Le bras de fer engagé entre le Front syndical des différents secteurs économiques et le Gouvernement, sur la Réforme de la retraite, le pouvoir d'achat et l'Avant Projet du Code du Travail, doit se justifier d'un côté par des argumentaires et de l'autre par des luttes sociales menées sur le terrain. Cette divergence des points de vue entre les deux parties à propos des revendications soulevées, n'a pas remis en cause certaines questions fondamentales avancées par le camp adverse. Et c'est grâce au débat, faute de consensus, qu'on peut dépasser partiellement les désaccords, et c'est aussi le but de cette Réflexion qui accompagnera l'Appel à la Mobilisation no 2 du CLA pour l'année 2016. 1/ Concernant la Réforme de la Retraite. Elle consiste à supprimer la Retraite anticipée et celle après 32 ans de service sans limites d'âge, prétendant pour cela la crise financière que vit la CNR et aussi pour d'autres motifs : -Le rapport entre cotisants/ Retraités. -Le vieillissement de la population. -Les équilibres financiers de la CNR. Avant d'examiner la contradiction de l'argumentaire avancé par le Gouvernement, il y a lieu de rappeler que fixer l'âge de l'admission à la retraite se fait sur la base des critères suivants : -Réduction des capacités physiques et mentales des travailleurs. -Compensation des services rendus à la société, une fois arrivé à un certain âge. -Le problème de la démographie et de l'emploi. -Conséquences des contributions au financement du Système de retraites. -Aspirations de progrès social ou des impératifs économiques. L'argumentaire donné par le Gouvernement est en parfaite contradiction avec les principes de la fixation de l'âge de départ à la retraite et de la réalité socio-économique de l'Algérie. Développement des points cités ci-dessus : A/ Le rapport cotisant/Retraité. Même si dans la réalité il n'y a aucune norme mondiale qui définit ce ratio, néanmoins chaque pays a sa propre politique en la matière. On considère que ce ratio de 5 cotisants contre 1 retraité est la seule solution pour faire face au déséquilibre financier de la CNR comme avancé par la majorité des intervenants sur la question. Selon les statistiques publiées par l'ONS en 2015, on apprend que sur une population active de 11. 700.000, il y a 1.200.000 de chômeurs et 10.500.000 en activité (salariés et fonction libérale) contre approximativement 2.000.000 de retraités. Le ratio est de 10500.000/ 2.000.000 = 5,25 cotisants pour un retraité. Uniquement il faut voir parmi les 10500000 qui ne paie pas les cotisations. Le gouvernement doit voir dans les poches de cela et non dans les poches de ceux qu'ils le font déjà. b/ Le vieillissement de la population. Le discours officiel estime l'espérance de vie d'un Algérien à 77 ans mais ce n'est pas un prétexte pour relever l'âge de départ à la retraite comme c'est le cas dans les pays d'Europe et cela pour trois bonnes raisons qui sont : -Cet indice est pris isolément de la structure démographique de l'Algérie. -Dans la réalité, cet indice est calculé par le ratio : le nombre de personnes âgées/Population totale(en 2015 ce ratio était de 8,7% en Algérie contre 25% dans les pays d'Europe). - L'indice de soutien démographique calculé par le ratio : Nombre de personnes en âge de la retraite/Nombre de personnes en âge actif(en 2015 ce ration était de 10,2% en Algérie contre 28% dans les pays d'Europe). Ces ratios confirment qu'il n'y a pas lieu de comparer entre l'Algérie et les pays d'Europe. Surtout que le taux de fécondité est reparti à la hausse en Algérie et a atteint 3,1% en 2015 contre moins de 2% dans les pays d'Europe. C'est pour cela qu'il faut baisser l'âge du départ à la retraite. Il ne s'agit pas de faire travailler plus une partie d'Algériens mais de faire travailler tous les Algériens ! c/ Le déséquilibre financier de la CNR : il faut savoir qu'il y a trois caisses de retraite en Algérie : -La Caisse de retraite des Hauts Fonctionnaires : Elle est destinée à financer leur retraite calculée à 100% après seulement 15 ans de service sur la base de la moyenne du salaire de la dernière année de service. Cette Caisse est financée par le Trésor public, les hauts fonctionnaires peuvent exercer le métier de conseillers après la retraite avec un salaire considérable. Leur moyenne d'âge est de 83 ans. -La Caisse de retraite des Militaires : Elle est destinée à financer les pensions des militaires-retraités calculées à 100% après 25 ans de service sur la base de la moyenne du salaire de la dernière année de service. Cette Caisse est financée par les militaires en activité, les militaires-retraités peuvent exercer un autre métier et leur moyenne d'âge n'est pas connue. - La Caisse des Travailleurs : Elle est destinée à financer la retraite des travailleurs, l'assurance-chômage et les ayant- droit, leur retraite est calculée à 80% après 32 ans de service et à l'âge de 60 ans. Autrement dit c'est 2,5% par le nombre d'années de cotisations et sur la base de la moyenne des salaires des 5 dernières années. Les travailleurs-retraités n'ont plus le droit d'exercer un autre métier, leur moyenne d'âge est de 67 ans. Nous remarquons d'un côté, une discrimination entre les trois Caisses de Retraite au niveau du taux et du mode de calcul et de l'autre, ceux qui cotisent moins, vivent plus ! LE DISCOURS ALARMISTE du