Le gouvernement algérien vient d'apporter encore une fois des amendements à l'actuelle loi des hydrocarbures en discussion ce mois de janvier 2013 à l'APN. Face aux mutations énergétiques mondiales, les nouveaux amendements de la loi algérienne sur les hydrocarbures permettront-ils de dynamiser le secteur, objet de cette contribution 1.-L'Algérie, une économie rentière Créée le 31 décembre 1963, la Sonatrach a vu ses statuts modifiés à trois reprises par décrets présidentiels, dont le dernier a été pris le 11 février 1998 avec pour souci de mettre en adéquation les statuts de la Sonatrach (sociétés par actions) suite à la création, en avril 1995, du Conseil national de l'énergie. Le chapitre III du décret du 11 février 1998 consacré à «l'organisation et au fonctionnement des organes» la dote de trois organes : l'assemblée générale, le conseil d'administration et l'exécutif. Au niveau des prérogatives, ce n'est plus à Sonatrach d'octroyer les périmètres d'exploitation selon la nouvelle loi sur les hydrocarbures du 28 avril 2005 amendée par l'ordonnance du 29 juillet 2006 mais à une agence dépendante du Ministère de l'Energie Alnaft. En 2O12, Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach 98% d'exportation d'hydrocarbures état brut et semi brut (gaz et pétrole) et important 70-75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15% après 50 années d'indépendance politique. Sonatrach a engrangé selon les bilans financiers de Sonatrach de 2000 à 2012 environ 600 milliards de dollars. Cela a permis d'augmenter les réserves de change clôturées à 200 milliards de dollars fin 2012 dont 86% placées à l'étranger à un taux fixe de 3% pour une part en bons de trésor américains et en obligations européennes. Cette richesse virtuelle alimente la dépense publique devant différencier pour ce cas la part devises et la part dinars(les salaires étant versés en dinars), passée successivement de 55 milliards de dollars en 2004, à 100 milliards de dollars en 2005 puis à 140 milliards de dollars fin 2006 et qui a été clôturée entre 2004/2009 à 200 milliards de dollars, mais faute de bilan on ne sait pas si l'intégralité de ce montant a été dépensé. Quant au programme d'investissements publics 2010/2014, le gouvernement a retenu des engagements financiers de l'ordre de 286 milliards de dollars et concerne le parachèvement des grands projets entamés entre 2004/2009, 130 milliards de dollars (46%) et l'engagement de projets nouveaux pour un montant de 156 milliards de dollars. Il n'existe pas de proportionnalité entre cette importante dépense publique et les impacts économiques, le taux de croissance 2000/2011 n'ayant pas dépassé en moyenne 3% alors qu'il aurait dû être plus de 1O%. Après 50 années d'indépendance politique, l'économie algérienne est une économie totalement rentière, tertiaire (83% du tissu économique commerce petits services selon l'ONS). Plus de 90% du tissu industriel est constitué de PMI/PME organisées sur des structures familiales avec un dépérissement du tissu industriel, moins de 5% dans le PIB. On peut démontrer facilement que le taux de croissance officiel hors hydrocarbures de 5/6% a été permis pour 80% par la dépense publique via les hydrocarbures.
2- Pourquoi des amendements de la loi des hydrocarbures? Comme j'ai eu à le démontrer longuement dans revue de renommée internationale Stratégie-ParisFrance « Agir » parue le 28 septembre 2012 » avec nombreux experts internationaux des deux rives de la méditerranée sur le thème « l'énergie au cœur de la stratégie et de la coopération méditerranéenne et africaine », le constat est que les derniers appels d'offres entre 2008 et 2012 se sont avérés un véritable échec ayant attiré que des compagnies marginales, n'ayant pas de savoir technologique et comptant sur Sonatrach pour supporter la majorité des coûts, les grandes compagnies n'ayant pas soumissionné. Sonatrach depuis des années n'a pas découvert de réserves rentables substantielles tant du pétrole et du gaz importants, car pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement et ayant fait fuir bon nombre de cadres compétents. Et dans ce cadre comment ne pas rappeler que l'élite algérienne est caractérisée par sa marginalisation sociale selon la revue américaine Foreign Policy de juillet 2010. A cet effet, la revue américaine a classé l'Algérie parmi les plus vulnérables au monde avec une note de 8,6, l'Algérie risquant de se retrouver sans son intelligentsia pour construire son avenir. Suite à ce constat, le Conseil des ministres a d'adopté le 17 septembre 2012 des amendements relatifs à l'ordonnance n°06-10 du 29 juillet 2006 modifiant et complétant la loi n°05-07 du 28 avril 2005. Je précise que l'Algérie détient 2,37% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, contre pour le pétrole, 1% selon certaines statistiques de janvier 2011. Selon les statistiques internationales les réserves pétrolières de l'Algérie seront épuisées horizon 2O2O. Pour le gaz naturel, selon les extrapolations de l'organisme de régulation CREG, la consommation intérieure devrait passer de 35 à plus de 50 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2017. Mais ce calcul ayant été fait avant que ne soient décidés suite aux coupures d'électricité en 2012, le doublement des capacités électriques(Une enveloppe de près 2O milliards d'euros pour soutenir le programme d'investissement de la Sonelgaz, visant à installer une capacité électrique supplémentaire de 12.000 MW d'ici à 2016 ) privilégiant les turbines à gaz et des centrales fonctionnant au gasoil dans le Sud, allant donc vers plus de 60/70 milliards de mètres cubes gazeux incompressibles si l'on veut un réel développement. A cela, s'ajoute le volume exportable tant à travers les canalisations que pour le GNL, 85 milliards de mètres cubes gazeux donnant un épuisement horizon 2O3O. Ainsi l'Algérie sera sans pétrole et sans gaz conventionnel au moment où la population sera à 5O millions d'habitants.
