Triste sort que celui réservé à la ferme pilote « Si Mourad », sise sur les monts de « Traba Djebel » à une dizaine de kilomètres au sud de la ville de Sidi Ali. Cette ferme, constituée des meilleurs terres fertiles dont la superficie dépasse 400 hectares, donne de la peine à voir, tellement le sort qui lui est réservé est affligeant et surtout non mérité. Laissée à l'abandon et à la destruction, elle tombe dans la désuétude et la négligence. Il y a 20 ans, au début des années 1990, à l'issue des réformes qui ont touché les domaines autogérés de l'époque, l'état a préservé 192 fermes sous forme de « fermes pilotes ». Ces fermes pilotes, éparpillées à travers tout le territoire national et placées sous l'égide du ministère de l'agriculture, ont été créées sur les meilleures terres arables du pays. L'objectif principal était d'assurer la production des semences et de plants de qualité, ainsi que d'aliments de bétail, destinés à accompagner le programme de développement agricole. 20 ans après ; et après avoir englouti 1100 milliards de centimes, ces fermes sont toujours au point de départ sauf que les milliards qui leur ont été consacrés sont partis en fumée. C'est un échec catastrophique. Au mois de mai de l'année écoulée, le gouvernement a pris la décision de regrouper l'ensemble des fermes pilotes, indépendamment de leur statut juridique, sous la bannière d'une société de gestion publique « SGP » qui portera désormais le nomination « SGDA » (société de gestion et de développement agricole). Le triste sort de la ferme « Si Mourad » Triste sort que celui réservé à la ferme pilote « Si Mourad », sise sur les monts de « Traba Djebel » à une dizaine de kilomètres au sud de la ville de Sidi Ali. Cette ferme, constituée des meilleurs terres fertiles dont la superficie dépasse 400 hectares, donne de la peine à voir, tellement le sort qui lui est réservé est affligeant et surtout non mérité. Laissée à l'abandon et à la destruction, elle tombe dans la désuétude et la négligence. En se rendant sur les lieux, nous avons pris constat du désastre. Un constat amer. Ne bénéficiant pas de travaux de labourage, ni de taille, encore moins d'irrigation, la vigne (120 hectares) et l'oliveraie (30 hectares) sont voués à l'abandon. Le reste des terres, des plus fertiles, destinées à la céréaliculture n'a pas été labouré rendant à néant l'actuelle saison agricole. Les travailleurs de la ferme-pilote « Si Mourad » prétextaient n'avoir pas été payés depuis plus d'une année. « Nous sommes plusieurs dizaines d'ouvriers agriculteurs activant au sein de la ferme ; tous pères de familles ; à ne pas avoir perçu nos salaires depuis 14 mois. » déclarent-ils. «Et pourtant, à chaque fois que nous nous manifestons, nous recevons des promesses en vue d'une éventuelle régularisation de la situation qui n'a que trop duré», se lamentaient ces mêmes travailleurs, las et usés par le besoin et les promesses sans lendemain. Des dizaines de plaintes ont été adressées à qui de droit, mais sans résultat selon leurs déclarations. Mais le directeur de la ferme a lui, une toute autre version des faits, puisque nous l'avons contacté, et il n'a pas hésité un seul moment à nous fournir toutes les explications concernant cette situation que lui-même déplore. Aussi, en responsable avisé, le responsable de la ferme a répondu à toutes nos questions que nous lui avons posées, allant des retards enregistrés dans le versement des salaires, à la régularisation de ces derniers en présence d'un huissier de justice ainsi qu'il a fait allusion au refus des travailleurs de percevoir leurs dus, et leurs manquements graves ayant conduit la ferme à cette situation. La genèse du désastre dans le quel se trouve la ferme « Si Mourad » remonte à plusieurs mois, depuis que le courant ne passait plus entre le gérant M. A.M ; et une partie des ouvriers dont la majorité, rappelons-le, sont des saisonniers. De graves accusations avancees par une partie des ouvriers quant a la gestion de la ferme Selon une correspondance, datant du début du mois de mars, adressée au ministre de l'agriculture, de graves accusations sont portées à l'encontre du gérant de la ferme. Ce dernier est accusé de mauvaise gestion, détournement et dilapidation de deniers publics. Ces mêmes ouvriers déclarent avoir été victimes de mauvais traitements et d'intimidations de la part dudit gérant qui les obligeait à faire des travaux en dehors de la ferme pilote. En cas de refus, ils sont menacés de licenciement et de résiliation de leurs contrats de travail. Encore, ils l'accusent de connivence avec une société italienne « ASTALDI » chargée des travaux de réalisation d'un barrage limitrophe, celui de « KERRADA », dans l'exploitation d'une parcelle relevant du patrimoine foncier de la ferme. Destiné à l'extraction du tuf, pour les besoins de réalisation du barrage, le site en question, dont deux hectares en oliviers ont été décimés à jamais, n'a pas été remis en état après son exploitation. En