Type d'habitation propre aux villes coloniales, ces harat ont, à l'origine, été érigées par les colons français pour servir d'habitation aux Arabes, juifs et autres étrangers. Les colons, pour leur part, préféraient les immeubles de rapport tels l'immeuble Brincat, situé à l'angle des rues Meslem et 8 Mai 1945. Construction à étages munie d'une toiture la plupart du temps, la hara se distingue de par sa cour centrale, véritable extension des pièces, et autour de laquelle s'articulent les différentes activités des locataires telles la cuisine et la lessive. Mais la véritable particularité de la hara demeure celle d'offrir à ses locataires un cadre de vie communautaire. Outre la cour (haouch) et les commodités qu'ils entretenaient à tour de rôle, les habitants partageaient également l'entrée de la harat, la plupart du temps une ruelle ou bien une « skifa », sorte de long couloir couvert qui donnait accès à la cour. A l'époque, la ségrégation coloniale ne permettait guère aux Arabes de se loger ailleurs que dans ces harat et ce n'est qu'après l'indépendance que les gens ont pu accéder aux immeubles et biens laissés vacants par les colons français. Les harat, jadis particulièrement prisées, sont alors tombées en disgrâce, les Sétifiens préférant à leurs commodités certes rudimentaires, le confort moderne des cités telles que la cité Belle Vue ou encore la cité des Cheminots. Les liens communautaires si chers aux harat allaient peu à peu être oubliés, laissant place à l'anonymat des grandes cités. A présent, bon nombre de ces lieux particulièrement pittoresques sont en état de délabrement avancé. Malmenées par les outrages du temps et devenues dangereuses de par leur précarité, certaines harat ont été démolies puis reconstruites en hôtels ou en centres commerciaux. D'autres continuent néanmoins à servir d'habitation à des locataires, peu regardant à la salubrité, mais abritent surtout des activités commerciales telles que les KMS, cabinets d'avocat, des locaux... De nos jours, la hara ne séduit plus comme habitation du fait de sa configuration privilégiant la vie en communauté. La précarité de ces constructions, dont certaines datent de plus d'un siècle, n'est pas étrangère au désenchantement des Sétifiens vis-à-vis des harat. Certaines harat de Sétif datent de la fin du XIXe siècle telles celle de Guedj, bâtie en 1839, ou encore celle de Messai érigée en 1840. Il n'en demeure pas moins certain que les harat de Sétif feront à jamais partie du vécu collectif des Sétifiens qui usent volontiers du terme « ouled el hara » pourtant l'apanage de ceux qui peuvent s'enorgueillir d'avoir un jour résidé dans ces endroits qui abritent une partie de l'historique de la cité. Par ailleurs, ce patrimoine est non seulement délaissé mais fait l'objet d'une « éradication ». Même les textes relatifs à la rénovation sont ignorés. Le décret n°83 /684 du 26 novembre 1983 stipulant « la rénovation urbaine est une opération physique qui, sans modifier le caractère principal d'un quartier, constitue une intervention profonde sur le tissu urbain existant, pouvant comporter la destruction d'immeubles vétustes et la reconstruction sur le même site d'immeubles de même nature » demeure plus de deux décennies après noir sur blanc. Démolies dans le cadre de la lutte contre l'habitat précaire, les harat Bensekai et El Far font désormais partie du passé. Pour la continuité historique du tissu urbain, en déperdition, les gestionnaires de la cité sont interpellés pour la reconquête des vieux quartiers, non pas par une œuvre d'éradication, mais par la réhabilitation et la rénovation des sites témoins... S. F. Kamel Beniaiche