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Bettencourt: Quand une affaire d'abus de faiblesse ébranle le sommet de l'Etat
Publié dans Réflexion le 11 - 07 - 2010

Soupçon de financement politique illicite pour les uns, cabale contre le pouvoir selon la droite: le dossier Bettencourt, à l'origine simple affaire d'abus de faiblesse présumé, a ébranlé cette semaine le sommet de l'Etat après les déclarations de l'ex-comptable de la milliardaire.
Nicolas Sarkozy pensait avoir assaini une atmosphère politique viciée par les abus de certains de ses ministres avec les démissions des secrétaires d'Etat Alain Joyandet et Christian Blanc. Las, les soupçons de conflit d'intérêt concernant Eric Woerth nés mi-juin de la publication d'enregistrements pirates chez Liliane Bettencourt ont pris une dimension encore plus dévastatrice avec l'interview à Mediapart de l'ex-comptable de la milliardaire, Claire Thibout.
Dans cet entretien, l'ex-comptable, licenciée en 2008 par l'héritière de L'Oréal, a affirmé que Nicolas Sarkozy était "un habitué" de la table des Bettencourt et "recevait aussi son enveloppe" lorsqu'il était maire de Neuilly de 1983 à 2002.
La publication de cet entretien déclenche dès mardi matin une violente polémique, marquée notamment par la sortie des députés socialistes de l'hémicycle de l'Assemblée. Dans le collimateur de la majorité, le site Mediapart, dirigé par Edwy Plenel, accusé de "méthodes fascistes" par plusieurs ténors de la droite.Réentendue mercredi soir par les policiers qui sont allés la chercher dans le Gard où elle s'était "mise au vert", Mme Thibout revient sur cet aspect de ces déclarations, dénonçant "la romance de Mediapart" et assurant n'avoir "jamais dit que des enveloppes étaient remises régulièrement à M. Sarkozy".Des extraits des PV d'audition, opportunément distillés sur les sites du Monde et du Figaro, permettent à l'Elysée de crier victoire. "Le fait que la vérité soit rétablie fait toujours plaisir", se réjouit le secrétaire général Claude Guéant, pointant des "procédés de caniveau" destinés à "salir".L'ex-comptable a pourtant maintenu ses déclarations concernant Eric Woerth, l'artisan de la réforme des retraites dans la tourmente en raison des fonctions passées de sa femme à Clymène, société gérant une partie de l'immense fortune de Mme Bettencourt. Mme Thibout, devenue en quelques jours la "femme à abattre" selon son avocat, Me Antoine Gillot, raconte que le gestionnaire de la fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre, lui avait demandé pendant la campagne présidentielle de 2007 de lui remettre la somme de 150.000 euros en espèces car "il devait organiser un dîner avec M. Woerth pour la lui remettre".Ces allégations, non corroborées par les "carnets de caisse" tenus par la comptable et dans lesquels tous les retraits en liquide étaient consignés, ont été confirmées une nouvelle fois jeudi par l'ex-comptable lors de sa confrontation avec M. de Maistre, selon une source judiciaire.M. Woerth, ulcéré, se défend d'avoir "jamais reçu le moindre euro illégal" et a porté plainte pour dénonciation calomnieuse.Le parquet de Nanterre, sous l'autorité de l'exécutif, a annoncé vendredi l'ouverture d'une troisième enquête préliminaire dans cette affaire, portant cette fois sur le contenu des enregistrements. Les investigations ouvrent la voie juridique à une éventuelle audition du ministre du Travail et trésorier de l'UMP.D'ici là, l'Elysée espère mettre fin à la polémique, grâce à la remise lundi au plus tard du rapport de l'Inspection générale des finances (IGF). Ce rapport, diligenté par Bercy, doit déterminer si Eric Woerth, quand il était titulaire du Budget, est intervenu dans la gestion du dossier de Liliane Bettencourt par le fisc.Nicolas Sarkozy s'exprimera lui lundi soir pendant une heure sur France 2 pour répondre, selon la chaîne, "à toutes les questions d'actualité".
Sarkozy à la TV lundi pour éteindre l'incendie
Pressé par sa majorité de parler pour tenter d'éteindre l'incendie de l'affaire Bettencourt/Woerth, Nicolas Sarkozy fait le pari que son intervention télévisée lundi viendra clore près de quatre semaines de polémiques. Le chef de l'Etat s'exprimera dans une émission spéciale de France 2 pendant une heure, lundi à partir de 20H15.
Le moment n'est pas choisi par hasard.
