L'idée qu'il serait possible de guérir de l'autisme a longtemps été rejetée par les médecins. Mais en 2013, deux études effectuées aux Etats-Unis ont montré que chez une minorité d'enfants, les symptômes pouvaient presque complètement disparaître. Le magazine du New York Times s'est penché sur ces cas dans un article intitulé «Ces enfants qui ont vaincu l'autisme». La journaliste y interviewe plusieurs enfants suivis dans ces études, dont B. ,un garçon qui avait complètement cesser de communiquer de un a trois ans (pas de contact oculaire, très peu de mots, cognements de la tête), mais qui s'est débarrassé de tous ces symptômes après plusieurs années de thérapie comportementale. A 12 ans, ses parents lui ont révélé qu'il avait été autiste, et il a été choqué de l'apprendre. Souvent, les médecins considéraient que ces cas de «guérison» correspondaient à de mauvais diagnostics, des enfants qui n'avaient en fait jamais été autistes. Ce n'est pas le cas: il y a bien une forme de guérison chez certains patients. En janvier 2013, une étude de l'University of Connecticut a examiné 34 jeunes (y compris B.) qui avaient reçu un diagnostic d'autisme et avaient par la suite fait des progrès exceptionnels. Les chercheurs ont confirmé que leurs comportements ne correspondaient plus aux critères du spectre des troubles autistiques. En mai de la même année a été publiée une étude de Weill Cornell Medical College qui avait suivi 85 enfants pendant vingt ans depuis leur diagnostic d'autisme à deux ans. Au total, 9% des jeunes examinés n'avaient quasiment plus aucun symptôme. Geraldine Dawson, une chercheuse en psychologie à l'université de Duke, résume la portée de ces études: «Ceux d'entre nous qui travaillent aux côtés d'enfants autistes connaissaient déjà l'existence d'un petit groupe d'enfants qui commencent par être autistes et éliminent ensuite complètement leurs symptômes. Pourtant, leur existence était constamment remise en question. Ce travail montre de manière rigoureuse et systématique que ces enfants existent bien.» Le problème est que ce phénomène est rare et encore difficile à expliquer. «Cela fait quarante ans que j'étudie les enfants autistes, mais il m'est encore impossible de prévoir qui va faire des progrès et qui va stagner», explique la chercheuse Deborah Fein, de l'University of Connecticut. Lorsque B. suivait sa thérapie comportementale et apprenait à communiquer, un autre petit garçon qui avait reçu exactement les mêmes traitements n'a quasiment fait aucun progrès. Il y a tout de même certains facteurs favorables à un développement positif. La plupart des autistes qui ont éliminé leurs symptômes avaient un QI de plus de 70, et l'implication des parents est aussi considérée comme cruciale. Quant à l'efficacité des thérapies comportementales, elle n'est pas garantie, comme l'explique la journaliste du New York Times magazine: «De nombreuses études montrent que des thérapies comportementales intensives mises en place assez tôt peuvent significativement réduire les symptômes d'autisme. Mais la plupart des enfants qui sont traités avec ces thérapies demeurent autistes. Et d'autres, qui n'ont pas reçu ce type d'intervention, cessent d'être autistes.» Lorsque les symptômes ont quasiment disparu, les parents expliquent que plus personne ne les croit quand ils disent que leur enfant était autiste. Les médecins considèrent toujours qu'il s'agissait de faux diagnostic. Pour les familles, ces réactions sont frustrantes car elles nient tous les efforts fournis avec leur enfant, les années passées à apprendre à parler et à interagir avec les autres. «J'ai guéri seule mon fils de l'autisme» Par un travail acharné, une mère, Barbara Donville, a réussi l'impossible : entrer dans la forteresse close de Julien, son fils autiste, et le ramener dans notre monde. Depuis, Barbara est devenue psychologue, elle a élaboré une méthode personnelle à destination des parents d'autistes qu'elle livre dans « Vaincre l'autisme », qui vient d'être publié aux Editions Odile Jacob. Julien, 16 ans aujourd'hui, s'apprête à passer son bac à la fin de l'année...« Je ne prétends pas que tous les enfants peuvent guérir de l'autisme, comme mon fils », souligne Barbara. «En dix ans, seuls deux autres de mes jeunes patients y sont parvenus. Mais ils peuvent progresser, le rôle des parents est essentiel. » Sa méthode, expérimentale, est observée de près par les médecins, et recueille l'approbation parmi les plus réputés : « Je trouve ce travail très intéressant», commente Bernard Golse, chef du service de pédopsychiatrie à l'hôpital Necker, l'un des meilleurs spécialistes français de l'autisme. En dehors du film « Rain Man », Barbara Donville ne connaissait. rien à l'autisme lorsque son petit Julien est né en 1990. « Il ne me regardait jamais, il ne pointait pas les objets du doigt... », se souvient la maman. «Tout le monde me complimentait sur son calme. Moi je sentais bien que quelque chose ne tournait pas rond. J'avais l'impression d'être devant une non-personne. » Répétition de mots ou de phrases, manies, regard fuyant, crises d'angoisse et d'agressivité, refus de communiquer avec le monde extérieur : les mois passent et les troubles de Julien se précisent. L'autisme sera diagnostiqué aux 2 ans de l'enfant. Des générations de mères culpabilisées Effrayée par les institutions spécialisées dont les méthodes ne lui semblent pas convenir à son fils, Barbara décide de se débrouiller toute seule. Employée chez un commissaire-priseur, elle démissionne pour consacrer l'essentiel de son temps à son fils. « J'ai cherché tous les livres sur le sujet, et j'en ai tiré ma propre méthode. Elle observe Julien des heures, note ses tics, ses manies de comportement et de langage. Durant quatre ans, elle reproduit, lors de petits ateliers, les phrases et les gestes répétitifs de Julien en y intégrant des jeux : « Il n'arrêtait pas d'éteindre et de rallumer la lumière. J'ai fait la même chose en imposant un rythme. Un jour il a compris, il a reproduit mon rythme». Quatre ans plus tard, les résultats sont tels que Julien peut aller à l'école, en cours préparatoire. « Il savait lire, écrire et communiquait avec son entourage».