3.-Les amendements et la problématique du dualisme fiscal L'énergie étant au cœur de la sécurité nationale cela explique les amendements à la recherche de nouveaux gisements qui ne s'appliquent pas aux gisements actuellement en production, qui restent soumis au régime fiscal en vigueur introduisant le dualisme fiscal, contraire à l'unicité du Droit, dont il conviendra de mesurer l'opérationnalité. Le projet de la nouvelle loi sur les hydrocarbures propose l'augmentation de l'Impôt complémentaire sur le résultat (ICR) pour taxer les super profits réalisés par les groupes étrangers activant dans le domaine minier algérien, un impôt qui va remplacer la Taxe sur les profits exceptionnels (TPE), dont l'application avait été à l'origine de plusieurs contentieux entre le groupe Sonatrach et ses partenaires. Pour la TPE, selon la nouvelle monture, elle continuera à être en vigueur et sera appliquée seulement aux contrats de partage de production, conclus sous l'empire de l'ancienne loi de 86-14 du 19 août 1986. La TPE s'applique à la part revenant à l'associé étranger lorsque la moyenne des prix du pétrole Brent est supérieure 30 dollars. Son taux oscille entre 5% et 50% des gains, selon le type du contrat de partage de production. Le profit net d'un gisement donné est la valeur de sa production annuelle moins les coûts d'exploitation et les montants relatifs au payement de la redevance mensuelle, de TRP et de l'ICR. Rappelons que plusieurs compagnies étrangères avaient procédé à l'arbitrage international réclamant les sommes versées au Trésor public au titre du payement de la TPE, estimant que la loi de 2006 qui a institué cette taxe ne s'appliquait pas à elle car le contrat de partage de production, la liant à Sonatrach est antérieur à celle loi, (une loi étant rarement rétroactive) aboutissant en fin de compte à un règlement à l'amiable avec bon nombre de compagnies. Selon l'article 88 bis, inséré dans ce projet de loi, ces compagnies seront soumises à partir d'un seuil déterminé de bénéfices à un taux d'ICR de 80 % Si ce seuil n'est pas atteint l'ICR appliqué sera de 19%. Concernant justement la fiscalité, doit être posée la problématique des subventions généralisées sans ciblage, qui s'applique à bon nombre d'autres produis. Les subventions autant que les impôts indirects, (le montant des impôts directs étant le signe d'une plus grande citoyenneté) sont injustes, celui qui perçoit 10.000 dinars algériens, achetant au même prix que celui qui perçoit 500.000 dinars par mois. Pour le ministère de l'Energie, le prix réel des carburants devrait fluctuer 60 et 80 DA le litre sans subventions. Pour l'électricité, la tarification, pour les clients résidentiels (ménages) varie entre 2 DA et 3,20 DA/kwh selon le niveau de consommation, alors que ce prix est entre 3,45 DA et 4,94 DA/kwh en Tunisie, et entre 5,27 DA et 6,40 DA/kwh au Maroc. Pour les clients industriels en Algérie, le prix oscille entre 1,48 DA et 2,15 DA/kwh selon le niveau de consommation, en Tunisie entre 2,35 DA 3,54 DA/kwh, et au Maroc entre 4,21 DA et 5,53 DA/kwh. Mais conserver cette politique, en plus des versements de salaires sans contreparties productives au nom d'une paix sociale fictive, coûte de plus en plus cher, tout en décourageant la production locale , alimentant le processus inflationniste artificiellement compressé par les subventions. En effet, l'Algérie est devenue importatrice de produits raffinés dont le gasoil et l'essence sans plomb, sans compter les trafics aux frontières. 4.- Ces amendements seront-ils efficaces ? Le projet de loi attribue à l'entreprise nationale Sonatrach le droit exclusif en matière de transport d'hydrocarbures par canalisations et lui garantit la majorité dans les partenariats, aussi bien dans la production que dans la transformation des hydrocarbures y compris le raffinage et la pétrochimie et maintient la règle des 51-49%. Comme il y a lieu de signaler que le taux de profit dans les canalisations est inférieur de 30% en moyenne par rapport aux grands gisements de l'amont. Sonatrach continuera donc à supporter les surcouts au niveau des canalisations. La taxation des superprofits