Point de vue sur une chronique concernant l'Histoire locale. Ain Temouchent et Béni-saf à la sauce coloniale . On a coutume de retrouver dans le préambule de la plupart des livres de profanes un appel à l'indulgence qui invite le lecteur à une critique sereine compte tenu de certaines contraintes d'autant que le sujet abordé renvoie à l'écriture de l'histoire. Une sorte d'humilité qui cache parfois mal des desseins rédhibitoires. Nous nous ne priverons pas de cette obligeance pour donner un point de vue constructif sur une récente publication parue sous le double intitulé : « Beni-Saf entre mer et terre – Ain-Témouchent chronique des temps anciens » signée Safi Boudjemaâ Moussa. Un bouquin qui est venu nous rappeler combien il est risqué et dommageable de vouloir remonter l'histoire en empruntant les sentiers battus avec pour seul bagage une rhétorique fielleuse d'inspiration coloniale puisée de lectures nostalgiques et anachroniques. C'est ainsi que notre historien-ingénieur n'a eu aucune gêne à s'abreuver goulûment aux sources d'une littérature vieillotte marquée du sceau de l'orientalisme condescendant véhiculée par les tenants du rôle civilisateur de la France durant l'époque des colonies. Nous allons à travers la présente analyse mettre à nu les ambigüités et autres excentricités de l'écriture révélées par la lecture d'un ouvrage censé accorder la part belle à l'histoire de deux villes voisines. Sans signaler toutefois le fait que ce produit a été imprimé aux éditions « DAR EL GHARB » au compte d'une association culturelle locale autrement dit financé par cette dernière. La mention réglementaire soulignant ce parrainage ne figure pas sur la couverture et « DAR EL GHARB » n'en est pas le vrai éditeur. La nuance est de taille. D'ailleurs l'auteur de « Béni Saf entre mer et terre… » Ne s'en cache pas qui dans ses remerciements avoue : « avoir négocié âprement avant d'obtenir d'eux (les membres de l'association) le loisir de rendre public ce clin d'œil amical… ». Pour une association « enracinée » qui s'est longtemps plaint du manque de subvention, voilà un clin d'œil qui a dû lui coûter … les yeux de la tête ! Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, il est utile de préciser que le livre en question est une réédition revue et corrigée d'un premier tirage intitulé « Ain Témouchent au fil du temps ». Paru en 1997 grâce à la bienveillance du Wali de l'époque et à une aide plus que généreuse de l'ENG (Entreprise de Granulats dite Carrière Géante) de Chaabat El Leham. Comprenne qui pourra !.. Néanmoins pour situer le personnage, qui proclame dans une préface « Je n'ai servi aucun parti, aucune caste, aucune chapelle ni aucune cour… Jaloux de ma liberté, j'en ai voluptueusement usé… jusqu'à l'euphorie » (Dixit S.M. Boudjemaa), nous vendons la mèche par souci de vérité : Ce monsieur qui plastronne fièrement, a qualifié un ancien sénateur en campagne de « Génie incompris » dans un vieil article. Une courtisanerie - c'est dans l'air du temps - assumée et entretenue qui lui a valu un recrutement inespéré au sein de l'entreprise que dirigeait – tenez vous bien – le « génial » sénateur. Plus flagorneur que moi tu meurs ! Ain Témouchent au fil du temps « relooké » douze années plus tard en « Ain Témouchent chronique des temps anciens et Béni Saf entre mer er terre » est en fait une pale compilation de plusieurs travaux effectués par des auteurs comme Antoine Carillo (Ain Témouchent à travers l'histoire – 1954) et (Ain Témouchent, terre d'Algérie – 1958) ainsi que par le prêtre R. J. LETHIELLEUX dont une étude sur le littoral occidental de l'Oranie (1974) fait autorité. Nous avons retrouvé les livres de CARILLO et nous les avons confrontés au contenu du livre « Ain Témouchent au fil du temps » lui même reproduit avec des ajouts dans un nouvel emballage sous le double fronton « Béni Saf entre mer et terre, Ain Témouchent chronique des temps anciens ». Un « deux en un » (2 en 1) qui avouons-le, s'est avéré au fil de la lecture très moussant et pour cause, il renferme beaucoup de malfaçons. Cet écrit achevé en un temps record s'est voulu une réplique à un autre ouvrage autrement plus étoffé et mieux charpenté qu'à publié en Janvier 2008 notre confrère KALI Mohamed (soit 06 mois avant que ne clôture le sien S. M. Boudjemaa), et qui a pour titre « Béni Saf : le legs de la mer et les entrailles de la terre ». Remarquez la similitude de ce titre avec celui venu à posteriori « Béni Saf entre mer et terre... » Des incohérences volontaires ? Une