux d'environ 20% pour avoir le taux réel. Et que les élections législatives ont façonné l'actuelle assemblée nationale populaire (première chambre APN) pour les députés et pour les élections locales la deuxième chambre sénat. Et que ces trois partis avec les hommes du président contrôlent tous les portefeuilles ministériels et les secteurs névralgiques de l'Etat. Pour les élections législatives, les inscrits ont été de 18.760.400, le nombre de votants de 6.662.383 donnant un taux de participation de 35,6%, avec des bulletins nuls de 961.751 (3,8%). Sur ce total le parti du Front de libération nationale(FLN) a eu 1.315.686 voix par rapport aux votants (23%), le Rassemblement national démocratique (RND) 591.310 (10,3%) et le Mouvement de la société pour la paix (MSP) 552.104 (9,6%). Cependant le ratio le plus significatif est le nombre de suffrages exprimés divisé par le nombre d'inscrits ce qui donne : 7,01% pour le parti du FLN, 3,15% pour le RND et 2,94% pour le MSP soit un total de 13,10%. Si l'on pondère par la baisse de 20% cela donnerait un taux global pour ces trois partis de la coalition de 10,40%. Comment 10% peuvent-ils engager l'avenir d'une Nation par la révision de la Constitution charte fondamentale de tout un pays ? Pour les élections locales il convient de distinguer les assemblées populaires de wilayas (APW) des résultats des assemblées populaires communales (APC). Concernant les APW, les inscrits représentaient 18.446.626 (étrange - soit une diminution des électeurs entre l'intercale de trois mois de 313774, le Ministère de l'intérieur ayant invoqué l'assainissement des fichiers) pour un nombre exprimé de 7.022.984 soit un aux de participation de 43,45%. Le FLN a eu 2.102.537 voix (32,14%) le RND 1.426.918 (21,89%) et le MSP 940.141 (15, 00%) soit un total de 69,03%. Par rapport aux inscrits, le FLN représente 11,40%, le RND 7,73% et le MSP 5,09% soit un total 24, 52%. Pour les APC, il ya eu 8.132.542 votants soit un taux de participation de 44,09%. Le FLN a obtenu 30,05% par rapport au nombre e votants, le RND, 24,50%, le MSP 842.644 voix (10,69% ayant été distancé par le parti FNA qui a obtenu 836.305 voix soit 11,29%).Les partis de la coalition totalisent ainsi 65,24%, le mode de scrutin les favorisant. Par rapport aux inscrits le FLN représente 11,36%, le RND 8,68% et le MSP 4,56% soit un total de 24,60% presque semblable à l'APW. La moyenne arithmétique, élections législatives et locales, des partis du FLN/RND et MSP donne ainsi 18,85% soit à peine le un cinquième des inscrits. Si l'on applique le taux de 20% à la baisse cela donnerait 15%. Ainsi en s'en tenant aux législatives qui sont déterminantes car votant des lois – encore que la vrai solution n'est pas une question de lois mais le fonctionnement de la société et surtout leur application (l'Algérie a les meilleures lois du monde en surnombre mais rarement appliquées), 12 229 candidats représentant 24 partis, ainsi que des indépendants se sont présentés pour pourvoir les 389 sièges de l'Assemblée populaire nationale (APN). 8 sièges étant réservés à la communauté algérienne à l'étranger. L'assemblée sortante est dominée par le FLN et ses deux partenaires de l'Alliance présidentielle avec 199 FLN, 47 RND et 38 MSP. Ce scrutin n'apporte pas de modification fondamentale dans la composition de l'APN. L'Alliance présidentielle conserve une confortable majorité de 249 sièges sur les 389. Le FLN reste le parti dominant avec 136 députés, mais perd la majorité absolue (199 précédemment), le RND obtient 61 sièges (+14). Le MSP arrive en troisième position avec 52 sièges (+14). En fait ces trois partis avec tous leurs satellites sous la fausse dénomination société civile (organisations vivant souvent du transfert de la rente de l'Etat) ne représentent pas la majorité de la population algérienne comme l'attestent les tensions sociales qui touchent tous les secteurs en même temps où les citoyens sont en confrontation directe avec les forces de sécurité sans aucune intermédiation. 2.-Quelles leçons tirer de cette démobilisation populaire ? La première leçon fondamentale est la prise en compte tant des mutations mondiales qu'internes à la société algérienne avec le poids de la jeunesse qui, parabolé, a une autre notion des valeurs de la société. Cela se constate à travers la baisse progressive du poids des tribus, des confréries religieuses et de certaines organisations syndicales (dont l'UGTA), du fait de discours en déphasage par rapport aux nouvelles réalités mondiales et locales. La deuxième leçon est l'urgence de revoir le fonctionnement du système partisan et de la société civile. En effet, la Constitution de 1989 et la loi du 5 juillet de la même année ayant consacré et codifié le droit des citoyens à créer des partis politiques, un nombre considérable de formations politiques ont vu le jour, souvent sans véritable programme, ni perspectives sérieuses, se manifestant ponctuellement