au-delà de 30 dollars dans l'actuelle loi ne répondait plus à la situation actuelle du marché où le cours dépasse les 90/100 dollars depuis plus de deux années. Dans ce cadre, l'annonce d'un assouplissement fiscal était nécessaire, l'Algérie n'étant pas seule sur le marché mondial face aux importantes mutations énergétiques qui s'annoncent, mais des concurrents qui veulent attirer les compagnies. Et surtout si les prévisions d l'AIE se vérifie les USA devenant exportateur de pétrole et de gaz à parti du schiste , 35% des recettes de Sonatrach provenant des USA et la concurrence du gazoduc russe South Stream de 65 milliards de mètres cubes gazeux vers l'Italie qui concurrencera fortement le gazoduc, fonctionnant actuellement en sous capacité algérien Transmed d'une capacité » de 45 milliards de mètres cubes gazeux , Galsi étant en gestation, sans compter la forte concurrence de l'Iran , du Qatar et des nouveaux exportateurs africains. En effet, reste la contrainte des 49-51% dont l'erreur a été de la codifier dans une loi de finances, mentalité bureaucratique d'une gouvernance dépassée des années 1970. L'Algérie étant un Etat souverain, le Conseil des Ministres pouvait décider pour certains secteurs stratégiques d'appliquer cette règle, et pas pour d'autres secteurs selon le moment et la conjoncture internationale sans être ligoté par une loi qui est par définition contraignante. Si pour l'amont gazier et pétrolier pour les grands gisements la règle des 49/51% peut être applicable, pour les gisements marginaux, cette règle risque de n'attirer que peu d'investisseurs sérieux. Ne serait-il pas souhaitable en dehors des secteurs stratégiques qui sont historiquement datés, un secteur stratégique aujourd'hui peut ne pas le devenir demain, d'avoir d'autres critères plus efficaces: balance devises excédentaire, l'apport technologique et managérial et un partage des risques. Pour le gaz non conventionnel, inscrit dans le projet , les réserves prouvées selon le rapport de l'AIE de 2011 sont de 6500 milliards mètres cubes gazeux ( Le Ministère de l'Energie donnant entre 12.000 et 17.000) qui requiert des techniques de pointe à travers le forage horizontal maîtrisé par quelques firmes. En Algérie, comme je l'ai suggéré dans plusieurs contributions locales et internationales un débat national s'impose du fait des risques de pollution des nappes phréatiques et un arbitrage dans la consommation d'eau douce, un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d'eau douce, et devant forer environ 600 puits moyens pour un milliard de mètres cubes gazeux. Sans compter la durée courte de la vie de ces gisements environ 5 années pouvant récupérer une moyenne de 20/25% contre 85/90% pour les gisements de gaz conventionnel et les confits avec des pays riverains se partageant cette nappe dont le Maroc, la Lybie et la Tunisie. La problématique de la règle 49/51% concerne également l'investissement dans la pétrochimie dont la commercialisation est contrôlée par quelques firmes au niveau mondial. Cette filière nécessite pour sa rentabilité de grandes capacités de production, sans compter que les pays du Golfe ont déjà amorti les installations, l'Algérie partant avec un handicap des coûts d'amortissement élevés et un marché forcément limité. Pour les énergies renouvelables où l'Algérie a d'importantes potentialités, énergie d'avenir, un conseil des ministres en 2O11 a prévu un programme qui vise à produire, à l'horizon 2030, 40% de l'électricité à partir des énergies renouvelables devant se traduire par l'installation de 12.000 mégawatts en solaire et en éolien avec un investissement sur plusieurs années de 60 milliards de dollars. En conclusion, l'axe stratégique est comment passer d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures devant privilégier le couple solaire/gaz afin de réduire les couts. Fondement d'une bonne gouvernance et d'un Etat de droit, il y a urgence à la fois de réactiver le conseil national de l'énergie et d'entamer un large débat national sur la gestion de Sonatrach et le futur modèle de consommation énergétique, un seul département ministériel ne pouvant engager l'avenir du pays