Tant que la France ne reconnaîtra pas ses crimes coloniaux commis en Algérie, dont ceux perpétrés un certain 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, le passé refusera toujours de passer. Le matin du 8 mai, une manifestation pacifique a eu lieu à Sétif aux cris de «Istiqlal», l'indépendance pour l'Algérie. Les manifestants avaient pour consignes de ne pas porter d'armes ni d'arborer le drapeau algérien mais un scout musulman n'en tient pas compte et brandit le drapeau au cœur des quartiers européens. La police se précipite. Le maire socialiste de la ville, un Européen, la supplie de ne pas tirer. Il est abattu de même que le scout. La foule, évaluée au départ à 8.000 personnes se déchaîne. L'insurrection s'étend à des villes voisines, faisant en quelques jours plusieurs milliers de morts du côté des Algériens. La répression est d'une extrême brutalité. L'aviation elle-même est requise pour bombarder les zones insurgées. Après la bataille, les tribunaux ordonnent plusieurs exécutions et plus d'une centaine de longues incarcérations. Le drame a fait plus de 45 000 morts algériens. Ils ont tous péri sous les armes de leurs bourreaux. Un grand nombre parmi eux, a été abattu à bout portant. Un film de 1995, de Mehdi Lallaoui, réalisé avec Bernard Langlois sur le 8 mai 1945 à Sétif, le premier à explorer ces événements, démontre si besoin est, les crimes contre l'humanité commis à ciel ouvert, au moment où l'Europe et ses alliés fêtaient leur victoire sur l'Allemagne Nazie. Soixante six ans après, le passé refuse toujours de passer, comme le montre le procès fait pendant le festival de Cannes 2010, au film de Rachid Bouchareb ‘' Hors-la-loi''. Le 8 mai 1945, l'Allemagne capitulait (elle acceptait d'être battue). L'Europe venait d'être libérée, mais l'Algérie venait de connaître les plus pires des atrocités. La France coloniale venait de commettre un génocide en Algérie. Aujourd'hui, la France fête le 8 mai 1945. Nous, les Algériens, nous commémorons cette date, ce n'est donc pas la même chose. La différence est de taille. La loi du 23 février 2005 sur le ‘'rôle positif de la France outre-mer'', votée par l'assemblée nationale française, a jeté un pavé dans la mare. Gilles Manceron, historien et auteur de nombreux ouvrages dont ‘'Marianne et les colonies'' et, avec Claude Liauzu, ‘'La colonisation, la loi et l'histoire'', ouvrage qui analyse le contenu et les circonstances de la loi suscitée. Pour l'auteur, cette loi est une réaction d'un certain nombre de lobbys extrémistes à la tête de cette mouvance, l'ADIMAD, une association en lien avec l'OAS (NB : mouvement de l'armée française partisan de l'Algérie française et auteur d'un coup d'Etat puis d'une tentative d'assassinat du général de Gaulle, à la suite de l'indépendance algérienne.), contre le travail des historiens depuis plusieurs années, en particulier le travail effectué sur la torture.