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"Le montant du soutien aux prix est 7,73% fois moins important que le montant des surfacturations des importations" Noureddine Bouderba, expert en relations de travail, à "Liberté"
Rencontré en marge de la conférence sur le droit du travail organisée, récemment, à Boumerdès, Noureddine Bouderba, expert en relations de travail, revient sur le chaud dossier de la retraite. Il a tenu d'emblée à déplorer le black-out imposé par les responsables des caisses sociales, notamment la CNR, sur son évolution financière. "Le problème est que les retraités et les Algériens en général ne sont pas informés sur la santé financière de la CNR ni sur son évolution, ce qui est malheureux c'est qu'aucun bilan, aucun chiffre et aucun budget n'est communiqué aux retraités et aux cotisants, ce qui est contraire au décret 92/07 qui souligne la nécessité d'informer les cotisants sur la santé de leur caisse." Et d'enchaîner sur le projet de la révision de l'ordonnance sur la retraite en affirmant que "la décision de supprimer la retraite avant 60 ans va pénaliser surtout ceux qui ont commencé à travailler très tôt", dira-t-il, précisant qu'un travailleur ayant entamé sa carrière à 16 ans sera obligé de travailler durant 44 ans avant de pouvoir partir à la retraite. "Et comme il a commencé à travailler tôt, cela veut dire qu'il n'a pas eu la chance de poursuivre ses études, sa carrière sera donc une somme d'emplois d'exécution dans la plupart des cas et pour ceux qui expliquent que l'espérance de vie en Algérie est de 77 ans et nous invitent à faire comme les Européens qui ont augmenté l'âge de départ à la retraite, ils omettent de nous préciser que l'espérance de vie chez eux n'est pas de 77 ans, mais dépasse les 85 ans." Selon lui, les bénéficiaires de la retraite sans condition d'âge, au 31/12/2015, étaient au nombre de 86 300 contre 84 000 en 2014 et 73 000 en 2011. "Non seulement ils ne représentent que 5,49% du total des retraités de droit direct mais cette proportion est en train de diminuer à un rythme accéléré (5,72% en 2014 et 6,33% en 2011) ce qui veut dire que cette proportion va s'éteindre d'elle-même d'ici à quelques années. Cette conclusion est corroborée par l'âge moyen des départs pour cette retraite qui est passé de 55,25 ans en 2010 à 57 ans en 2015 et qui se rapproche progressivement de l'âge légal, soit 60 ans", dira-t-il. Sur les équilibres financiers de la CNR, il dira que le "déséquilibre" déclaré ou supposé n'est pas d'ordre structurel mais résulte du laisser-aller de l'Etat dans la collecte des cotisations et des exonérations multiples accordées aux entrepreneurs. Le manque à gagner pour les caisses de Sécurité sociale se chiffre en milliards de dinars. "Si l'Etat a une réelle volonté de lutter contre l'évasion fiscale et le travail informel en vue de mobiliser les ressources, la CNR ne serait pas dans une telle situation", précise-t-il tout en s'interrogeant sur l'attitude "des forces de l'argent et leurs experts attitrés" qui, selon lui, sont, en partie, responsables des évasions fiscales et sociales et continuent d'innover dans les solutions qui leur éviteraient de mettre la main à la poche pour payer ce qui leur est légalement dû ou d'augmenter les cotisations sociales, souligne-t-il. L'Etat n'a pas la volonté de lutter contre l'évasion fiscale L'expert affirme qu'il existe en Algérie 7,6 millions de salariés, selon l'ONS et 5,1 millions de cotisants, selon les chiffres de la Cnas pour 1,7 million de retraités de droit direct sans compter les pensions de réversion. "Cela donne un ratio de 3/1, qui devrait égaler 4,4/1, si les 7,6 millions de salariés cotisaient réellement", précise-t-il. En se référant à l'ONS, il indique qu'en 2015, la masse salariale nationale avoisinait les 4 670 milliards de dinars et les recettes potentielles des caisses de la Sécurité sociale sont de l'ordre de 1 650 milliards de dinars, dont 850 milliards de dinars revenant à la CNR. "Ces chiffres nous donnent un aperçu sur l'ampleur de l'évasion, qui a atteint au bas mot 400 milliards de dinars pour la seule année 2015", renchérit-il. Et il ajoute que les recettes potentielles de 850 milliards de dinars de la CNR auraient pu largement couvrir les 625 mds de dinars, montant des pensions versées en 2015 et dont 15 à 20% sont supportés par la solidarité nationale (complément des pensions de moudjahidine, complément de petites pensions, revalorisation à la charge de l'Etat, etc.). Pour améliorer la situation financière des caisses, Bouderba rappelle une ancienne proposition du Cnes, du temps de feu Pr Mentouri, sur la formalisation du budget de la nation qui sera une consolidation du budget de la Sécurité sociale d'un côté et du budget social de l'Etat de l'autre. L'expert préconise, dans ce sillage, d'imputer à l'Etat toutes les dépenses de solidarité nationale et des prestations qui ne découlent pas du système contributif et de mettre fin au financement par la Cnac de l'emploi. Il suggère également de mettre fin au paiement par l'Etat des allocations familiales à la place des employeurs et d'affecter les 40 mds de dinars à la CNR et de remplacer les dépenses de santé de la Sécurité sociale consacrées au forfait hôpitaux. Sur les transferts sociaux et les subventions ciblées, il n'est pas d'avis qu'ils puissent lutter contre la pauvreté et les inégalités. "En valeur absolue, le montant du soutien aux prix est 7,73% fois moins important que le montant des surfacturations des importations calculé sur la base des déclarations du ministre du Commerce, qui a parlé de 68 milliards de dollars d'importations, et 4 fois moins le montant des dépenses fiscales de l'année 2013, représentées par les différentes exonérations et autres avantages fiscaux accordés aux privés", précise-t-il en citant les aides aux retraites, le logement, les bourses des étudiants... "Ces subventions sont toutes ciblées car elles sont soumises à des conditions de ressources, elles sont donc, généralement, attribuées sur la base du salaire. On donne à un étudiant une bourse en fonction du salaire de ses parents, le logement est, lui aussi, modulé en fonction du salaire, c'est valable pour de nombreuses catégories sociales, tout est calculé sur la base des ressources", dit-il. M. T.