L'alerte est donné par son prix qui brûle déjà sur les étals : 50 dinars le kilo alors qu'on s'achemine vers sa rareté sur le marché jusqu'aux premiers arrachages de la fin novembre. Déjà érigée en affaire d'Etat ayant ébranlé la paix de l'Etat, dame Pomme de Terre a la faculté de faire peur en faisant son année. Rebelote, elle semble décidée à faire parler d'elle en faisant encore des siennes. Elle vient de faire son entrée avant le recyclage du vizir qui s'en occupe, qui s'en préoccupe et qui ne parle que d'elle en cette rentrée. Aussitôt remis sur selles, Rachid son vizir veut rassurer le peuple en faisant peur à son entourage spéculateur : Des commandants sérieux triés et agrées dans l'Import-Import vont se remettre dans l'importation de la purée tuberculeuse. L'option Import est donc enclenchée, mais qui dit que les malins et surtout prévoyants spéculateurs n'ont pas fait leurs calculs de la crise, bien avant le vizir, et pendant que Maman l'Etat hibernait en plein été ? La capricieuse Dame dont le prix a pris l'ascenseur avant que personne n'y pensait, est-elle d'ores et déjà si chère parce qu'elle est rare dans les stocks ? Rare serait le gogo qui oserait croire cette plaisanterie. Rien d'extraordinaire, au bled du tout-faux, une production record annoncée en grande pompe peut se bouffer en un temps également record pour relancer la crise dans les têtes, le feu sur les étals, le compte-goutte à la sortie des stocks, et le blabla et les prétextes pour tout le monde. Dans les prétextes tout passe : on ne se demande pas où est passée la dernière production dont la récolte ne s'est terminée que récemment, et on invoque le retard mis dans la plantation de la suivante attendue en arrière-saison, et pour justifier l'une et l'autre, ce ne sont pas les arguments qui manquent : pénurie de jeunes qui ne veulent pas travailler en période ordinaire, et surtout à jeûne, la canicule, les grandes vacances, le ramadhan, l'eau d'irrigation qui manque ou qui se coupe par l'électricité, l'engrais de plus en plus cher, et zid et zid ! Le manège rappelle le déjà vu d'il y a peu ! Une fois c'est bon, deux fois c'est trop !, peut-on lire dans l'annonce du vizir auquel échappe le gouvernail de la régulation du souk ! Technocrate comme son gouvernement, il veut parer par la prévention, alors que les maitres du souk ont déjà fait leurs prévisions. Selon le bon calcul de technocratique, il va falloir juste un joint de quelques milliers de quintaux pour remettre le marché dans l'ordre. Un marché anarchique depuis longtemps pris en otage par les pros de la spéculation et les fous consommateurs en l'absence de Maman l'Etat qui ne cherche que la paix sociale. Le cercle vicieux reste infernal. Il suffit de sentir la baisse de l'offre pour qu'on s'empresse de précipiter la demande par des emplettes massives, des stockages et des sur-stockages en prévision des jours meilleurs pour se frotter les mains. Cette fois-ci le vizir compte maitriser le taureau par les cornes, et il n'a pas caché ses calculs. Seulement, d'ici l'arrivée de son premier bateau de Madame Pomme de Terre, les spéculateurs auront eu tout le temps d'écouler leur purée et au prix fort ! C'est leur nouvelle année Batata qui commence !