principalement à l'occasion de rendez-vous électoraux du fait des subventions de l'Etat (instrumentalisation de l'administration). En réalité sui l'on tient compte des tendances au niveau de l' ‘ancien parti unique des années 1980, c'est l'ancien parti du FLN éclaté en trois composantes. Il ya une forte ressemblance avec la démarché des partis de l'ancien président égyptien et tunisien qui ont volé en éclat après le printemps démocratique. En raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappent la majorité d'entre eux, de la défiance nourrie à leur égard et à l'endroit du militantisme partisan, les formations politiques actuelles, même ceux siégeant dans la coalition gouvernementale, sont dans l'incapacité aujourd'hui de faire un travail de mobilisation et d'encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique, le marché politique, me semble-t-il, devant être conçu comme axe central de la restructuration et de laisser, dès lors, les règles du jeu politique et le nombre d'acteurs qui s'y adonnent, se fixer de manière concurrentielle. Quant à la société civile, sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe à la société ajoutent à cette confusion, qui est en grande partie liée au contexte politique actuel, et rendent impératif une réflexion qui dépasse le simple cadre de cette contribution. Constituée dans la foulée des luttes politiques qui ont dominé les premières années de l'ouverture démocratique, elle reflètera les grandes fractures survenues dans le système politique algérien. Ainsi, la verra-t-on rapidement se scinder en trois sociétés civiles fondamentalement différentes et antagoniques, porteuses chacune d'un projet de société spécifique : une société civile ancrée franchement dans la mouvance islamiste, particulièrement active, formant un maillage dense ; une société civile se réclamant de la mouvance démocratique, faiblement structurée, en dépit du nombre relativement important des associations qui la composent, et enfin, une société civile dite « nationaliste » appendice, notamment des partis du FLN et du RND, dont plus plusieurs responsables sont députés ou sénateurs au sein de ces partis. Sollicitée à maintes reprises, et à l'occasion d'échéances parfois cruciales, et souvent instrumentalisée à l'instar des micro-partis créés artificiellement, elle manifestera souvent sa présence d'une manière formelle et ostentatoire, impuissante presque toujours à agir sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle. Or, une restructuration efficace n'a de chance de réussir que si les associations ne soient pas au service d'ambitions personnelles parfois douteuses. 3.- Face au syndrome hollandais, les Algériens inquiets pour leur avenir. L'Algérie actuellement est en plein syndrome hollandais. Le syndrome hollandais est apparu en 1970 et fait référence aux difficultés rencontrées par l'économie hollandaise suite à l'exploitation, dans les années soixante, des réserves de gaz naturel du gisement de Slochteren. L'augmentation des exportations produit un excédent commercial et importer des biens/services devient alors plus avantageux que de les produire localement ce qui peut produire une réduction de la production nationale et donc une plus forte dépendance aux importations, un accroissement du chômage et la généralisation de la corruption (gain facile). Cela peut concerner également d'autre ressources naturelles comme cela a été le cas de l'Espagne avec la découverte de l'or en Amérique Latine qui aussitôt épuisé a conduit l'Espagne à une récession de plus de deux siècles. Le budget de l'Etat est ainsi essentiellement alimenté par une fiscalité pétrolière comme l'économie algérienne. Cela explique que malgré le pré- programme 1999/2003 (7 milliards de dollars US), le programme 2004/2009, dont le montant selon la déclaration du Chef du gouvernement algérien de l'époque , en date du 12 novembre 2007, à 200 milliards de dollars US, et le nouveau programme 2010/2014 de 286 milliards de dollars dont 130 sont des restes à réaliser du programme 2004/2009 les résultats sont mitigés et à ce jour aucun bilan n'a été dressé par les pouvoirs publics se contentant à travers la télévision algérienne qui n'a aucun impact de relater les réalisations physiques à dominance d'infrastructures (70% de ces dépenses) sans se préoccuper des couts et des impacts réels. Devant le bilan mitigé des réformes établi d'ailleurs tant par les organismes officiels qu'internationaux, il s'avère qu'il y a urgence du redressement socio-économique de l'Algérie. En effet, face à une population de plus de 36 millions d'habitants fin 2010, (allant vers les 50 millions dans quelques années) et une population active dépassant les 10 millions , avec une demande additionnelle d'emplois annuelle de 500.000 , malgré des réserves de change qui dépassent en avril 2011 les 157 milliards de dollars US, un stock de la dette extérieure inférieur à 4 milliards de dollars US, et un stock