Ce n'est pas de la paranoïa. Ça a été confirmé publiquement par le président américain. Des agents de la CIA opèrent en Libye depuis plusieurs semaines. Auparavant, des fuites à Londres avaient annoncé la présence d'agents britanniques (MI6) sur le terrain libyen et des médias italiens ont révélé, pour leur part, le jeu de l'ex-DGSE française dans l'allumage de la révolution libyenne. Ce monde de l'ombre a, entre autres, servi à guider les frappes aériennes de la coalition occidentale, à laquelle se sont joints des avions de chasse qataris et émiratis, sur les cibles militaires de Kadhafi au sol. La CIA aurait aussi reçu d'Obama l'autorisation d'armer les rebelles. Idem pour ses homologues britannique et français, mais, selon les insurgés libyens, aucune livraison ne leur serait encore parvenue ! Ce retard doit être lié au débat qui fait rage à Washington, au sein du Congrès, notamment sur “la fiabilité” des insurgés libyen et sur la présence – annoncée par Obama en personne – d'éléments d'Al-Qaïda dans leurs rangs. Comme pour corroborer cette histoire de barbouzes, le 23 mars dernier, la presse italienne, des journaux appartenant à Berlusconi, le chef du gouvernement, relataient que la révolte populaire contre Kadhafi a été orchestrée par Paris depuis le mois d'octobre ! Règlement de compte en services, roman d'espionnage ou réalité ? Pas facile de discerner. Le quotidien Libero, citant des documents confidentiels du renseignement français, obtenue par le renseignement italien, et basé sur des rapports dans le bulletin diplomatiques Maghreb Confidentiel, raconte que la révolte libyenne a éclaté après que Paris eut retourné l'homme le plus digne de confiance du colonel Kadhafi, son chef de protocole, Nouri Masmari. Une chose est sûre, Mesmari mettait ses pieds à Paris le 21 octobre 2010 pour n'en plus bouger. Il est accompagné de toute sa famille au motif qu'il devait subir une opération médicale en France… Le journal italien est formel, Mesmari a révélé les secrets de la défense militaire de Kadhafi et de ses alliances diplomatiques et financières. Dans les milieux de la barbouzerie occidentale, Mesmari est nommé “Libyan WikiLeak”. Le roman d'espionnage continue : Mesmari donne des noms de personnes susceptibles de bâtir un mouvement pour tenter de renverser Kadhafi. Le printemps arabe souffle chez le voisin tunisien… Pour la Libye, une fuite grippe le complot : le 22 janvier, le patron des services secrets de Kadhafi, le général Aoudh Saaiti, arrête le colonel d'aviation Gehani originaire de Bengazi, il est accusé d'avoir créé un réseau social en Cyrénaïque, qui faisait les louanges de la contestation tunisienne contre Ben Ali. Mais trop tard, la révolte de Benghazi était en marche. Libero raconte que le 6 mars la DGSE a livré des armes aux rebelles libyens. Au milieu d'un fret humanitaire, des canons de 105 mm et des batteries antiaériennes. Des instructeurs français ont aussitôt entrepris de former des insurgés à ce maniement d'armes… Le Pentagone n'est pas non plus exempt de tout reproche. Washington n'a-t-il pas annoncé dès février son projet de fournir à la rébellion, via l'Otan, mortiers, roquettes, antichars et missiles antiaériens. Les Britanniques aussi sont sur place… Reste que les frappes ciblées ont été trop précises pour évacuer l'idée qu'elles ne sont pas guidées du sol par des spécialistes. Il fallait fournir des informations précises dans la direction des frappes en rassemblant des données sur l'aviation, les chars, l'artillerie et les missiles de Kadhafi. Ces renseignements, espère le Pentagone, pourraient permettre d'affaiblir suffisamment l'armée libyenne pour provoquer des défections. Mais, pour la CIA, plus que pour le MI6 britannique et la DGSE française, il s'agit de collecter du renseignement sur les rebelles libyens. “Toute la question au sujet de la formation et des équipements à fournir aux rebelles est de savoir qui sont les rebelles”, a expliqué à l'agence Reuters, Bruce Riedel, ancien expert du Proche-Orient au sein de la CIA et ancien conseiller de l'administration Obama. Selon les sources du New York Times, l'une des missions des agents des services secrets américains et britanniques, est justement de mieux comprendre qui sont les insurgés au régime de Kadhafi, par qui sont-ils dirigés et quelles sont leurs intentions. Si les frappes ont grandement affaibli les moyens militaires de Kadhafi, selon les experts, les insurgés semblent de leur côté inexpérimentés, désorganisés et incapables de s'imposer sans un soutien étranger. Les opposants à Kadhafi disent ne rien savoir de la présence de barbouzes étrangers en Libye. D. Bouatta