outre, Ils formulent de sérieux doutes sur le montant de la transaction et les dividendes générés par la ferme. Ils jugent que la valeur réelle de la matière extraite par ladite société est très lucrative à la différence du montant déclaré, qui est jugé dérisoire. Au début du mois de janvier dernier, les protestataires affirment que d'autres parcelles ont été louées, dans des conditions obscures, à des particuliers pour le pacage de leurs cheptels limitant ainsi la surface nécessaire pour le pacage du cheptel de la ferme dont le nombre est en perpétuelle décroissance. Le cheptel ovin était de 930 en 2005. Maintenant, le nombre a chuté pour atteindre 170 têtes. Le parc agricole roulant est dans un état déplorable dans la mesure où la majorité du matériel est hors état d'usage pour diverses raisons. Les contestataires revendiquent une commission d'enquete independante Pour situer les responsabilités et mettre un terme à un conflit qui n'a que trop duré, les ouvriers de la ferme demandent l'intervention du wali à travers une commission d'enquête indépendante afin de préserver cette entité qui demeure leur seul gagne-pain. En grève depuis le mois de septembre pour protester contre le non-paiement de leurs salaires, les ouvriers de la ferme commencent à désespérer que leur action n'ait pu trouver, à ce jour, d'échos favorables auprès des autorités compétentes. A maintes reprises, plusieurs commissions d'enquête ont été dépêchées sur les lieux mais la situation n'a guère évoluée. Au contraire, les choses se sont empirées à tel point que la rupture est totalement consommée entre les deux parties en conflits ; à savoir le gérant de la ferme et les ouvriers contestataires. Depuis, le gérant et le reste des travailleurs ont été empêchés d'accéder à la ferme et des sit-in quotidiens sont tenus par une partie des travailleurs au niveau de la ferme. Aussi, il y a lieu de rappeler que l'affaire est entre les mains de la justice concernant ce conflit qui perdure au détriment du développement de la ferme. Le gérant se défend et endosse la responsabilité du désastre aux grévistes Par souci d'impartialité conformément aux principes de déontologie journalistique, la contribution du directeur de la ferme en l'occurrence M. A.M a été vivement souhaitée pour dissiper les doutes et éclaircir l'opinion publique sur une affaire qui n'a pas cessé d'alimenter les discussions sur la place publique locale. Contacté à plusieurs reprises par nos soins, M. M.A a pris attache avec le journal pour étaler sa version des faits et répondre aux nombreuses accusations, qu'il rejette énergiquement. Selon le rapport d'un expert, le préjudice subi par la ferme s'élève à près de 214 millions de centimes. Muni de divers procès-verbaux de réunions et de documents administratifs à l'appui dont des copies sont en notre possession, le gérant de la ferme accuse, à son tour les ouvriers contestataires de marchandage et de chantage. Il les tient entièrement responsables de la situation chaotique dans laquelle agonise la ferme du moment qu'ils ont entravé le bonne marche de la ferme lui causant de ce fait des préjudices énormes et des pertes considérables. D'après une expertise réalisée, en date du 27/01/2011, par maitre K. Bennacer ; Expert foncier; le préjudice causé est estimé à 2.135.000,00 (soit près de 214 millions de cts) DA. Le gérant considère la grève des ouvriers illégale et il les rend entièrement responsables du préjudice causé à la ferme. Il atteste par ailleurs que les contestataires bloquent les accès à la ferme et lui interdisent ainsi qu'aux autres ouvriers non grévistes, l'accès à l'établissement. De ce fait la ferme est totalement paralysée malgré l'intervention du directeur des services agricoles. En date du 30 janvier 2011, une assemblée générale a eu lieu en présence du directeur général de SGDA, du DSA et de l'ensemble des employés pour débattre les problèmes de la ferme et trouver une issue à la situation peu enviable dans laquelle s'est retrouvée la ferme. Après un débat houleux, des assurances ont été données par le DG de la SGP dans le but de prendre en charge leurs revendications à condition de reprendre le travail. Finalement, ils ont refusé et persistent dans la poursuite de leur plan de déstabilisation et de chantage. «100 ha de fourrage de perte, les grévistes sont entièrement responsables du désastre » Selon le directeur de la ferme, un montant de 4 millions de dinars a été débloqué par la tutelle pour prendre en charge les salaires impayés. En date du 25/04/2011, les employés de la ferme ont été convoqués à une réunion de travail en présence du directeur des services agricoles de la wilaya (DSA), du directeur de la chambre agricole et d'un huissier de justice, malheureusement, les ouvriers contestataires ont refusé de percevoir leurs salaires impayés et l'affaire a pris le chemin des couloirs de la justice. Dans le procès-verbal dressé par qui de droit, il est clairement mentionné la perte