Gouvernement à propos de la crise financière de la CNR ne concerne que la Caisse des Travailleurs. Selon Nordine Bouderba, expert en la matière et lors de la conférence animée lors de la journée d'étude organisée par les Syndicats Autonomes des Différents Secteurs, le 30/07/2016, nous a communiqué les chiffres suivants : LA MASSE SALARIALE EN 2015 : 4670 milliards de DA. Les recettes potentielles des caisses de retraites : 1650 milliards de DA et la part de la CNR est de 850 milliards de DA. Le montant des retraites servies en 2015 : 625 milliards de dinars. Selon la presse, le déficit prévu par la CNR pour l'année 2016 est de l'ordre de 217 milliards de DA. S'appuyant sur d'autres chiffres concernant les départs à la retraite sous ses diverses formules et comparés aux données de la période allant de 1997 à 2001, monsieur Nordine Bouderba conclut que : Le déséquilibre du système de la retraite n'est ni structurel ni lié à l'âge de départ à la retraite ni au niveau des pensions mais les causes réelles de ce déséquilibre sont les suivantes : -Manque d'emploi et le poids prédominant de l'emploi informel et l'évasion fiscale. -Importantes exonérations et abattements accordés aux entreprises qui viennent se greffer aux sous déclarations des salariés. -Le non recouvrement d'une partie des cotisations qui est de l'ordre de 251 milliards de DA des créances de la Caisse de Sécurité Sociale au 31/12/2015. -L'imputation aux caisses de la sécurité sociale certaines dépenses de solidarité nationale. -L'inexploitation de tout le potentiel des ressources fiscales additionnelles existant déjà. En conclusion, la Réforme envisagée par l'Etat n'a pour objectif que de remettre en cause un des plus grands acquis sociaux des travailleurs algériens et par là même préserver les droits de ceux qui ont de l'argent au lieu de les obliger à payer leurs cotisations. 2/ Concernant la nouvelle loi de finance et le pouvoir d'achat. La loi de finance est actuellement en débat à l'APN et vient encore « creuser des inégalités » entre les Algériens et réduire leur pouvoir d'achat ce qui augmentera la pauvreté et la misère des couches sociales défavorisées. Rappelons-nous la loi de finance votée en 2016 et qui ne favorisait que le Patronat, la loi de finance 2017 sera une continuité de celle de 2016.Pour faire taire les travailleurs, on leur présentera des arguments tels que : Encourager l'investissement et lutter contre la corruption et le gaspillage. En fait le Gouvernement propose aux travailleurs plus de sacrifices et aux patrons et aux riches plus de gain d'argent et de facilités par cette nouvelle loi de finance. a/ Le contenu de la nouvelle loi de finance : Elle a été élaborée sur la base d'un prix de référence de 50 dollars le baril de pétrole et inscrite dans une démarche de stratégie financière sur une durée de 3 à 5 années, pour éliminer progressivement le déficit budgétaire de nos finances publiques et qui représentent en 2016 un peu plus de 16% du produit intérieur brut(PIB). Pour atteindre ses objectifs, le Gouvernement procèdera aux opérations suivantes : -L'augmentation des recettes par l'augmentation de diverses taxes, le taux de la TVA, les tic, les timbres fiscaux et l'élargissement de l'IRG. Mais l'objectif du Gouvernement ne sera pas atteint pour la simple raison économique, que lorsqu'on augmente les taxes, c'est pour dissuader le consommateur à ne pas acheter des produits tels que le tabac et non pour augmenter le volume des ventes. Et lorsqu'il y a pression fiscale, une grande partie des commerçants s'orienteront vers le marché informel. -La réduction des dépenses par la diminution des charges de fonctionnement, constitué en majorité par les salaires (Le Gouvernement procèdera t-il à la réduction de la masse salariale ? Et quelles méthodes utilisera t-il ?) et la diminution du budget d'équipements ce qui est en contradiction avec sa politique d'encouragement de l'investissement et de la création de l'emploi. Le contenu de cette nouvelle loi de finance n'a pas pour objectif de réduire le déficit budgétaire ou d'être indépendants en ce qui concerne la rente pétrolière. Au contraire c'est pour préparer un terrain propice pour le bradage du foncier algérien ainsi que l'élargissement de l'économie informelle. b/ L'impact de la loi de finance sur le pouvoir d'achat : Lorsqu'on augmente le taux de la TVA de 2%, tous les prix des produits augmenteront automatiquement. En parallèle les salaires stagneront et les recrutements sont déjà gelés ce qui engendrera une diminution du pouvoir d'achat de tous les travailleurs, de plus de 20% en 2017. Sachant qu'il a déjà diminué de 20% en 2016 et cette tendance continuera jusqu'en 2019. Le coût de la vie est calculé pour une famille de 5 membres c'est-à-dire un couple et leurs trois enfants. Le tableau qui indique que notre salaire qui couvrait en 2015 uniquement 41.47% de nos besoins diminuera à 35, 87% puis à 28.89% pour 2016 et 2017. Et il ne sera que de 25.67% en 2018 et 2019. CONCLUSION. L'alarmisme du Gouvernement algérien par rapport à la crise financière engendrée par la chute du prix du pétrole a certainement un impact négatif sur le pays. Mais la politique mise en place pour affronter cette crise ne répond pas aux besoins de la classe ouvrière mais plutôt aux besoins de ceux qui sont dans une autre sphère.