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BOURSE D'ALGER : Le ministre des finances entre l'utopie et la réalité économique
Publié dans Réflexion le 18 - 09 - 2015

Créée en 1997, sous le nom de la Société de Gestion de la Bourse des Valeurs Mobilière (SGBV), reste l'une des plus petites places boursières au monde. Combien de promesses n'avons nous pas entendu depuis près de dix huit ans concernant la dynamisation de la bourse d'Alger. L'objet de cette contribution est de poser les véritables problèmes, se poser la question du pourquoi de la léthargie de la bourse d'Alger, devant éviter de vendre des utopies.
1.-Le ministre des Finances Abderrahmane Benkhalfa après nous avoir promis que le capital argent de la sphère informelle serait très prochainement intégré dans la sphère réelle, misant sur les sentiments alors que de par le monde n'existe pas de sentiments dans la pratique des affaires, ( qu'il nous dise à l'opinion publique le montant exact des dépôts sur 50 milliards de dollars que contrôle la sphère informelle, chiffre qu'il a donné lui même avant qu'il ne soit ministre) ) a appelé le 16 septembre 2015 la Société de Gestion de la Bourse des Valeurs (SGBV) à s'allier avec les organisations patronales notamment le Forum des chefs d'entreprises (FCE) pour redynamiser le marché financier et augmenter sa taille et a mis en exergue la nécessité de recourir à la Bourse pour le financement des entreprises notamment les PME dans un contexte marqué par la chute des prix du pétrole, principale source de revenu de l'économie nationale. Or je rappelle au Ministre que déjà son prédécesseur cité par l'agence de presse officielle APS en date du 15 juillet 2012, nous apprenait que les ordres traités par le système de négociation de la Bourse d'Alger ont été étendus à une nouvelle gamme, conformément aux recommandations émises par le comité chargé de la réforme des marchés de capitaux, a-t-on appris samedi auprès de la société de gestion de la bourse des valeurs (SGBV). Il avait également été décidé de diffuser sur le site-web de la Bourse d'Alger un état récapitulatif renseignant sur les conditions (cours, volumes) des ordres boursiers non satisfaits afin de permettre aux investisseurs de mieux apprécier les tendances du marché Parallèlement à ces mesures techniques, des amendements ont été introduits sur le règlement général de la Bourse d'Alger dans le but de réorganiser le marché boursier national par la création de trois compartiments dont un marché principal réservé aux grandes entreprises, un marché dédié aux PME et un troisième marché destiné à la négociation des obligations assimilables du Trésor (OAT). Pourtant ces mesures superficielles ne s'attaquent pas à l'essentiel : pour preuve le marché de la bourse d'Alger est très faible pour ne pas dire nul comparé aux transactions courantes. Quelles sont donc les raisons essentielles de ce blocage devant éviter de confondre l'essentiel et l'accessoire, les mesures techniques devant s'insérer, pour une efficacité réelle dans le cadre global d'une stratégie clairement définie. La léthargie de la bourse d'Alger renvoie à la politique socio-économique dans sa dynamique historique elle-même liée au mode de gouvernance, en fait à la panne de la réforme globale. L'Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie administrée, ni économie de marché, ce qui ne saurait signifier économie spéculative marchande mais économie fondée sur la production y compris les services qui ont un caractère de plus en plus marchand. Nous rappelons que l'Algérie est observatrice au niveau de l'organisation mondiale du commerce depuis juin 1987, et la majorité des pays fondateurs du communisme sont membres de l'OMC dont le dernier en date est l'adhésion de la Russie et également la majorité des pays de l'OPEP. L'économie algérienne est une économie rentière exportant 98% d'hydrocarbures à l'état brut ou semi brut et important 70/75% des besoins des entreprises (dont le taux d'intégration, privé et public ne dépasse pas 15%) et des ménages. Cela s'appelle le syndrome hollandais. L'obstacle principal est un environnement des affaires bureaucratisé expliquant le peu d'entreprises productives et donc cette léthargie. Que l'on se réfère à tous les rapports internationaux, donnant des résultats mitigés, entre 2007/2015 sur le climat des affaires en Algérie où le pouvoir bureaucratique décourage les véritables investisseurs. Ces rapports montrent clairement un déphasage entre le discours officiel algérien et la réalité. L'Algérie a un cadre macro-économique stabilisé artificiellement par la rente des hydrocarbures. Elle n'arrive pas à dynamiser la sphère réelle, 83%du tissu économique étant représenté par le commerce et les services de très faibles dimensions, le taux de croissance officiel hors hydrocarbures étant artificiel, 80% du PIB via la dépense publique l'étant grâce aux hydrocarbures. Force est de constater que selon les données officielles, que plus de 90% des entreprises privées algériennes sont de types familiaux