‘'Réflexion'' publie un dossier sur la secrète relation entre la France et la Libye. Une série de publication sur le monde secret du renseignement, de l'action subversive et du contre-espionnage dans un but purement didactique. Il s'agit au moins de relater des faits nouveaux que d'une lecture qui fait le lien entre des événements souvent connus, spectaculaires ou non, qui paraissent plutôt disparates et conjoncturels mais derrière lesquels se profilent toujours des motivations de géostratégie politique et de la raison d'Etat. KADHAFI A ETE TRAHI PAR SES FIDELES PROCHES Depuis octobre 2010, l'ex chef du protocole de Kadhafi est réfugié à Paris, sous la protection de la DGSE. Les services français l'ont utilisé pour soulever la révolte des insurgés. Mars 2011, pendant que les avions français bombardaient la Libye, les ailes sanglées de missiles, le chef du protocole de Mouammar Kadhafi, Nouri Mesmari, regardait le printemps briller de la fenêtre d'un grand hôtel parisien. Une scène improbable et pourtant bien réelle que les comptes rendus des dernières semaines d'actualité libyenne et Al Jazeera et Al Arabia n'ont pas évoqué. Sarko manœuvre la révolte libyenne La rocambolesque fuite de ce proche du « raïs » à la veille de l'embrasement du pays, de directeur du protocole devient transfuge de ‘'haute qualité''. Une trahison au profit de la France. Un événement politique aussi ignoré par Al Jazeera et Al Arabia. Peut-être parce que ces deux chaînes ne cachent pas leur mépris envers Kadhafi, parce que leurs patrons des royalistes et proches. Ou peut-être parce que, privée de ses détails, l'histoire de ce transfuge de la cour libyenne ne semble qu'une anecdote de plus dans la décadence du régime. Alors que l'affaire vaut le détour. Proche de Kadhafi, c'est comme un véritable chef d'Etat en fuite que Nouri Mesmari s'est rendu en France : en prétextant une opération chirurgicale. Une grave erreur commise par les services de Kadhafi Le 21 octobre 2010, le haut dignitaire de la Jamahiriya débarque à Paris avec toute sa famille et s'installe à l'hôtel Concorde Lafayette, “sans recevoir aucun médecin” A la place, c'est la police qui vient bientôt frapper à sa porte : suite à un mandat d'arrêt international émis par la Libye le 28 novembre pour “détournement de fonds”,Mesmari est « arrêté » le lendemain… et placé en résidence surveillée dans un luxueux hôtel de la Porte Maillot. La France refuse d'extrader le chef du protocole transfuge. Selon un service de renseignement arabe, Mesmari collaborait depuis 2007 avec les services Français. Kadhafi décide alors de tout mettre en œuvre pour le convaincre de revenir. C'est Seif El-Islam, qui s'avance, par l'intermédiaire de son agence Libyapress pour tenter de convaincre le haut fonctionnaire en fuite de rentrer à Tripoli… sans succès. Selon la lettre d'information Maghreb Confidentiel, le clan des « sécuritaires » proches de Kadhafi décide alors de fermer la société incapable de ramener Mesmari à Tripoli avant d'expédier un autre proche du guide à Paris. Abdallah Mansour, ancien directeur général de l'Office général de radio et télévision du régime, est dépêché sur place en décembre, porteur d'un message de réconciliation sur le ton de “si tu reviens, on annule tout”. Nouvel échec.Refusant de lever la demande d'extradition, le pouvoir libyen tente une dernière carte : Moatassim, fils du guide, conseiller à la sécurité nationale et tenant notoire de la ligne “dure” du régime. “Il est étonnant qu'on ai laissé un tel profil, proche des comités révolutionnaires et des sécuritocrates, pénétrer sur le territoire français”, s'étonne-t-on dans le corps diplomatique français. Le fils Kadhafi descend pourtant à l'hôtel Bristol fin janvier pour continuer la ronde devant la porte de Mesmari. Le 10 février, Maghreb confidentielpublie un aveu d'échec : Moatassim a repris l'avion pour Tripoli le 5 février, laissant à Paris l'ancien chef du protocole. Une semaine plus tard, le mouvement anti-Kadhafi se lève. Et, selon des services arabes, le retour du fils bredouille ne serait pas pour rien dans cette explosion. Le défilé des agents français à Benghazi sous la couverture d'agriculteurs La transaction opérée entre Nouri Mesmari, serait non pas le fait de passe financier, mais un échange de bons procédés : asile politique et protection contre renseignements stratégiques. Avant qu'un mandat d'arrêt international ne traverse la méditerranée, de drôles de français s'étaient infiltrés dans une délégation de gros businessmen de l'agro-business : au milieu des costumes de France agriMer et de soufflet, un groupe d'agents de la DGSE ont pris l'avion le 18 novembre pour rencontrer à Benghazi, non pas des agriculteurs libyens, mais le colonel Abdellah Guehani, un dignitaire de l'armée de l'air proche de Mesmari. C'est sur les conseils de l'ancien chef du protocole, que les faux agriculteurs français ont rencontré le colonel. Entre temps Mesmari a été « autorisé » à rencontrer quelques amis libyens, dont certains auraient joué un rôle dans le soulèvement armé de Benghazi. Conclusion des investigations, Mesmari a été utilisé comme une marionnette par Nicolas Sarkozy pour renverser Kadhafi, qui au début personne ne croyait à cette chute sans l'aide ‘'complotaire'' de la Ligue Arabe et surtout Amr Moussa qui semble-t-il ne différenciait pas Mesmari. (A suivre)