« Etre captif, là n'est pas la question. Il s'agit de ne pas se rendre Voilà », Nazim Hikmet. Pour beaucoup, Omar El Mokhtar, c'est ce célèbre héros de la lutte nationale du peuple Libyen frère. Non, il s'agit du notre, cet autre chantre de la littérature et de la poésie Algérienne. Lire Kateb Yacine ou Abdelmadjid Benzine, est un défi en soi, une sorte de gymnastique prodigieuse de l'esprit. Apporter une analyse critique littéraire serait d'une témérité insolente que seul Omar Mokhtar Chaalal est à même de réussir. Il avait magistralement transformé « l'essai » sur Kateb Yacine. Il récidive cette fois en nous proposant TALGHOUDA Il braque ses phares synaptiques, ajuste ses lunettes et actionne ses rétroviseurs pour jeter un long regard sur ce monument qu'était Abdelhamid Benzine en nous livrant un passionnant romain sur sa vie. Tel un funambule, il enfourche sa plume et se meut délicatement aux confins du rêve, de la réalité et de la fiction pour nous transporter sur les chemins caillouteux de la vie de cet homme, seul, à la voix confisquée ou de ce seul homme qui n'a jamais abdiqué, tant il est vrai que, tout au long de sa vie, littéraire ou politique, il avait fait montre d'une implacable résistance jusqu'à sa disparition. Il est demeuré, fidèle à ses convictions, fidèle à son action et fidèle à sa patrie Remuer ou revisiter ce passé, c'est pour l'auteur, un devoir de mémoire et de profonde amitié. Mais pourquoi a-t- il en fait choisi ce titre rébarbatif de TALGHOUDA, ce tubercule sauvage que les gens arrachaient au sol pour se nourrir ou ce synonyme de la disette des années quarante ? Cela nous rappelle bien cette époque marquante qu'un autre grand chantre du cinéma avait fixée sur sa pellicule dans une admirable fresque cinématographique. Les maladies, la pauvreté, la violence colonialiste, la famine, c'étaient les lots quotidiens qui hantaient la vie de la « population indigène ».Mais cette vie était aussi ponctuée par l'infinie insouciance de la vie de jeunesse .De Beni Ourtilane bourgade aux quatre saintes colombes, où naquit Abdelhamid Benzine, du fond des gorges du Guergour, à Bejaia entre la légende de Yemma Gouraya, Bab-Ellouz ou Bab-El-Bahr, avec ses interminables escapades ;le jeune lycéen à Sétif accomplit sa formation politique mais il connut aussi les affres des arrestations et de la répressions policières à la suite du soulèvement du 08 mai 1945. L'auteur ne cesse de nous promener à travers les récits de Ould El Khala ,cet émérite conteur populaire mettant en exergue la dramatique histoire de la vieille Aicha qui courait tous les jours après la locomotive noire. Elle la suppliait de lui rendre son fils unique quelle lui a ravie .Lakhdar, s'est son nom, a été contraint à la mobilisation pour une guerre qui ne le concernait pas. La vieille Aicha était morte avant le retour de ce fils. En apprenant sa mort, Lakhdar a sombré dans la mélancolie. Les distinctions remises par son général au titre des ses bravoures sur le front ne le ramèneront guère la réalité. C'est toutes ces émotions qui saisiront le lecteur où, entre Jérôme le blanc et Abbés le brun, tous deux cheminots, s'était établi un pacte d'amitié sincère. C'est à Jérôme que fut dévolu le rôle d'annoncer à Lakhdar la mort de sa mère. Il le dit avec des larmes car, de par ses meurtrissures, Aicha était devenue un peu la mère à tous. Comme Nedjma, Aïche est certainement cette Algérie blessée mais éternelle. Après tant d'années, l'esprit de la vieille Aïcha court toujours après la machine noire. Entre TALGHOUDA d'hier et TALGHOUDA d'aujourd'hui, l'auteur semble nous transmettre ce message où il est dit en substance que : ce ne sont points quelques festivals d'été menés à coups de battage médiatiques qui feront la culture, comme les hirondelles ne font pas le printemps, disaient aussi les anciens. « Vous êtes égarés, revenez à votre point de départ pour retrouver vos repères et votre chemin ». Ces derniers sont à chercher dans l'authenticité et les vérités contenues dans la vie et les œuvres de ces monuments que furent Kateb Yacine Abdelmadjid Benzine, Da Mouloud et bien d'autres. Entre TALGHOUDA d'hier et TALGHOUDA d'aujourd'hui, subsiste cette similitude où, la première sauva les corps de millions d'algériens de la famine, quand à l'autre TALGHOUDA, elle est destinée à sauver nos esprits de la domination des cultures étrangères outrageantes et avilissantes. TALGHOUDA est ce livre passionnant, à lire, à partager et à offrir. Pour les lecteurs en France, ce roman est disponible au stand Algérie dans le salon du livre qui se tient à Paris à partir du 12 mars. Note sur l'auteur Biographie : Omar Mokhtar Chaalal est né le 13 Février 1946 à Sétif .Il consacra une partie de sa vie à l'enfance et à la jeunesse en difficulté .Il a dirigé l'institut de formation professionnelle de Sétif puis la maison de culture de la même ville. Opposant au sein du PAGS, il a appartenu à l'organisation clandestine du parti après le putsch du 19 juin 1965.Arreté, il fut incarcéré à la prison d'El Harrach puis celle de Sétif avant d'être éloigné et mis en résidence surveillée à Annaba. Il a collaboré avec de nombreux organes de la presse écrite, en particulier Alger Républicain. Bibliographie Le proscrit, poésie, éditions Barzakh, Alger 2000 Kateb Yacine, l'homme libre .témoignages, Casbah éditions, Alger, 2003 Le fugitif. Roman, Casbah éditions, Alger, 2006 Talghouda, tome un. Roman. Casbah éditions, Alger,Mars 2009