Près des deux tiers des effectifs des moudjahidine de l'ex-Wilaya III historique, soit environ 7.500 maquisards sur 12.000, ont été décimés durant l'opération Jumelles, décrétée par le général Challe de juillet 1959 à fin 1961, selon un témoignage du moudjahid Azouaou Amar, l'un des secrétaires du poste de commandement de la Wilaya III. Cette sinistre opération initiée par la soldatesque coloniale dans le but d'isoler les moudjahidine de la population, a failli également étêter complètement le commandement de la Wilaya III, durant ces trois années de braise, marquées par le quadrillage des villages avec des barbelés et le passage au peigne fin (ratissage) des maquis pour traquer le “fellaga”, a rappelé le moudjahid, dans son intervention lors d'une rencontre organisée, mercredi, au musée du moudjahid de Tizi-Ouzou en commémoration du 50ème anniversaire de la mort au champ d'honneur du commandant Moh Saïd Ouzeffoun, à l'initiative de l'association Mechaal Echahid. Pas moins de douze officiers de l'ALN sont tombés au champ d'honneur dans le sillage de cette infernale opération, a-t-il rappelé, en citant les commandants Abderrahmane Mira, Ali Bennour, Moh Saïd Ouzeffoun, et les capitaines Krim Rabah, Si Abdellah d'Ibeskrienne, Si Amrane Azouaou, entre autres valeureux cadres de l'ALN. Dans sa restitution du contexte historique du déroulement de l'opération Jumelles, le moudjahid Azouaou a indiqué que cette opération a été précédée, en 1958, par « la récolte par les services du deuxième bureau de renseignements sur l'ALN par l'intermédiaire des “bleus”. L'année 1959, poursuit-il, a donné lieu, à partir du 22 juillet, à un « grand balayage par l'armée coloniale qui s'acharnait sur les maquis de l'ALN, pour essayer de les anéantir, surtout que celle-ci détenait des renseignements sur toute la wilaya III, les zones, les régions et les secteurs ». A partir de 1960, selon le récit de ce moudjahid, les villages de la région furent mis sous le siège de l'armée coloniale qui a ouvert en plusieurs endroits des postes avancés, encerclés de barbelés, et s'appuyant sur des forces d'autodéfense, dégagées d'office, sous peine de priver la population du ravitaillement alimentaire. « L'opération Jumelles est également sinistrement réputée pour ses commandos de chasse hyper armés écumant les maquis jusqu'au cessez- le feu », témoigne encore le moudjahid Azouaou, en ajoutant qu'en « 1961, les hommes étant tués en grand nombre, il ne restait dans les villages que les femmes ». Le Chahid Ighri Mohamed, dit Moh Saïd Ouzeffoun est né en 1930 dans la commune de Timizar (Tizi- Ouzou). Il fut parmi les pionniers de la Révolution, en intégrant la cellule PPA/ MTLD d'Azeffoun où son père tenait une boutique, servant de point de liaison pour les groupes paramilitaires mis en place par Krim Belkacem ,Yazouren Mohand Ameziane dit « Vrirouche » et Kaci Haddadène. Au déclenchement de la Révolution, il fût chargé, à la tête d'un groupe d'hommes, d'incendier le dépôt de liège d'Azazga. Ses qualités de meneur d'hommes, doublées du sens de l'organisation et de la discipline lui valurent des postes de responsabilité à la tête des unités de l'ALN, témoignent ses compagnons d'armes qui se souviennent de lui 50 ans après sa mort, comme étant un exemple d'abnégation et de sacrifice. Il tomba au champ d'honneur le 30 mars 1961 dans une embuscade qui lui a été tendue près d'Azazga, alors qu'il se dirigeait, avec sept compagnons, de la Soummam vers le PC de la Wilaya III dans l'Akfadou, pour y prendre son poste de membre du Conseil de l'Etat major de Wilaya. Après « Jumelles », les français lachent les harkis : Témoignage d'un officier « Nous abandonnerons nos compagnons d'arme (harkis) et les populations ralliées ». La suite des opérations se déroulera dans le Constantinois et près de la frontière tunisienne (Guelma et Lamy). Dans les villages tenus par les troupes du secteur, il n'y avait pas d'hommes, seulement des femmes et des enfants, la volaille abondait et entre les réseaux de barbelés paissaient des troupeaux de bovidés blancs. Mais sur les mouvements de terrains (croupes) tout proches, nous découvrirons des emplacements circulaires de mitrailleuses, enterrés et entretenus, avec des tranchées adjacentes recouvertes de plaques de liège et de terre qui descendent jusqu'au fond du thalweg ! Dès lors le doute sur l'issue de cette confrontation s'installe en moi et m'interpelle sur la finalité du soldat fait pour la guerre et non formé pour rétablir la paix. Dans le discours du général De Gaulle du 16 septembre 1959 sur l'autodétermination de l'Algérie avait brouillé nos esprits. En janvier 1960, le général Massu est rappelé à Paris. L'affaire des Barricades provoque le départ du général Challe. Les déclarations du chef de l'Etat lors de sa tournée des popotes, fin 1960) sont ambiguës. Surviennent ensuite le putsch des quatre généraux (Challe, l'instigateur de l'opération « Jumelles ») et la naissance de l'OAS. Politiquement le FLN profitera habilement de la confusion générale qui règne en Algérie et en Métropole pour obtenir son indépendance. Nous abandonnerons nos compagnons d'arme (harkis) et les populations ralliées. A suivre