Ils sont là, tapis dans un coin à proximité d'un arrêt d'autobus, en train de guetter leur future proie. Mais c'est aux heures de pointe, quand les travailleuses et les travailleurs se mettent à se bousculer à la montée du bus qu'ils entrent vraiment en activité. Ils se faufilent au milieu des voyageurs dont ils font les poches et redescendent avant le démarrage du véhicule. Beaucoup de victimes ne se rendent compte de leur mésaventure que longtemps après le forfait subi. Certains voleurs, après avoir choisi leur victime, vinnent par l'arrière, lui plantent la pointe d'un couteau dans le flan et lui exigent de leur remettre leurs biens : portable, bijoux, argent, montre, etc. Sous l'effet de surprise et terrassée par la peur de se faire transpercer par la lame tranchante, la victime s'exécute sans ouvrir la bouche. Les objets arrachés par le voleur, sont immédiatement remis, avec l'arme blanche, à un complice resté en retrait. Personne ne voit rien dans un autobus plein à craquer. Et une victime tente d'ameuter les passagers ou le conducteur, gare à lui à la descente. Très peu de lignes sont encore épargnées par le phénomène qui prend une ampleur inquiétante, à en croire certains usagers qui affirment qu'ils se sentent « réellement en danger » dans les transports en commun. Certains usagers estiment que les voleurs jouissent même de la complicité passive, sinon de la grande complaisance des conducteurs et receveurs de bus que la peur aurait rendu lâches. « La situation est grave. » Déclare un habitué de l'autobus. « Je n'ose plus porter aucun objet de valeur par peur qu'il soit enlevé, et j'ai peur en même de me trouver sous la menace d'un couteau et n'avoir rien à remettre au voleur, qui ne me croira certainement pas et pourrait avoir des idées agressives à mon égard. » « Vous savez, poursuit-il, il est des jeunes qui, sous l'effet de psychotrope, ne reculent devant rien. Ils ne réfléchissent même pas» Un autre passager a déclaré avoir renoncé à emprunter les bus de certaines lignes où les voleurs semblent y avoir élu domicile. Ceci « depuis que j'ai été le témoin impuissant d'un vol commis sur une jeune fille, en plein milieu de l'autobus. Sous la menace d'un gros couteau à cran d'arrêt, elle a été délestée de ses boucles d'oreille en or, de son téléphone portable et de quelques billets de banque. » Cela s'est passé devant tous les passagers sans qu'aucun d'eux ne se soit aventuré à lever le petit doigt, ou seulement dit un seul mot. Ni encore le conducteur ou le receveur. Son forfait accompli, le bandit se dirigea vers la portière faisant signe d'arrêter au chauffeur qui s'exécute et lui ouvre la porte. Je vous jure que j'ai eu honte de moi. D'ailleurs, j'ai toujours honte quand je me rappelle cette histoire. » « En plus du chauffeur et du receveur, ils étaient 7 hommes, tous normalement constitués, dans le bus quand la jeune fille a été agressée et délestée de ses biens. Il leur aurait suffi de faire seulement le geste de se lever vers lui pour que le voleur fasse dans son froc. « Mais on ne l'a pas fait.» Se désole encore notre interlocuteur. Les chauffeurs et receveurs que la défense des passagers agressés n'est pas de leur ressort. Ignorant que selon le code de la route, un conducteur de transport en commun est responsable du confort et de la SECURITE des personnes transportées. Dans les cars et autobus algériens, le chauffeur se limite à conduire et le receveur à encaisser. Beaucoup s'accordent à dire que c'est la passivité coupable des habitants qui a permis aux bandits de se sentir puissants et multiplier leur nombre. Mais le citoyen qui n'intervient pas devant agression, peut lui-même être victime un jour et subir le même sort, ou pire, que celui auquel il a assisté sans rien dire. A ce moment-là, il serait bien content que les passagers viennent à son secours. « On ne peut pas mettre des policiers ou des gendarmes dans tous les transports en commun d'Algérie, c'est la solidarité agissante des citoyens qui pourrait faire changer la peur de camp. Ce sont les voleurs qui doivent avoir peur, or, c'est actuellement le contraire, malheureusement…