Chaque jour, quelqu'un ou quelque chose me rappelle que je suis chez moi. Bienvenue en Absurdistan Mine de rien, voilà déjà dix jours qui s'épuisent. Ghlamollah, le vizir des mosquées a, au nom de Si Abdelkader le silencieux, souhaité en notre nom a tous la bienvenue à Sidna. En l'absence de Siadna du Pouvoir qui ronronne, le bled vit de baraka, de chance, et de hasard au gré des aléas et des dérives de son carême. Sans douter de la nuit du doute, les volaillers, les coquetiers et les bouchers, les légumiers, les verduriers et les fruitiers, les épiciers, les dessertiers et les vaisseliers se sont auto-concertés chacun chez-lui pour nous écorcher la peau le lendemain. Les boulangers, eux, ont préféré fermer faute de leurs mitrons déserteurs ou des coupures de Sonelgaz, et ont failli sortir Oran dans ses rues. Pauvre Oran ! La grosse deuxième ville d'Algérie manque de pain en plein ramadhan ! Il n'y a pas de quoi rire. C'est tout à fait normal : la capitale de l'Ouest est comparée à Médéa, Béchar ou Ouargla, et pas à Naples, Barcelone ou Marseille. Quand on manque d'ambition dans la progression à reculons, on ne se mesure pas à plus nanti que soi, mais on doit regarder derrière à plus miséreux. Oran la pauvre n'était pas la seule à offrir le spectacle du sinistre algéro-ramadhanesque. Un peu partout les pénuries ont ressorti les chaines. A Tissemsilt par exemple, où le sachet de lait s'est envolé à cent dinars, avec poings et coups-de-pied en sus.Comme à l'accoutumée, les prix ont flambé avant de se rétracter. La carotte s'est ravie la vedette à 120 dinars/kilo. Mais ça n'a pas empêché que les étals ne soient vidés. Les algériens et les algériennes se sont bousculés. Les fidèles ordinaires ont été bousculés par les occasionnels nombreux pour investir les mosquées, pour prier et dormir à la fraicheur des climatiseurs. Au souk, ni les pois chiches, ni les contrôleurs des prix de Mustapha ne sont parvenus. Sans registre ni impôts, Sidi l'Heureux, en compagnie de son ami Babès, a ressuscité l'ancien souk Rahma du Fis en souk l'Ugta, avec la condition d'aller acheter à Alger. Outre que c'est patriotique et moins cher, même les petites pièces, et les fractions de dinars sont en principes acceptables. Vous y trouverez des pois chiches à 149,96 au lieu de 150 DA/kilo, les haricots secs à 97,93 DA au lieu de 100, le riz à 63,32 DA/kilo et les lentilles à 98,70 DA/kilo, pour ne citer que ces produits très recherchés durant le ramadhan. Le couffin de Ramdhane, de la honte ou de la misère, c'est selon, a été distribué. Dans le calme rarement, en cachette par-ci, à moitié du contenu promis par là-bas, aux faux pauvres, ou dans l'émeute à Frenda. La mauvaise humeur a émergé le jour, laissant place à la course aux urgences après le ftour. Les dealers ont repris place dans et autour des cafés. Partout les pickpockets se sont réactivés. Ont redoublé de vigilance et de virulence. Le jour a été troqué contre la nuit. Et le thé à la menthe contre la menthe anisée dans les cabarets. Le matin, les bureaux sont vidés, et les bus sont moins bondés.Ainsi, une décade s'achève et mazel ! hna ! hna !