C'est une longue lettre adressée « à messieurs les enquêteurs du DRS » et publiée par El Watan écrite par un ex-vice président de Sonatrach, Hocine Malti. C'est une missive qui se veut une contribution citoyenne à l'opération anti-corruption menée en ce moment par la justice algérienne. Car pour Hocine Malti, les enquêteurs ont « tapé un peu à côté de la plaque ». D'abord, il dénonce ou interroge les résultats actuels de l'enquête menée par le DRS au sein de la Sonatrach et qui a abouti à l'implication de hauts cadres de l'entreprise, dont son PDG Mohamed Meziane. Certes l'ex vice-président se félicite « des bons résultats ». Cependant, il estime que les malversations mise à jour ne concernent que des « marchés d'importance secondaire », qui se chiffrent au mieux à quelques centaines de milliers de dollars, une paille ramené au montant global généré chaque année par Sonatrach. « Vous avez été, comme qui dirait, bridés ou alors vous vous êtes à dessein confinés dans l'investigation des petits marchés, comme si la corruption ne concernait que les petits contrats. On a l'impression que vous n'avez pas su chercher ou que l'on ne vous a pas laissés aller au-delà d'un certain niveau », regrette M. Malti. Dans le même genre, il remarque que les personnes impliquées ne sont que des « seconds couteaux » qui ont agi « à la demande et pour le compte de certains puissants du régime ». Et en citant les précédents des affaires Khalifa ou BRC il conclut: « tout se passe comme si on vous avait demandé de ne pas porter vos investigations vers la partie immergée de l'iceberg. Ce qui me gêne c'est de constater, encore une fois, que les très hauts responsables politiques et militaires algériens semblent être immunisés contre toute tentative de corruption (...) comme si la corruption s'arrêtait au dernier étage de la technocratie ».Mais surtout, Hocine Malti suggère aux enquêteurs de s'intéresser à certains contrats passés et marché attribués par Sonatrach et qui pourraient déboucher sur la découverte de « malversations autrement plus importantes ». Tout d'abord, il remarque que la compagnie a peu recours aux ventes spot pour écouler son pétrole. Au contraire, « l'essentiel de ses ventes se fait à destination de quatre ou cinq clients seulement (…) derrière chacun desquels se trouve un membre du sérail, que ces barons ont leurs hommes de paille à Alger, mais aussi des correspondants auprès des bureaux de Londres ou de Houston de Sonatrach ».L'ex vice-président pointe également du doigt le projet Gassi Touil, initialement prévu avec les espagnols de Repsol et Gas Natural. Un contrat annulé par Sonatrach et divisé en deux parts attribuées l'une à l'italien Saipem et l'autre au Japonais Japan Gazoline. La presse a relevé que le premier « revenait un peu trop souvent dans les projets de Sonatrach », note Malti. Sur ce projet, ce changement de stratégie va coûter 72% plus cher à Sonatrach et être achevé deux ans plus tard que prévu dans le premier contrat.Et Hocine Malti pointe d'autres groupes étrangers qui cumulent les marchés octroyés par Sonatrach, s'interrogeant sur les raisons de ce favoritisme. Il cite notamment le canadien SNC Lavalin sur le projet El Maerk (hub pétrolier) et l'égyptien Orascom sur le projet de construction à Arzew d'une usine de production d'amoniac et d'urée, tous deux « monsieur j'sais tout », présents dans plusieurs secteurs d'activité en Algérie et à obtenant quasi à chaque fois les meilleurs marchés, dénonce l'auteur. « Ce sont là quelques-uns des dossiers sur lesquels vous devriez vous pencher, conseille Malti. (…) Je suis certain que vous parviendrez à des résultats qui dépassent de très loin les dizaines ou centaines de milliers de dollars de commissions que vous avez découvertes », conclut-il. Une question subsiste: la justice et les enquêteurs vont-ils suivre les pistes lancées par un ancien haut responsable de Sonatrach?