sans aucun management stratégique, et que 85% d'entreprises publiques et privées ne maîtrisent pas les nouvelles technologies d'information. La majorité des segments privés et publics vivent grâce aux marchés publics octroyés par l'Etat. Par ailleurs l'économie est dominée par la sphère informelle notamment marchande elle même liée à la logique rentière qui emploie plus de 50% de la population active selon l'ONS, et contrôle 40%de la masse monétaire en circulation, avec une intermédiation financière informelle mais à des taux de prêts d'usure. Cela limite forcément le marché financier algérien. Le nombre de sociétés cotées à la bourse d'Alger et les volumes de transactions observés sont réellement insuffisants. Les opérateurs privés susceptibles de se lancer dans cette activité ne pourront le faire que lorsque le nombre de sociétés et le volume traité seront suffisants pour seulement couvrir leurs frais. Les interviews récents 2015 des responsables de la société privée Rouiba et la société privée Alliance Assurances disent ouvertement qu'ils ont fait une erreur en allant à la bourse d'Alger. L'opacité et la faiblesse des managements stratégiques liés à la faiblesse de la gouvernance globale ne militent donc pas pour l'instant pour une dynamisation de la bourse d'Alger. En l'état actuel de leurs comptes très peu d'entreprises seraient selon les standards internationaux éligibles à une introduction en bourse ne sachant pas exactement l'évaluation de leurs actifs selon les normes du marché. Pour preuve, deux grandes entreprises publiques Sonatrach et Sonelgaz et des grandes entreprises privées comme CEVITAL qui ont des capacités managériales indéniables, ne sont pas cotées en bourse. Aussi, il ne faut pas chercher cette défaillance dans l'appareil technique et réglementaire (Cosob SGVB Algerie Clearing) qui pour son efficacité doit s'inscrire au sein d''une vision stratégique claire du développement indissociable des nouvelles mutations mondiales. Il existe la difficulté de trouver au sein du portefeuille des entreprises privées et publiques présentant une qualité de l'information financière fiable et solide.. Aussi, ce n'est pas aujourd'hui des questions d'ordre techniques qui freinent le développement du marché. Se pose également la question : pourquoi l'Algérie n'ouvre pas le capital des entreprises publiques ? Est-ce par peur de la transparence des comptes ? Il se trouve que les comptes des entreprises publiques algériennes de la plus importante à la plus simple sont dans un état qui ne passerait pas la diligence des audits les plus élémentaires. Sonatrach a besoin d'un nouveau management stratégique à l'instar de la majorité des entreprises algériennes, avec des comptes clairs afin de déterminer les couts par sections. L'opacité de la gestion de Sonatrach qui se limite à livrer des comptes globaux consolidés voile l'essentiel. Car, il s'agit de distinguer si le surplus engrangé par Sonatrach est dû essentiellement à des facteurs exogènes, donc à l'évolution du prix au niveau international ou à une bonne gestion interne.
2.-Comment dynamiser la Bourse d'Alger ? Il s ‘agit d'éviter des solutions utopiques à des problèmes mal posés. Avec un tissu productif en déclin, bien qu'existent certains entrepreneurs privés dynamiques mais le nombre étant très limité, la majorité vivant du transfert via la dépense publique, conséquence de la non maitrise technologique et managériale, je recense cinq axes directeurs pour dynamiser la bourse d'Alger.
Premièrement, la levée des contraintes d'environnement dont les entraves de la bureaucratie impliquant la refonte de l'Etat dans de nouvelles missions devient urgente. Il ne peut y avoir de bourse sans la concurrence, évitant les instabilités juridiques et donc un Etat de droit. Cela n'est pas facile comme le démontre d'ailleurs les scandales financiers au niveau mondial supposant de la transparence. Il faut être réaliste, Monsieur le Ministre, le secteur industriel représente moins de 5% du produit intérieur brut avec comme rappelé souvent par l'ensemble des experts plus de 95% d'entreprises non concurrentielles qui ne se créent par décrets, et plus de 70% des PMI/PME en découvert vis-à-vis des banques. Une nouvelle gouvernance et une réorientation de la politique économique globale s'impose pour dynamiser le tissu productif en atténuant toutes les contraintes à l'épanouissement des énergies créatrices. La dynamisation de la bourse veut que la dominance de l'économie soit le fait d'entreprises créatrices de richesses et que les transactions privées soient dominantes soit par la cession d'actifs existants ou par l'émergence d'entreprises privées nouvelles dynamiques locales ou internationales. Ce n‘est pas le cas, puisque existe une baisse de l'investissement productif. Les investissements directs étrangers productifs hors rente sont également en baisse, les étrangers voulant voir clair sinon ils iront dans les segments à rentabilité immédiate dont le commerce étant surs d'être payé grâce aux réserves de change.
