A El Bordj dans la wilaya de Mascara en Algérie, l'on compte plus de Chouhada que d'arbres. Il n'y est pas une famille qui ne compte pas au moins un de ces martyrs auxquels est présagé le paradis. Sy Rachid est un Moudjahid de première heure. Pris, les armes à la main en septembre 1957 au cours de la bataille de Djebel Menaouer, le maquisard fut torturé, puis emprisonné. Dès sa sortie des geôles coloniales, il revient à son métier de tailleur traditionnel dans une Algérie libre et indépendante. Il faudrait bien qu'il gagne son pain, lui qui a connu toutes les privations du monde. L'âge faisant, Sy Rachid qu'ont encore affaibli les séquelles des nuits glaciales des montagnes de Stamboul, Menaouer et Beni Chougrane. Il n'a pas eu l'insigne honneur, comme il aime le dire, de tomber sur les champs de batailles de Haboucha au pied de Menaouer, chez les Houassine à Aïn Farès ou à Aïn Sidi Harrat près de Zemmora. De temps à autre, il rend visite à ces carcasses de véhicules blindés, de chars, d'engins de combat de tous genres et d'avions qu'il a mis hors de combat sous le commandement des chefs des deux katibates, Sy Mahmoud et Sy Redouane à Djebel Menaouer. Les gens viennent de partout rendre visite à ces vestiges de la révolution. Mais aussi au témoin Sy Rachid tant qu'il est en vie. Et vint le jour où le Moudjahid s'éteignit. Des funérailles grandioses furent organisées. Des obsèques dignes du libérateur de ce pays. Et... au cimetière, alors que l'imam allait entamer la prière rituelle du mort – salatu el djanaza -, le défunt se mit à remuer dans son linceul au grand dam de l'assistance venue lui faire un dernier adieu. Sy Rachid vécut 13 heureuses années qui le virent accomplir deux fois le pèlerinage à la Mecque. Il mourut prosterné à son Créateur alors qu'il priait.