flagrante opération de recyclage qui sous la plume de S. M. Boudjemaa, natif lui de la région de Béni Saf, contrairement à KALI Mohamed, prend une dimension nettement sectaire. Titillé qu'il a été par une coterie-esprit de clocher quand tu nous tiens, il a lui aussi accouché d'un livre sur Béni Saf en prenant le soin d'indiquer en fin de récit la date du 20 Juin 2008 pour faire admettre l'idée qu'il était achevé lorsque Mr KALI a présenté le sien. Oubliant dans sa précipitation qu'en page 103 de « Béni Saf entre mer et terre… » il avait pris appui sur un article paru dans le « Soir d'Algérie » du 31 Août 2008, date mentionnée dans son livre qu'il a bouclé au mois de Juin 2008 ! Pourquoi alors S. M. Boudjemaa s'est il autorisé à dire que le livre lui a pris plusieurs années de recherches ? Tout simplement pour éviter que l'on assimile son produit à la réponse du Berger à la Bergère après la sortie du livre de M.KALI, réaction venue sous les oripeaux d'un livre rapidement trituré et dont nous vous livrons quelques aspects ubuesques. En ouverture nous tombons sur la même citation de Paul Valery déjà infligée dans la mouture de 1997 puis se succèdent sur près de 17 pages ( !), remerciements, dédicace, témoignage, citations dont une de CHADLI BENDJEDID (1983) !, préface, note de l'auteur… Des SALAMEKS à tour de bras. Bref tout le monde est servi même l'association des Béni Safiens de France présidée par la Dame GONZALEZ dont l'adresse nous est refilée en bas de page. Survient ensuite la première partie du texte consacrée à Béni Saf, le reste dédié à Ain Témouchent se révélant être une reprise revue et corrigée de « Ain Témouchent au fil du temps » du même auteur lequel le confirme tout de go ! « Rien n'est renié du contenu produit… » Sauf qu'à la lecture de plusieurs passages rajoutés, le lecteur est confronté à une emphase littéraire qui sied mal à un livre « d'utilité publique » (dixit). Exemples : « Nourrir ou brandir aujourd'hui des velléités d'ostracisme à l'encontre des ces frères relèverait de l'abscons blasphème historique ». Ou encore « Une maraude symptomatique d'une dérive malsaine ». Pourtant l'auteur dans sa note d'ouverture « se défend de recourir à la grandiloquence qui empreinte à l'outrance, l'emphase et l'enflure… » Et d'insister plus loin ; « Ce petit livret – affranchi de tout pédantisme – n'a qu'un but propédeutique (à traduire par : préparant à un enseignement spécifique et approfondi, parce que tous ne risquez pas de trouver le mot dans un dictionnaire classique). Pour quelqu'un qui se revendique « Vallesien, dans l'âme » cette propension à la fatuité et à la redondance ne ressemble guère au grand écrivain que fut Jules Valles dont le style est clair et précis sans biais ni méandres qui tranche par sa simplicité. D'ailleurs l'auteur français du « Bachelier » n'a-t-il pas écrit : « Ayons à notre service une langue franche et claire que tous pourront comprendre, les gens de la foule comme les petits conspirateurs d'écriture ». De plus toujours dans sa note de la page 11 où suintent la rancœur et l'aigreur, Moussa cite Baudelaire et poursuit en parlant de son cœur à lui : « Des hyènes puantes, répugnantes et malfaisantes l'ont définitivement saccagé ». Effrayant aveu d'un homme irrité qui confesse ouvertement sa misanthropie. Un cas pathologique ? A voir si l'on s'en tient aussi à cette autre déclaration de S. M. Boudjemaa qui dit porter «… les stigmates du déchantement », influencé qu'il a été par les lectures de VALLES et un certain CELINE. Il persiste plus loin en se mettant dans la peau d'une victime expiatoire qui aurait fait les frais d'un licenciement abusif quelques mois après la parution de « Ain Témouchent au fil du temps » : « J'ai été arbitrairement condamné au pain sec… du chômage » a-t-il soutenu dans sa sulfureuse note du prologue. Pure fabulation que tout ca. Tout le monde, dans l'entourage de l'auteur, sait pour quelles raisons ce dernier a été réduit au pain sec comme il dit. Recruté dans une entreprise publique dirigée par son ex-ami sénateur il sera congédié pour agression contre un collègue qui porta plainte devant la justice. Pousser la malhonnêteté jusqu'à transformer un épisode peu glorieux en fait d'arme démontre du peu de respect qu'accorde ce personnage aux éventuels lecteurs de la localité. SOUS LE CHARME DE BERNARD HENRY LEVY On se demande du reste en quoi des histoires pareilles qui relèvent de la vie privée de l'auteur peuvent profiter à l'histoire de Béni Saf et d'Ain Témocuhent. Outre le fait