Deuxièmement, une bourse doit se fonder sur un système bancaire rénové et j'insisterai sur ce facteur fondamental car le système financier algérien depuis des décennies est le lieu par excellence de la distribution de la rente des hydrocarbures et donc un enjeu énorme du pouvoir. La dynamisation de la bourse passe forcément par la refonte du système financier algérien qui porte en lui la substance de l'enjeu du fait qu'il cadre parfaitement la politique économique développée jusqu'à présent et son corollaire les sources et les modalités de son financement. En effet, malgré le nombre d'opérateurs privés, nous avons une économie de nature publique avec une gestion administrée. La totalité des activités quelques soient leur nature se nourrissent de flux budgétaires c'est à dire que l'essence même du financement lié à la capacité réelle ou supposée du trésor. On peut considérer que les conduits d'irrigation, les banques commerciales et d'investissement en Algérie opèrent non plus à partir d'une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la banque d'Algérie pour les entreprises publiques qui sont ensuite refinancées par le trésor public sous la forme d'assainissement : rachat des engagements financiers des EPE auprès de la banque d'Algérie : plus de 70 milliards de dollars entre 1971/2015 sans compter les coûts de la restructuration entre 1980/1990 alors que plus de 70% de ces entreprises sont revenues à la case de départ montrant que ce n'est pas une question de capital argent. La richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Puisque cette transformation n'est plus dans le champ de l'entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (répartition de la rente des hydrocarbures), dans cette relation, le système financier algérien est passif. L'analyse du système bancaire algérien dominé à plus de 85% par les banques publiques, montre clairement la difficulté de transformer le capital argent en capital productif, montrant que le blocage est d'ordre systémique, et l'urgence d'une nouvelle gouvernance tant centrale que locale qui permettrait un meilleur management stratégique des entreprises qui se porteraient alors en bourse.
Troisièmement, il ne peut y avoir de bourse sans la résolution de titres de propriété qui doivent circuler librement segmentés en actions ou obligations renvoyant d‘ailleurs à l'urgence de l'intégration de la sphère informelle, produit des dysfonctionnements des appareils de l'Etat et de la bureaucratie étouffante, par la délivrance de titres de propriété.
Quatrièmement, il ne peut y avoir de bourse sans des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales par la généralisation des audits et de la comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de couts pour les actionnaires. Cela pose la problématique de l'adaptation du système socio-éducatif, n'existant pas d'engeerening financier. Or l'exode des compétences devient inquiétant sachant que le poste services au niveau de la balance des paiements ayant dépassé 11 milliards de dollars entre 2011/2014 qui s'ajoute aux 'importations de biens, total biens et services plus de 71 milliards de dollars en 2014. L'on pourrait faire appel aux compétences algériennes à l'étranger et elles sont nombreuses.
Cinquièmement, transitoirement comme amorce, nous proposons une privatisation partielle de quelques champions nationaux pour amorcer le mouvement et la création de fonds de private P/P pour sélectionner quelques entreprises privées en vue de leur introduction ultérieure en bourse. On pourrait mettre en bourse : 10% de Sonatrach ; 10 à 15% de BEA ; 10% de Sonatrach ; 15% de Cosider et 15% de CPA. Cela permettrait de constituer un indice boursier consistant en volume et en qualité amorçant le cercle vertueux et attirer des opérateurs privés. Ces fonds agiraient comme incubateurs de sociétés éligibles à la Bourse. Dans ce cadre, une aide au développement des acteurs privés du secteur de l'investissement (Conseillers IOB, gestionnaires d'actifs) est nécessaire. Car l'emprunt obligataire que veut par exemple faire SONELGAZ, comme le passé, sera essentiellement alimenté par les banques publiques via toujours la rente des hydrocarbures, déplaçant le problème du financement de Sonelgaz dont le prix de l'électricité est plafonné depuis 2005, posant la problématique des subventions généralisées et non ciblées destinées aux plus démunis.
En conclusion, l'expérience algérienne a montré que plus les cours des hydrocarbures augmentent, plus paradoxalement les réformes sont freinées alors que cette manne d'argent peut permettre les ajustements sociaux nécessaires et qui sont douloureux à court terme pour réaliser cette mutation systémique. C'est dans ce contexte que l'Algérie peut profiter de la crise actuelle pour entamer de véritables réformes structurelles, ayant une dette extérieure faible et des réserves de change bien qu'en baisse appréciable, devant éviter de se focaliser uniquement sur la rente et développer LES LIBERTES au sens large. La dynamisation de la bourse ‘Alger ne sera pas possible, devant éviter de vendre des utopies, tant que les véritables réformes, défis de l'Algérie entre 2016/2020 n'auront pas eu lieu, si elle ne veut pas retourner au FMI horizon 2018. Cela dépasse les mesures techniques secondaires que propose le Ministre des finances.


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