A la veille de la présentation de la réforme des retraites en Conseil des ministres - exceptionnellement avancé à mardi pour cause de 14 juillet -, le président veut prendre le temps d'expliquer l'importance qu'il attache à cette réforme impopulaire.Et surtout il devrait réaffirmer son soutien au ministre qui la porte depuis trois mois, Eric Woerth.Le ministre du Travail en a d'autant plus besoin qu'il est au coeur d'une tempête inédite sous la présidence Sarkozy, visé par des accusations de conflit d'intérêts en raison de la proximité de son couple avec la richissime famille Bettencourt, et désormais soupçonné de financement politique illégal depuis les accusations de leur ex-comptable au site d'information Médiapart. Alors que la majorité fait bloc derrière Eric Woerth et s'en prend avec virulence aux "manipulations" de la presse, voire aux "méthodes fascistes" de Médiapart, Nicolas Sarkozy lui-même a déjà exprimé tout le bien qu'il pense de son ministre. "Eric est l'honnêteté faite homme", déclare-t-il le 30 juin en recevant des députés UMP à l'Elysée. Pas question de le limoger du gouvernement car "ça voudra dire qu'il y a donc quelque chose" à lui reprocher. Le 6 juillet, alors que les déclarations explosives de l'ex-comptable sur le financement de la campagne présidentielle de 2007 font la une des médias, Nicolas Sarkozy, également mis en cause, dénonce la "calomnie" visant à "salir sans aucune espèce de réalité". Deux jours plus tard, l'ex comptable dément qu'il ait pu percevoir lui aussi des enveloppes d'espèces. Première éclaircie pour le président. Et si le rendez-vous télévisé de lundi satisfait ceux qui plaidaient pour qu'il descende dans l'arène et s'explique devant les Français, Nicolas Sarkozy ne devrait pas pour autant suivre d'autres appels - à gauche mais aussi dans son camp - à un large remaniement ministériel. "Notre priorité politique, ce n'est pas le remaniement", a assuré François Fillon mercredi. Selon l'Elysée, le président qui a confirmé le 30 juin son souhait d'un remaniement en octobre n'a pas changé de calendrier. Dimanche dernier les démissions de deux secrétaires d'Etat mis en cause pour leur usage des deniers publics avaient suscité des commentaires acides : "Un écran de fumée pour protéger Woerth !", avait lancé une source gouvernementale. Sur le plan judiciaire, l'étau ne s'est pas desserré autour du ministre du Travail. Le parquet de Nanterre a ouvert vendredi une troisième enquête préliminaire, dont le cadre pourrait, en toute logique, conduire à une demande d'audition de M. Woerth. Elle vise le contenu d'enregistrements pirates suggérant notamment que des opérations financières pour échapper au fisc ont été menées par la société de gestion dont l'épouse du ministre a été salariée pendant deux ans et demi. Dans les écoutes, Patrice de Maistre, patron de cette société, affirme qu'il a embauché fin 2007 Florence Woerth à la demande du ministre, alors chargé du Budget et déjà trésorier de l'UMP. Face au soupçon, un rapport a été commandé par le gouvernement à l'Inspection générale des Finances (IGF), destiné à contrer ceux qui doutent de l'absence de toute intervention de M. Woerth dans le dossier fiscal de Mme Bettencourt. Sa publication est attendue lundi pour coïncider avec la prise de parole présidentielle.
L'ex-comptable de Bettencourt: elle dit quoi au final?
Entendue trois fois cette semaine, Claire Thibout est revenue sur certaines déclarations. Mais confirme un possible financement illégal de l'UMP. Elle est au coeur de l'affaire. Depuis plusieurs semaines, les déclarations de l'ancienne comptable de Liliane Bettencourt, font la une des journaux. Celle-ci enchaîne les auditions devant la police, les révélations et les revirements dans la presse et on peine à y voir clair.Qu'a-t-elle dit? Quand et comment? Retour sur trois semaines d'auditions.
1. La garde à vue: les 18 et 19 juin:
Le 14 juin, suite à la diffusion des enregistrements de conversation entre Liliane Bettencourt et ses conseillers, les avocats de l'héritière de L'Oréal déposent une plainte contre l'ex-comptable pour "vol de documents".Au cours de cette garde à vue donne des éléments sur l'emploi de l'ex-comptable chez le couple Bettencourt.
2. La première audition: le 5 juillet.
Lundi après-midi, Claire Thibout est convoquée par la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDP) à Paris. Il est question de plusieurs versement d'argent. Le lendemain, Médiapart publie un entretien avec l'ancienne comptable des Bettencourt, où celle-ci révèle ce qu'elle a dit aux enquêteurs
3. La deuxième audition: le 7 juillet.
La Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) a procédé à une deuxième audition de l'ex-comptable, mercredi soir, "en urgence", après la confirmation par les enquêteurs d'une sortie de 50.000 euros, à la date indiquée par l'ex-comptable.
4. La confrontation avec Patrice de Maistre: le 8 juillet.
L'ex-comptable est convoquée une nouvelle fois à la BRDP, cette fois pour une "confrontation" avec le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, qui affirme ne rien savoir des 150.000 euros remis à Eric Woerth. Selon Le Parisien, le face à face aurait duré trois heures.L'ex-comptable reste dans la lignée de ses déclarations de la veille. Elle continue donc à nier avoir évoqué Nicolas Sarkozy, selon Libération. Elle confirme en revanche ses déclarations sur un possible financement illégal de l'UMP. Son avocat Me Antoine Gillot dénonce jeudi "l'acharnement du parquet de Nanterre pour la faire revenir sur ses déclarations"


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