Depuis lundi, le Secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson, en tournée dans la région du Golfe pour tenter de désamorcer la profonde crise, devrait rencontrer hier à Djeddah les ministres des Affaires étrangères des quatre pays arabes ayant rompu leurs liens avec le Qatar après avoir obtenu un accord de Doha sur la lutte contre le "financement du terrorisme". A titre de rappel, la crise trouve son origine dans la publication le 23 mai de propos conciliants attribués à l'émir du Qatar envers l'Iran, le Hamas et le Hezbollah Qatar News Agency, l'agence de presse officielle du Qatar, cite alors l'émir Tamim ben Hamad Al Thani, qui déclare que « l'Iran constitue une puissance islamique régionale qui ne peut pas être ignorée et qu'il est imprudent de s'y confronter »8. Il qualifie aussi les Frères musulmans et le Hezbollah de « mouvements de résistance légitimes » et défend le Hamas. L'émir du Qatar dément rapidement avoir formulé de telles déclarations et l'agence de presse qatarie affirme que son site a été piraté et que de fausses informations ont été diffusées. Mais le 5 juin, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l'Egypte et Bahreïn, suivis ensuite par le gouvernement yéménite d'Abdrabbo Mansour Hadi, le gouvernement libyen de Tobrouk, la Mauritanie, les Maldives, les Comores et l'île Maurice, annoncent la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar, en l'accusant de soutenir pêle-mêle « les Houthis, les Frères musulmans, Daech et Al-Qaïda »9 . Le Qatar est exclu de la coalition qui mène alors l'« Opération Restaurer l'espoir » au Yémen. Il est également mis sous quarantaine avec la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes. Plusieurs compagnies aériennes (Etihad, Emirates, Fly Dubaï et Air Arabia, ainsi que la Saudia et Gulf Air (Bahreïn)) suspendent leurs vols en direction du Qatar. L'Arabie saoudite annonce la fermeture des bureaux de la chaine Al Jazeera de Riyad. Pour tenter de désamorcer cette crise qui perdure, les Etats Unis ont délégué le secrétaire d'état, M. Rex Tillerson. Ce dernier est arrivé hier à Djeddah en Arabie saoudite pour rencontrer ses homologues du quartet "anti-Qatar" (Arabie saoudite, Bahreïn, Egypte et Emirats arabes unis). Le chef de la diplomatie égyptienne Sameh Choukry a été invité par son homologue saoudien Adel al-Jubeir à cette réunion organisée à Djeddah, a indiqué le ministère égyptien des Affaires étrangères dans un communiqué. Le secrétaire d'Etat américain Tillerson qui a entamé lundi à Koweït une tournée dans le Golfe pour aider à trouver une issue à la crise inédite entre le Qatar et ses voisins, à propos des accusations sur le soutien de Doha aux groupes terroristes que celle-ci rejette, avait obtenu mardi l'accord du Qatar à un programme de lutte contre "le financement du terrorisme". L'accord sur la lutte antiterroriste, signé par le Qatar et les Etats-Unis, a été annoncé par le chef de la diplomatie qatarie, cheikh Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, à l'occasion d'une visite de M. Tillerson à Doha où il a été reçu par l'émir, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani. "Aujourd'hui, le Qatar est le premier pays à signer avec les Etats-Unis un programme pour la lutte contre le financement du terrorisme", a déclaré cheikh Mohammed. "Nous invitons les pays qui nous imposent un blocus à s'y joindre" a-t-il ajouté au cours d'une conférence de presse commune avec M. Tillerson qui a regagné le Koweït qui fait office de médiateur. L'accord précis "les futurs efforts que le Qatar peut faire pour renforcer sa lutte contre le terrorisme et s'attaquer activement aux problèmes du financement du terrorisme", a expliqué dans un communiqué un conseiller du secrétaire d'Etat, RC Hammond. "C'est un pas en avant", a-t-il estimé. Mais ce dernier a été jugé immédiatement "insuffisant" par les pays arabes voisins dans un communiqué. "Ce pas est insuffisant", écrivent ces pays dans le texte cité par l'agence de presse saoudienne SPA. Ils ajoutent qu'ils "surveilleront de près le sérieux des autorités qataries dans leur combat contre toutes formes de financement et de soutien du terrorisme". "Des concessions devraient être faites par les deux camps" Les quatre pays ont exigé le 22 juin la satisfaction de 13 demandes, dont la fermeture de la chaîne de télévision Al-Jazeera et d'une base turque, ainsi qu'une révision des liens avec l'Iran. Pour sa part, le Qatar maintient sa position et a rejeté en bloc ces demandes, estimant qu'elles violaient sa souveraineté. Mardi dernier, le secrétaire d'Etat américain a dit aborder avec "prudence" la rencontre de Djeddah. "J'entends explorer les options sur la façon dont nous pourrions avancer". Son conseiller, RC Hammond, a estimé qu'un règlement pourrait prendre des mois. Il a dit que des concessions devraient être faites par les deux camps. M. Tillerson espérait capitaliser sur l'accord de Doha. Cet accord repose sur la décision d'"éradiquer le terrorisme de la terre", a-t-il déclaré. Mais les quatre adversaires restent intransigeants. "Une solution temporaire n'est pas une sage" initiative, a commenté le ministre d'Etat émirati aux Affaires étrangères Anwar Gargash. Face à la complexité de la situation, l'émir du Koweït, cheikh Sabah al-Ahmad Al-Sabah, a exprimé son "amertume", tout en assurant "ne pas renoncer" à sa médiation dans cette crise "sans précédent". Doha s'est même dit décidé à financer des projets dans la bande de Ghaza, en dépit des pressions de l'Arabie saoudite et ses alliés. "Nous sommes venus vous assurer que nous avons soutenu et continuerons à soutenir le peuple palestinien assiégé et que nous poursuivrons le processus de reconstruction", a déclaré l'envoyé du Qatar à Ghaza Mohammed al-Amadi lors d'une conférence de presse. "La politique du Qatar est de soutenir le peuple et le gouvernement officiel. Nous ne soutenons pas le mouvement Hamas, nous soutenons le Hamas comme faisant partie du peuple palestinien", a souligné M. Amadi. Le 5 Juin, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte ont rompu toutes leurs relations diplomatiques avec le Qatar, l'accusant de financer des groupes extrémistes. Le Qatar a promis un milliard de dollars pour la reconstruction de Ghaza après l'agression israélienne de 2014, plus importante promesse de don émanant d'un seul pays.