de la dette intérieure intérieur à 1 milliard de dollars , nous assistons à une croissance du PIB mitigé non proportionnel aux dépenses monétaires montrant la mauvaise gestion, la corruption généralisée et la mauvaise allocation des ressources financières .Les taux de croissance, de chômage et d'inflation officiels sont des taux artificiels que voile la rente des hydrocarbures où nous assistons à une redistribution passive de revenus pour une paix sociale éphémère. Nous assistons donc à une nette détérioration du pouvoir d'achat de la majorité de la population où 70% vivent avec un revenu inférieur à 180 euros ( le SMIG étant inférieur à 120 euros) consacrant plus de 70% de ce modeste revenu aux produits de première nécessité qui connaissent une inflation galopante. Cette situation de l'Algérie de 2011, avec une nette concentration du revenu au profit de couches rentières au détriment des producteurs de valeur ajoutée directement (la sphère économique) ou indirectement (l'Education, la Santé), malgré des transferts sociaux (10 % du PIB) mal ciblés et mal gérés, trouve son essence dans le fait que les deux piliers du développement du XXIème siècle, face aux enjeux de la mondialisation, à savoir la bonne gouvernance (mauvaise gestion généralisée et corruption socialisée) et la valorisation du savoir sont subordonnées aux intérêts rentiers. Cela explique la démobilisation de la population algérienne face à ce paradoxe de l'aisance financière et d'une relative régression économique et sociale : un Etat riche mais une population de plus en pus pauvre. 4.- Révision constitutionnelle et Etat de droit La problématique de la révision constitutionnelle doit s'attaquer à l'essentiel à savoir la refonte de l'Etat, c'est-à-dire à d'autres aspects que le juridisme qui ne doit pas être une fin en soi, les pratiques sociales pouvant contredire des textes si louables soient-ils, et doit prendre en considération le couple contradictoire, préservation de la rente/approfondissement des réformes à travers la stratégie divergente des différents acteurs politiques, économiques et sociaux tant internes qu'externes. L'important est de tirer les leçons, afin de débloquer la situation économique et sociale caractérisée par le statu quo et l'immobilisme, en fait la panne de la réforme globale. C'est que la cohérence et la visibilité dans la démarche implique que l'on définisse d'une manière claire et datée le futur rôle de l'Etat dans le développement, durant cette période difficile de transition, concilier les impératifs d'efficacité et le devoir de l'équité à travers l'Etat régulateur. Or, économie algérienne est fortement bureaucratisée avec la dominance des relations informelles, n'étant actuellement ni une économie étatisée, ni une véritable économie de marché étant dans l'interminable transition depuis plus de 30 années expliquant les difficultés de la régulation tant politique, sociale qu'économique. Aussi, la révision constitutionnelle doit prendre en charge les mutations internes de la société dont la moralisation des institutions en prévoyant le renforcement à la fois démocratique par l'émergence d'une véritable opposition, et des organismes techniques de contrôle indépendants pour une lutte efficace et concrète contre la corruption qui tend à se généraliser, et également de tenir compte des engagements internationaux de l'Algérie. En d'autres termes, la révision constitutionnelle devrait renvoyer pour une efficacité réelle à la refondation de l'Etat algérien pour plus de libertés au sens large, à savoir le respect des libertés économiques , la décentralisation , la commune devant passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités entreprises responsables citoyennes, politiques (par une meilleure efficacité gouvernementale autour de grands ministères), syndicales, culturelles, des droits de l'homme, la protection de la femme et de l'enfance, et le renforcement du dialogue des cultures par la symbiose des apports de l'Orient et de l'Occident au sein de l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain, espace naturel de l'Algérie. L'objectif stratégique de la révision constitutionnelle est de garantir une participation citoyenne active et non formelle, pour éviter le divorce Etat/citoyens. En fait, cela implique que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisance inauguré comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle, afin de légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. Afin d'éviter de perpétuer des comportements rentiers périmés, de mettre l'Algérie au diapason des nations modernes et de favoriser l'alternance au pouvoir, la voie référendaire combinée à une mutation systémique associant l'ensemble des forces sociales sans exclusive par un dialogue productif, me parait la seule voie salutaire d'autant plus que l'Algérie a toutes les potentialités pour surmonter la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée.