De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Jour après jour, la presse française en fait son sujet principal de l'actualité, reléguant au second plan les grands problèmes de la société comme la crise économique et sociale ou l'importante réforme des retraites. Même la couverture de l'examen par les députés du projet de loi sur l'interdiction du port du voile intégral, qui a commencé mardi dernier, est presque marginalisée. Il n'y a que pour l'affaire Woerth-Bettencourt, devenue une affaire d'Etat (voir la Tribune d'hier), qui touche désormais le président Sarkozy. Comme une machine folle que rien ne peut arrêter, les informations-révélations sont devenues quasi quotidiennes pour conforter les thèses qui sèment le doute, pour ne pas dire plus, sur des pratiques financières illégales utilisées lors de la dernière campagne présidentielle de 2007 au profit du candidat Sarkozy, avec Eric Woerth, alors et toujours trésorier de l'UMP, et ses relations réelles ou supposées avec la milliardaire-mécène, Liliane Bettencourt.La nouvelle pièce versée au dossier hier concerne la vérification confirmée des déclarations de l'ex-comptable de Bettencourt, Claire Thibout, sur des retraits en espèces d'une banque, trois fois 50 000 euros, parce qu'elle ne pouvait retirer 150 000 euros «une somme trois fois supérieure à l'habitude». Elle a déclaré à la police que c'est «pour financer la campagne présidentielle de Sarkozy». «Je dois, a-t-elle précisé, donner de l'argent à celui qui s'occupe du financement de la campagne, Eric Woerth.» Le fait nouveau est que les réquisitions opérées par les policiers de la Brigade de répression de la délinquance sur la personne (BRDP) ont permis de retrouver la trace de ce retrait, selon une déclaration de Claire Thibout au site Médiapart devenu la bête noir du pouvoir pour ses multiples révélations dans cette affaire. Comme ils ont mis la main hier sur les carnets de celle-ci sur lesquels elle enregistrait tous ses décaissements. Entendu mardi denier par les enquêteurs, Patrice Maistre, chargé de la gestion de la fortune de Bettencourt, a démenti l'intégralité de la version de son ancienne comptable. Devant cette affaire, qui empeste la vie politique française, le pouvoir, fragilisé, se défend farouchement sans convaincre l'opinion, la position de Sarkozy faite de silence et de dédain contre ce qui est qualifié de calomnies et de mensonges interpelle la presse française qui demande au chef de l'Etat de se manifester et vite. «Si Nicolas Sarkozy veut éviter la crise de confiance qui se dessine, il doit parler et se défendre face aux attaques», conseille le Figaro alors que l'Humanité considère que «ces accusations sont désormais trop graves et trop précises pour n'être traitées que par le dédain ou l'arrogance». «Comme pour son équipe de foot, la France navigue sans capitaine, ou presque» et «pour que cette crise d'autorité ne dégénère en crise de régime, on attend la parole du Président et des actes», estime le quotidien de l'économie la Tribune. «M. Sarkozy ébranlé par les soupçons de l'affaire Woerth», titre à la «une» le Monde dans son édition de jeudi. «Malgré la pression, le chef de l'Etat refuse de lâcher son ministre chargé de la réforme des retraites», estime ce journal qui s'interroge : «Peut-il lâcher un fusible au moment ou l'affaire l'atteint ?» En guise de réponse aux sollicitations à prendre la parole dans cette période tumultueuse, le président Sarkozy a saisi l'opportunité du Conseil des ministres d'hier pour dire qu'il attendait des membres du gouvernement «beaucoup de sang-froid et beaucoup de travail» tout en réitérant son soutien à M. Woerth. «Faites votre travail, ne vous laissez pas détourner par l'actualité, et pour le reste c'est moi qui suis maître du calendrier», a encore déclaré le chef de l'Etat selon son ministre de l'Immigration Eric Besson.