A l'instar de presque toutes les corporations exerçant dans les divers secteurs d'activités, celle des artisans boulangers n'a pas échappé à la concurrence déloyale, qui se manifeste par la mise sur le marché, informel bien sûr, des galettes de pain confectionnées par des femmes au foyer et proposées à la vente par des enfants. Cette concurrence ne semble pas avoir grand effet sur les boulangers des grandes villes où la demande est si importante que tout se vend. Néanmoins, les consommateurs de plus en plus nombreux à apprécier la galette traditionnelle, faites-maison, et la recherche de nouveaux goûts promis par des pains exotiques, menacent la corporation des boulangers installés dans certains petits villages, où beaucoup de mères de famille confectionnent elles-mêmes leur pain quotidien. Pour des raisons d'hygiène, dit-on mais aussi pour des raisons économiques, qui prennent toute leur importance en raison de l'inflation ayant provoqué l'érosion inexorable du pouvoir d'achat des ménages au revenu limité. Certains consommateurs auraient décidé de boycotter la fameuse baguette parisienne en raison du poids légal qui n'est jamais respecté, affirme-t-on . « je n'ai jamais trouvé les 250 grammes dans une baguette de pain, déclare un habitant d'Arzew, qui ajoute : alors, au lieu d'avancer, on recule. Je m'explique : On nous a obligé à revenir en arrière et reprendre les habitudes de nos grands-mères qui pétrissaient leur pain à la maison et le faisaient dans l'archaïque « ferrane », un four demi sphérique construit en terre qui donnait un produit de bonne odeur et d'un goût agréable que nous avons recouvert avec plaisir. Et puis, il y a l'hygiène qui est loin d'être un souci chez certains boulangers, que Dieu les pardonne…) Certains affirment que des boulangers, contraints de rester le prix du pain, se rattrapent sur le poids, utilisant des améliorants pour donner du volume à la baguette donnant l'illusion d'un poids conforme. Des boulangers jurent par tous les saints connus et inconnus, qu'ils respectent le poids au gramme près, mais que des pertes à la cuisson pourraient être constatées avec l'évaporation de l'eau. « Le poids légal, qui est de 250 grammes, concerne la baguette cuite, le produit fini près à être vendu, et le boulangerie devraient tenir compte du phénomène de l'évaporation d'une certaine quantité d'eau… » Nous explique un contrôleur de la direction du Commerce. L'engouement pour le pain traditionnel ou du pain dit « syrien », farci de fragments d'olives, qui a connu un pic durant le mois de ramadan, n'a pas fléchi. Ce qui a provoqué l'augmentation du nombre de magasins et de vendeurs de cet aliment de base, a-t-on constaté. Ce qui aurait contraint un certain nombre de boulangers à baisser le rideau, affirme-t-on. Mais n'ont fermé qu'aux yeux des impôts, et continuent de travailler au noir et pratiquement dans le noir et font écouler leur production par les nombreux revendeurs installés aux différents coins de rue, notamment en fin de journée au grand plaisir des retardataires qui, contents de trouver du pain à une heure tardive, ne discutent guère le prix qui atteint 15 et 20 DA la baguette d'un poids souvent, trop souvent inférieur aux normes. A l'exception du consommateur, tout le monde trouve ainsi son compte. Et, aussi incroyable que cela puisse paraître, une boulangerie qui baisse le rideau, rapporte plus qu'une boulangerie ouverte. Pour tenter de se justifier devant cette situation, certains invoquent la hausse de certains produits, les frais liés au gaz et à l'électricité, les charges salariales, les impôts, la CASNOS, La CNAS, etc. A les écouter, on a presque enclin à leur faire l'aumône, alors qu'ils roulent en voiture de luxe, habitent des petits palaces et se paient des vacances en famille à l'étranger, sans compter les voyages omra quasi annuels... « La dernière fournée de pain, je la liquide au plus tard aux environs de 13 heures. Je ne vous dirais pas le nombre de sacs de farine utilisé, mais je gagne très bien ma vie, en payant tous les frais… je ne comprends pas quand on dit qu'un boulanger a du mal à s'en sortir. » Nous a déclaré un boulanger qui dit avoir 40 ans de métier. Il explique encore : « si jamais on subit quelques pertes dans le pain, en cas de pannes mécaniques ou électriques, on peut toujours se rattraper sur la pâtisserie qui rapporte beaucoup… » « Je n'ai rien à cacher, ajoute-t-il, c'est un argent que je gagne honnêtement à la sueur de mon front. » Pourtant, on signale un nombre effarant de boulangeries qui ferment, certainement pour différentes raisons, mais celle qui le plus souvent avancée est la non rentabilité de l'activité. Qui pourrait jamais le savoir, mis à part les concernés.