En costume-cravate, le bouc bien taillé, moins nounours que sur les photos d'époque, Abdelmoumène Khalifa est passé hier sur la chaîne Al-Jazira pour ne pas dire grand-chose. Sa capacité de discourir clairement est apparue aussi élevée que son art de la gestion bancaire. Précédé d'une publicité qui a poussé beaucoup d'Algériens à se brancher sur Al-Jazira, le scoop de la chaîne qatarie était plutôt faisandé. Dans le court extrait diffusé à 19 heures, on l'aura entendu à nouveau marteler l'affirmation que son groupe n'était pas sur la voie de l'effondrement et qu'il n'avait pas fait faillite. Ses malheurs viennent du pouvoir, du président Abdelaziz Bouteflika, qui aurait, selon lui, pris prétexte d'un rapport de la DGSE française, fuité vers la presse française en juillet 2002, pour s'attaquer à son groupe. « Comment la DGSE pouvait-elle le savoir ? », dit-il étonné, mais en disculpant prudemment les services français qui n'avaient pas forcément, selon lui, des intentions malignes. Voila « l'histoire », selon Rafik Khalifa. Selon l'annonce faite par la speakerine, il aurait affirmé que « sa banque disposait de 3 milliards de dollars et que la faillite a été délibérément provoquée par le « plus haut niveau du pouvoir pour des différends personnels ». Les propos de Abdelmoumène Khalifa, eux, étaient plus décousus et souvent confus. Ils n'apportent pas grand-chose de nouveau, si ce n'est une concentration des accusations sur le pouvoir et sur le président Bouteflika en particulier. Le journaliste d'Al-Jazira a essayé « d'élever » le débat vers la politique en lui demandant s'il appartenait à une « aile du pouvoir » adverse à celle du Président. L'ancien golden boy répond, un tantinet grandiloquent, qu'il ne représente « aucune aile du pouvoir » mais qu'il « représente le peuple, les jeunes, les gens qui m'ont fait confiance... ». Si M. Moumen Khalifa parlait de « confiance » des petits épargnants, cela s'apparente à de l'humour au second degré. Mais, bien entendu, s'il n'appartient à aucun clan, il est quand même dans la place. « Il connaît tout le monde, de Bouteflika aux généraux en passant par les ministres... ». Il avait une société « publique », précise-t-il, dans une autre forme d'humour involontaire. Voilà, c'est tout. Dans ce « scoop » creux diffusé par Al-Jazira à 19 heures, Khalifa a tenu le crachoir à peine deux ou trois minutes. Par contre, d'Alger, Sadek Bouguetaya, député FLN, partisan de Benflis, en rajoutait dans la langue de bois pour défendre l'Etat... et le président. Si Moumen Khalifa a des secrets et des révélations à faire, il faudra attendre une autre fois. Hier, on a juste vu qu'il se portait bien, que son costume était joli, que sa barbichette était bien taillée et que l'air de Londres ne le desservait pas. On a également constaté que ce « grand homme », ce brasseur de milliards, était incapable de parler clairement (bien sûr, il ne connaît pas très bien l'arabe, quelle excuse !). On a surtout eu l'impression, en le regardant, que son QI n'était pas fameux et c'est ce qui nous rendait encore songeurs. Comment ce type a su si « bien réussir ? ». Il nous l'expliquera peut-être à sa prochaine apparition... sur Al-Arabiya ? M. Saâdoune (Le quotidien d'oran)