Première puissance militaire de la région sahélienne, l'ombrageuse Algérie voit d'un mauvais œil le face-à-face entre Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) et la France à propos des sept otages enlevés voici plus d'un mois au Niger. Le régime du président Abdelaziz Bouteflika s'était ému du raid mauritano-français lancé en juillet dans le nord de Mali pour tenter de sauver Michel Germaneau. Il supporte mal aujourd'hui le déploiement exceptionnel de troupes de l'ex-colonisateur à Niamey et à Ouagadougou. «L'histoire récente a montré que les interventions étrangères dans des conflits asymétriques sont un échec», justifie le sociologue algérien Liess Boukra. Pour ce spécialiste du terrorisme, «Aqmi, dont la force de frappe est limitée, rêve d'une confrontation avec une nation occidentale pour faire du Sahara un point de ralliement des salafistes et “somaliser” cet immense espace islamique».Opposé à une intervention militaire française pour libérer les captifs, Alger ne veut pas pour autant entendre parler de pourparlers qui déboucheraient sur le versement d'une rançon et la remise en liberté de terroristes.«L'argent est le nerf de la guerre. Les sommes récoltées par les katibas du Sahara grâce aux kidnappings décuplent les capacités d'al-Qaida, attirent de nouvelles recrues et les dons versés par Aqmi aux chefs de tribu assurent des complicités dans la population », explique Liess Boukra. «Certains hauts responsables des pays du Sahel redorent leur blason en jouant les intermédiaires désintéressés. Leur attitude permet à des groupes de disposer de ressources financières non négligeables sur lesquelles leurs agents prélèvent une dîme conséquente », renchérit une source algérienne proche des responsables de la lutte antiterroriste.Jeudi dernier, l'Algérie a refusé de participer, à Bamako, à une réunion d'experts du G8. Une absence qui illustre la difficulté à coordonner la coopération régionale et internationale dans le combat contre Aqmi. La présence à cette rencontre du Maroc, avec qui l'Algérie est en conflit à propos du statut du Sahara occidental, explique en partie le boycott d'Alger. Mais les rivalités sont également récurrentes entre Abdelaziz Bouteflika et Mouammar Kadhafi, qui a toujours cherché à exercer une influence sur les Touaregs. Les leçons données par Alger à ses voisins feraient presque oublier qu'Aqmi est avant tout un mouvement local surgi des feux mal éteints de l'insurrection islamiste des années 1990. Dirigée par l'émir Droukdel depuis les montagnes de la Kabylie, la succursale maghrébine d'al-Qaida avait en 2007 lancé des attentats suicides à Alger visant notamment le gouvernorat et les Nations unies. L'échec de cette stratégie a contraint l'organisation, dont le commandement est isolé, à se tourner vers le sud. Bien que constituées de combattants de diverses nationalités, les katibas (colonnes combattantes, NDLR) du Sahara restent sous direction strictement algérienne. Le danger qu'elles représentent a poussé les voyagistes européens à rayer de leurs catalogues des destinations maliennes, mauritaniennes, nigériennes et, surtout - même si on en parle moins - algériennes.