Deux nouvelles souches du coronavirus Sars-Cov-2 ont été identifiées. La première, apparue en Europe, est aujourd'hui prédominante dans le monde et expliquerait la propagation accrue du virus par rapport sa version originale chinoise. Une deuxième mutation a entraîné l'effacement complet de certaines séquences, suggérant un affaiblissement du virus. Voilà de quoi brouiller un peu plus la compréhension du coronavirus à l'origine du Covid-19 : de nouvelles souches ont été identifiées, mais elles produisent des conclusions contradictoires : l'une serait plus dangereuse que l'originale, l'autre montrerait à l'inverse un possible affaiblissement du virus. On sait que le virus subit en permanence de nombreuses mutations : selon le Centre national de Bio-information chinois, plus de 7.551 mutations ont été enregistrées. La plupart affecte des parties du génome sans intérêt, mais certaines influent sur la fonction même du virus. Des chercheurs chinois ont ainsi montré récemment que certaines souches sont 270 fois plus virulentes que les autres, ce qui expliquerait en partie pourquoi certaines personnes sont plus sévèrement touchées que d'autres. Une nouvelle étude du laboratoire national de Los Alamos, pré-publiée sur le site bioRxiv, a trouvé 14 mutations sur les protéines de pointe à la surface du virus, celles qui servent au virus à pénétrer dans la cellule. En remontant l'arbre phylogénétique des mutations, les chercheurs ont découvert que l'une d'elles a commencé à se répandre en Europe au mois de février 2020 et a rapidement pris le dessus. C'est cette même souche qui a gagné la côte Est des Etats-Unis et qui est à l'origine de l'épidémie à New York. Elle serait aujourd'hui majoritaire dans le monde depuis mars. « Lorsque [cette nouvelle souche] est introduite dans une région, elle devient rapidement la forme dominante, atteste Bette Korber, biologiste et auteure principale. La fréquence à laquelle cette mutation se propage est alarmante. » Non seulement cette souche se répand plus rapidement que la version chinoise originale, suggérant un avantage compétitif, mais elle rendrait les personnes plus vulnérables à une seconde infection, avance l'étude. « Nous avons découvert des recombinaisons entre des souches circulant localement, ce qui indique des infections à souches multiples », détaillent les chercheurs qui ont passé en revue plus de 6.000 séquences. Ces mutations à répétition pourraient compromettre la mise au point d'un vaccin, surtout ceux dirigés vers les protéines de surface, concluent-ils. Encore en préparation, une autre étude est, quant à elle, beaucoup plus optimiste. Menée par l'université d'Arizona et parue dans le Journal of Virology, elle devrait « susciter l'intérêt de la communauté scientifique du monde entier, y compris de l'Organisation mondiale de la Santé », dès lors qu'elle sera publiée sur un site officiel, s'enthousiasme Efrem Lim qui a dirigé l'équipe de recherche. Les scientifiques ont découvert une mutation dans laquelle 81 bases du génome se sont tout simplement évaporées et « supprimées définitivement du génome ». Or, c'est ce même phénomène qui avait abouti en 2003 à l'affaiblissement du virus Sars-Cov, puis à à sa disparition. « Durant la phase tardive de l'épidémie, le Sars-Cov a accumulé des mutations qui ont atténué le virus. Le virus affaibli provoque une maladie moins grave peut avoir un avantage sélectif s'il est capable de se propager efficacement dans les populations par des personnes infectées à leur insu », indique Efrem Lim. L'épidémie de Covid-19 pourrait-elle alors disparaitre d'elle-même ? Il est bien trop tôt pour se prononcer, avancent prudemment les auteurs, d'autant plus qu'on ne connaît pas la fréquence de cette souche. À peine 16.000 génomes du virus ont été séquencés à ce jour, « ce qui représente moins de 0,5 % des souches en circulation », signale Efrem Lim.