Que la pluviométrie soit exceptionnellement lus copieuse, que Bouteflika passe l'éponge sur 41 milliards au profit des fellahs, que le mildiou se montre moins virulent ou que la sécheresse s'estompe pour présager d'une année plutôt bonne, Dame ‘'Batata'' se fiche éperdument ! Elle ne fait que des siennes, et tel que veulent les spéculateurs ! A 50-60 dinars/kilo, au niveau de la parcelle, à 90 dinars, voire au-delà sur les étals, Dame Pomme de terre aura bousculé les records jamais atteints, ni même imaginés ! Ainsi défie-t-elle et pouvoirs publics et infortuné consommateur. Alors que ce dernier se fige dans l'expectative, les premiers rassurent et théorisent, en pariant sur un salut devant provenir du bassin maraicher de Mostaganem. Détour. Question de savoir si l'espoir peut se permettre… ‘'A son meilleur marché, la pomme de terre ne se vendra pas en deçà des 40-45 D.A/Kg !'', spécule, Madani, un ancien président de domaine autogéré. Madani n'est pas de nature pessimiste, mais il parle en connaissance de cause d'un marché de produit agricole qu'il connait parfaitement. La sinistre spéculation dont fait l'objet ce produit à large consommation, qui bat son plein, à travers les rues de Sirat et Bouguirat, au vu et au su de tous les passants, conforte amplement ses dires. L'Etat sensé et censé mettre le holà aux dépassements et à l'anarchie sur la voie publique, brille par son absence. Du coup, c'est une horde d'intermédiaires et d'énergumènes de tout acabit, qui, depuis que la récolte du cher tubercule a commencé, a investi rues et ruelles des agglomérations, pour vendre à d'autres intermédiaires des sacs de pomme de terre. Les premiers sont des ouvriers journaliers qui louent leurs “bras” aux ‘'patatiers'' pour l'arrachage de la pomme de terre, et qui, au retour des champs, reviennent avec des sacs de cinq, dix, vingt kilos ou plus de tubercules, glanés ou souvent maraudés. ‘'En deçà des 60 dinars, il n'y a point de marchandage, ni de concession !'', coupait court à toute discussion, en cette matinée de dimanche, au souk semi-informel de Bouguirat, l'un de ces dizaines d'ouvriers ayant découvert le subterfuge de doubler, voire tripler le rémunération journalière. ‘'Wallah ! Aucun ne peut s'en réjouir en deçà de ce prix !'', radicalise-t-il son intransigeance, devant la foule de prétendants accourus à sa rencontre. Il ne trimbalera pas longtemps son sac de 62 kilos avant de trouver acquéreur répondant à l'exigence. A Sirat et Bouguirat surtout, un tel spectacle a libre cours tant que dure l'arrachage de la pomme de terre ! Alors que le fellah qui y a engagé fonds, labeur, temps et énergie, a dû attendre près d'un trimestre pour oser arracher les 50 DA/kg que lui permet la conjoncture, le journalier employé ne daignera jamais, quant à lui, céder sa “marchandise” à moins des 60 DA/kilo ! Quel paradoxe ! Davantage moins peinard que ce dernier, un autre intermédiaire, qui tentera de vous convaincre par un fatal ‘'Allah ghaleb !', ira l'offrir au consommateur à 70 ou 80 DA, soit pas moins de 10 DA, nets d'impôt et souvent sans avoir ni soulevé, ni transbordé, ni déplacé le moindre sac ! “Précipité par les cours records particulièrement alléchants et le mildiou qui menace, l'arrachage de la pomme de terre bat son plein dans la région de Mostaganem. Il s'agit d'une récolte anticipée par la menace du désastre cryptogamique, toujours vivace dans les esprits, mais surtout par le cours substantiel dépassant les 50 DA le kilo au prix de gros, offert au niveau de la parcelle. Un cours fort intéressant pour se débarrasser de sa production sans attendre la maturité complète. Les premières attaques du redoutable champignon ayant été signalées en diverses zones du bassin maraicher mostaganémois, au lendemain des dernières pluies du début du printemps, un premier avertissement a été lancé, à ce jour, par les services de la protection des végétaux, à l'adresse des “patatiers”. On prodigue conseils et instructions techniques, mais les caprices du climat semblent indomptables. La “ruine” hante les producteurs. Pour échapper au risque d'un nouvel échec, l'agriculture à haute teneur en empirisme offre une alternative : précipiter l'arrachage. Quand le prix y est, la qualité et le rendement relèvent du souci secondaire. Provenant des parcelles les plus précoces ou partiellement touchées par le mildiou, c'est une pomme de terre peleuse, presque à l'état d'albumen, qui est mise depuis quelques jours sur le marché à Mostaganem. En l'absence de structures de régulation et de réels professionnels dans la filière, le marché de la pomme de terre demeure livré aux spéculateurs de tous bords. Ce sont ces spéculateurs qui décideront des quantités à mettre sur le marché. Le consommateur ne pouvant s'en abstenir achètera à tout va. Les services agricoles sont formels, ce n'est pas un problème de production puisque les superficies réservées à la pomme de terre sont suffisantes et en augmentation. Les responsables du commerce sont incapables de mettre un frein à l'anarchie du marché. Les mandataires, officiels ou non, jongleront avec les prix et s'en laveront les mains. Le producteur se lamente de la pénurie des engrais, cause des faibles rendements obtenus, se plaint du déficit pluviométrique, et déplorera les tarifs exorbitants des intrants, et estimera dérisoires les cours auxquels sa production a été cédée aux intermédiaires. Aïn Defla et Mascara n'ont pas encore pris le relais d'inonder le souk. Les prix ne fléchiront vraisemblablement pas de sitôt et les grimaces du consommateur devant l'étal des fruits et légumes ne s'estomperont probablement pas demain.