de 100 hectares de fourrage, sans mentionner les causes, et la ferme se trouve confrontée à des atteintes de pacage illicite impunément exercés par des éleveurs qui ont envahi ses terres en jachère. Dans un autre PV de réunion, signé conjointement par le gérant, le directeur d'exploitation et le responsable de végétation, six parcelles, dont la surface totale est estimée à 32 hectares, ont été louées à des particuliers pour une durée ne dépassant pas 3 mois. L'objet de la dite location est le pacage. Comme la saison labour est quasiment ratée, l'initiative a été prise dans le but d'utiliser la valeur financière de la transaction (256.000,00 DA) pour honorer des charges pressantes et maintenir le fonctionnement de la ferme. « La ferme n'a pas encore perçu les contreparties financières, des terres utilisées par la société ‘'Astaldi'' qui s'élèvent à 2.345.098,00DA, contrairement aux déclarations des ouvriers». En terme de réponse aux accusations concernant l'exploitation d'une parcelle par la société « ASTALDI » pour les besoins de réalisation du barrage « KERRADA », le gérant ; M. A. Mekideche ; nous exhibe une correspondance qui lui a été destinée par la dite société en date du 14/10/2008. A travers cette correspondance, la société « ASTALDI » l'informe qu'elle a reçu de la part des autorités de la wilaya de Mostaganem l'autorisation d'utiliser des matières explosives dans la carrière de calcaire située à proximité de la ferme (sous-entendre que la surface à exploiter n'appartient pas à la ferme, mais juste par respect au bon sens du voisinage). En contrepartie, dans le cadre de bonnes relations de voisinage entre des projets d'intérêt national, la société « ASTALDI » va procéder comme convenu à l'exécution au profit de la ferme des travaux de réalisation de trois puits, la location d'une voiture qui sera mise à la disposition du gérant pour une durée d'une année et l'aménagement de l'autre ferme située un peu plus loin du site pour le bien des élevages de la ferme. Ni les termes du contrat d'exploitation ni le montant de la transaction n'ont été évoqué, ce qui a laissé libre cours à de folles rumeurs. Selon le même responsable et documents à l'appui, il n'y a aucune sorte d'opacité sur cette transaction puisque le montant est de 2.345.098,00 DA, non encore encaissé par la ferme, sous prétexte que les formalités administratives concernant cette expropriation n'ont pas encore été accomplies. Un autre argument qui vient battre en brèche les accusations gratuites des ouvriers, selon le responsable, qui ajoute tout de même que ses accusateurs, sont à l'origine de toute cette catastrophe, et qu'en sa qualité de responsable, il a tout fait et usé de tous les moyens en sa possession pour faire revenir ces récalcitrants à de meilleurs sentiments mais rien n'y fait, ils persistent dans leur obstination à vouloir mettre cette ferme à genou à jamais, avant de conclure : « Pour ma part, j'ai adressé plusieurs rapports avec documents à l'appui à toutes les instances concernées au niveau central comme eu niveau local à l'effet d'attirer l'attention des responsables concernés de ces abus qui n'en finissent plus ». Le directeur de la DSA : « nous n'avons plus d'autorité sur la ferme pilote » Contacté pour plus d'éclaircissements, le directeur des services agricoles (DSA) nous a déclaré que sa direction n'a plus d'autorité sur la gestion des trois fermes-pilotes que compte la wilaya de Mostaganem. Celles-ci dépendent désormais de la SGP « SGDA » en application des dernières directives du gouvernement. Face à l'indifférence des uns et des autres, en l'absence d'un contrôle rigoureux et efficace, la ferme « Si Mourad », jadis fleuron de l'agriculture dans la région du Dahra, agonise au terme d'une saison agricole totalement et délibérément ratée. Le bons sens et la sagesse sont plus que jamais de mise pour mettre un terme à un scandale qui n'a que trop duré et qui a transformé en ruine toute une ferme, bien de la collectivité. Un sol généreux contre des cerveaux stériles et des bras cassés Loin de toute contrariété, le fait le plus regrettable aujourd'hui est que cette exploitation publique, qui demeure une unité très viable au vu de ses potentialités, sombre dans le chaos et l'indifférence. A l'aube de l'indépendance, 70% des exportations algériennes était constituée de produits agricoles. Un demi siècle après, malgré le progrès et les moyens colossaux réservés au secteur, l'agriculture algérienne s'est retrouvée le maillon faible de l'économie algérienne. Au lieu d'être le secteur pionnier dans la création de la richesse, en emploi et en valeur ajoutée. Notre agriculture, comme la majorité des segments économiques, tient sa survie à la rente pétrolière. Le sol algérien, de par sa diversité et sa superficie, n'a jamais été stérile mais ce sont les cerveaux des uns et les bras des autres qui sont devenus stériles à tel point que l'essentiel de notre nourriture dépend d'autres cieux. Quel paradoxe !