que S. M. Boudjemaa s'arroge la paternité de la notoriété recouvrée de Bouhmidi qui serait sorti de l'oubli grâce au livre « Ain Témouchent au fil du temps », il n'est pas juste d'affirmer que la ville de Béni Saf n'a pas bénéficié d'un soutien culturel puisque contrairement à ce qu'il raconte dans son livre où il parle de la salle des fêtes en ces termes : « un édifice méprisé, un bâtiment qui dépérit au fil du temps… » Ce joyau à fait l'objet d'une opération de rénovation. Le secteur du tourisme n'échappe pas à la furie de ce donneur de leçons : « les potentialités ne sont guère exploitées à leur juste valeur pour insuffisance de volonté (?), d'incompétence crasse (?) Ou de sinécure bureaucratique (?) ». Mais le plus sidérant dans ces pérégrinations provinciales se situe assurément dans cette description élogieuse du philosophe juif Bernard Henry Levy que S. M. Boudjemaa qualifie « d'ardent défenseur des droits de l'homme et de libre penseur » (Sic). On a vu, hélas, comment ce dandy intellectuel a réagi à l'agression d'ISRAËL contre GHAZA. Béachelle (B.H.L.) provocateur mal aimé des Français a toujours adopté un profil bas lorsqu'il s'est agi de la Palestine. Il n'éprouve aucune sympathie pour les arabes et les musulmans en général. Encore moins pour les gens qui vivent à BENI SAF y compris celui qui s'évertue à travers « Béni Saf entre mer et terre … » d'en faire un « Héros » Béni Safien. L'auteur pour se ménager les méninges et donner du volume à son ouvrage utilise un certain ROGER ALBERT, soldat du contingent qui a publié en 2002 « Carnets de route d'un soldat en Algérie ». C'est ainsi que le chapitre relatif à OULHACA d'où serait natif l'auteur, est entièrement puisé de l'œuvre du vaillant ROGER crapahuteur en vadrouille. On apprendra au passage que le bidasse Jacques CHIRAC devenu président de la République aurait séjourné dans la région. En préambule de la partie consacrée à Ain Témouchent S.M.Boudjemaa se fait également l'écho d'un cliché sur la pacification en reprenant des phrases tirées d'une monographie coloniale : « Depuis 1957-1958 on trouverait difficilement dans toute l'Algérie, une ville ou l'atmosphère soit plus détendue où il fasse meilleur le soir pour descendre et remonter inlassablement la grande artère de la ville, le boulevard national, lieu de promenade traditionnel de tous les témouchentois ». Que signifie encore cette allusion perfide pour ne pas dire humiliante à l'endroit de la communauté nationaliste d'Ain Témouchent qui aurait vécu tranquillement loin des turpitudes de la Révolution armée ? Dans la foulée de ces « Scoops », une demi douzaine de documents annexés constitués pêle-mêle d'articles de presse de l'auteur datant en 1997, de statistiques, d'un commentaire sur la guillotine, d'un mea-culpa du journaliste MAAMAR FARRAH à propos des marocains expulsés en1975, d'un reportage sur les porteurs de valises, viendront clore la partie sur Béni Saf et faire la jonction juste à mi-chemin du bouquin avec la seconde monographie consacrée à Ain-Témouchent dont nous avons largement souligné le caractère tautologique par rapport à l'ancien écrit de 1997. Inutile de s'attarder encore sur ce qui s'apparente à un « blanchissement d'œuvre ». La ville de Béni Saf a curieusement inspiré les âmes tourmentées comme en témoigne la floraison de recueils évoquant la cité portuaire née, elle, d'un « accouchement au forceps ». La métaphore est de KALI Mohamed avant que S. M. Boudjemaa ne l'a subtilise. Parmi les publications qui ont chanté Béni Saf , citons « L'escalier de Béni Saf » (Henriette Georges), les « Splendeurs de Béni Saf » (Said FEKIH), « Béni Saf une survivante du passé » (Omar BRAHAMI), « La petite mer » (Jacques Suant), « Béni Saf, ville de lumière et d'histoire » (Editions du Grand Sud) et bien sûr « Béni Saf le legs du passé et les entrailles de la terre » (KALI Mohamed). Une dense bibliographie où figure l'incontournable recherche de J. LETHIELLUX « Le littoral de l'oranie occidentale » paru en 1974. D'autres essais ont évoqué « Béni Saf » et « Ain Témouchent » et chacun à sa manière a tenté de poser un regard singulier voire inédit sur ces localités cosmopolites. Mais le dernier produit proposé de S. M. Boudjemaa qui se revendique « émule » de J. VALLES- rien que ça ! - a tout d'une « paella » , ce plat typiquement espagnol assaisonné de nombreux ingrédients dont les anciens benisafiens raffolent mais qui a perdu de sa saveur par l'absence flagrante d'un composant indispensable ; nous avons nommé la PROBITE.