Accusé de financer le terrorisme, l'Emirat du Qatar est désormais totalement isolé par l'Arabie saoudite et ses alliés de la région. Ce séisme diplomatique va reconfigurer tout le jeu géopolitique à l'échelle régionale et internationale. L'Arabie saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis, suivis du Yémen, de l'Egypte, du gouvernement libyen parallèle de Tobrouk et des Maldives ont annoncé hier la rupture totale de leurs relations diplomatiques avec l'Emirat du Qatar, accusé de "soutenir le terrorisme", provoquant un véritable séisme diplomatique. Toutes les frontières aériennes, terrestres et maritimes sont fermées avec ce petit royaume gazier du Golfe, ont annoncé ces pays à la décision visiblement concertée et longuement réfléchie. "Le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région, comme la confrérie des Frères musulmans, Daech et Al-Qaïda", a souligné Riyad dans le communiqué annonçant sa décision de rompre avec ce pays. Elle estime également que Doha soutient aussi "les activités de groupes terroristes soutenus par l'Iran dans la province de Qatif (est)", où se concentre la minorité chiite du royaume saoudien, ainsi qu'à Bahreïn, en prise avec une contestation populaire de la majorité chiite qui exige des réformes politiques profondes. L'Arabie saoudite, le Bahreïn et les Emirats ont ordonné à leurs diplomates de quitter Doha dans les 48 heures. Les espaces aériens des trois pays seront fermés dans les 24 heures aux vols de la compagnie aérienne du Qatar, ainsi que la suspension des liaisons aériennes et maritimes avec ce pays. L'Arabie saoudite ferme sa frontière terrestre avec le Qatar, ce qui bloque les importations de biens par voie terrestre du Qatar à travers son territoire. Il est interdit aux ressortissants des trois pays de se rendre au Qatar, alors qu'il est demandé aux ressortissants du Qatar, visiteurs ou résidents permanents dans les trois pays, de partir dans un délai de 14 jours. Seuls les pèlerins du Qatar peuvent se rendre sur les lieux saints musulmans en Arabie saoudite. Riyad passe ainsi à l'acte après le discours de l'émir du Qatar publié, il y a quelques jours, sur le site officiel de l'agence de presse locale, et que les monarchies du Golfe ont jugé hostile à leurs régimes respectifs. Une première crise diplomatique, de moindre ampleur mais sonnant comme un appel à l'ordre, en 2014. Le Qatar et l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Bahreïn avaient rappelé à l'époque leurs ambassadeurs à Doha pour protester contre le soutien du Qatar aux Frères musulmans. Cette crise diplomatique est la plus grave depuis la création en 1981 du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe l'Arabie saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar. Le Qatar s'était déjà dit le 20 mai dernier victime d'une campagne "mensongère" qui l'accuse de "soutien" au terrorisme avant une visite du président Donald Trump en Arabie saoudite. Pour rappel, les propos attribués à l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, rompaient avec le consensus régional sur plusieurs sujets sensibles, notamment l'Iran, vu comme un allié stratégique alors qu'il vient d'être accusé par l'Arabie saoudite d'être "le fer de lance du terrorisme". Il y a lieu de signaler que cette crise intervient 15 jours après la visite à Riyad du président américain Donald Trump, qui avait exhorté les pays musulmans à se mobiliser contre l'extrémisme. Suite à cette crise diplomatique, Washington a invité les pays du Golfe à rester "unis". Parmi les réactions internationales à cette crise, il y a lieu de relever cet appel de l'Iran à "un dialogue franc" entre le Qatar et ses voisins du Golfe pour résoudre leurs différends. Le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, a appelé, de son côté, les pays du Golfe à tenter de régler leurs divergences et à rester unis. Merzak Tigrine