L'immolation par le feu est un phénomène tout nouveau qui a pris des proportions alarmantes inexpliquées dans la wilaya de Chlef où une dizaine de personnes désespérées ont tenté de mettre fin à leurs jours durant l'année en cours. Cet acte sacrificiel et spectaculaire n'est pas pris sérieusement en charge. La wilaya de Chlef a enregistré depuis l'année 2009 une dizaine de tentatives d'immolation par le feu, dont trois personnes sont mortes. Trois jeunes, âgés entre 23 et 25 ans, ont tenté de s'immoler par le feu au niveau du siège de la direction de l'action sociale après que le directeur eut refusé de les recevoir. Les trois jeunes voulaient l'interpeller après avoir été licenciés par le responsable de la Maison des Associations, de leurs postes dont ils avaient bénéficié dans le cadre de l'intégration professionnelle. Pris de colère, ils s'aspergèrent d'essence et y mirent le feu. L'un des jeunes est grièvement blessé ainsi que le directeur de l'action sociale et un directeur d'une maison de jeunes qui se trouvait sur les lieux. « Ce dernier épisode d'immolation est la preuve que ce phénomène est la conséquence du manque flagrant de dialogue entre citoyens et administration. Ces suicidés ne supportaient plus ni leur marginalisation grandissante de la part des pouvoirs publics ni la non-satisfaction de leurs revendications, pourtant licites à leurs yeux. Ces citoyens ne cherchaient pas seulement à se donner la mort pour cause de non-satisfaction ou de refus, car il existe de bien moins douloureuses manières de le faire, mais d'attirer l'attention d'autrui pour qu'on se réveille et on se révolte contre l'injustice régnante. Cette manière de se suicider en dit long sur les causes qui sont souvent : L'injustice et la « Hogra », le chômage, la pauvreté, la crise de logement, la bureaucratie et l'absence de dialogue. La fin du mois de mai 2013, une autre tentative plus spectaculaire, impliquant cinq personnes, a eu lieu dans la daïra d'El Karimia. Agés entre 19 et 34 ans, ils voulaient protester devant le bureau du chef de daïra accusé de les avoir exclus du quota des nouveaux logements destinés à l'éradication de l'habitat précaire. «C'est le sentiment d'humiliation et de « hogra » qui pousse les jeunes à passer à l'acte». Le phénomène est tel que même les handicapés moteurs n'y échappent malheureusement pas. C'est le cas de cet handicapé moteur, natif de la commune de Benairia distante d'une dizaines de kilomètres du chef-lieu de wilaya. Après plusieurs mois d'attente et de requête pour se faire changer sa chaise roulante, ignoré par les responsables de la DAS, il n'a pas trouvé mieux pour se faire entendre et attirer l'attention que de s'asperger d'essence devant le siège de la DAS. Même les élus locaux ont recours à l'immolation, révèle le communiqué. C'est le cas du premier vice-président de l'APC de Oued Fodda. En colère après avoir été exclu d'une session extraordinaire, il fait irruption dans le siège de la commune, muni d'un bidon d'essence dans une main et d'un Coran dans l'autre. « Si ce n'était l'intervention rapide des agents de sécurité, il aurait provoqué un carnage. La salle de réunion a été réduite en cendre. Le problème du logement semble être l'une des causes principales à la propagation du phénomène. Les membres de la section locale de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme lancent un appel aux responsables et élus locaux à ouvrir les portes du dialogue avec la population, surtout les couches les plus défavorisées. Le phénomène qui avait pris de l'ampleur en Algérie avant même le célèbre épisode de Mohammed Bouazizi en Tunisie tend à se banaliser. C'est ce qui inquiète la LADDH de Chlef sur la vie des êtres humains dans la wilaya de Chlef.