a Zaouïa de Sidi H'ssen est située dans ce que l'on peut nommer « nulle part » .Elle ne figure sur aucune carte. Aucun guide touristique ne la mentionne, pas plus qu'un panonceau d'indication routière ne vous orientera vers sa direction. Ce joyau est situé dans ce « nulle part » perché là haut dans les montagnes, entre le ciel et terre. Donc, si un jour vous croiseriez cette plaque indiquant la direction « nulle part », empruntez la .Elle vous mènera droit à la Zaouïa de sidi H'ssen. Vous n'en serez pas déçu. En attendant, embarquez à mes cotés. Je tenterai de vous faire visiter les lieux. Après un parcours chaotique à travers des petites routes et des pistes sinueuses et après avoir couvert un large plateau, peiné dans plusieurs cols et collines, nous voici arrivés au fond d'une trouée d'où apparaît tout en haut dans toute sa splendeur, un joyaux .Oui un joyau à la couleur d'un bleu éclatant qui nous fait presque oublier les plaintes de notre voiture mise à rudes épreuves par ces chemins caillouteux médiévaux. De part et d'autres, des herbes folles, des fleurs sauvages jalonnent et charment le parcours par la variété des couleurs et les parfums enivrants qui s'en dégagent .L'odeur des asphodèles se confond à celle du Zaatar naissant. Les narcisses, les cyclamens, les violettes, les soucis, enfin toute la botanique s'est donnée rendez vous sur les lieux pour nous accueillir. L'écoulement de l'eau d'un ruisseau ou d'une douce seguia, apporte cette fraîcheur, quand ce n'est le vol d'une nuée d'oiseaux qui fond l'air par des circonvolutions remarquables. Tel un concert, le bruissement des feuilles des arbres apporte en plus cette note de gaîté. Au loin, sur le versant verdoyant, un énorme chien, à la robe fauve tachetée, ne cesse d'arpenter le pré pour rabattre les quelques brebis égarées avec leurs petits .Le vieux berger, son maître, bonnet sur la tête, laissant apparaître une touffe de mèche grisonnante, le nomme affectueusement S'Hab (nuage en français). S'Hab est de ces chiens dont l'intérêt est d'être plus fort, plus rapide, plus puissant et plus fin que le chacal ou ce loup de chez nous qui, invisible, rôde en permanence sur les lieux et dans la contrée. Ce chien de race locale est un sloughi ou lévrier d'Afrique du Nord. Il ne vit que dans cette région. S'Hab est ce gardien redoutable dont la seule présence met en émoi le chacal, le garde à distance et le tient surtout sur ou dans sa faim ! Bien que le chacal soit un animal solitaire nous enseigna le vieux berger, il n'est pas que ses raides, soient redoutables et que sa chasse en groupe soit meurtrière aussi. Combien de troupeaux furent décimés ainsi. La bataille est rude, c'est un perpétuel combat entre les deux. Sa prolifération ces dernières années avec le sanglier fait courir le danger aux populations isolées. Faisant fi de ma présence, le vieux Ammar stoppa nette la conversation, tendit l'oreille, me fit signe de me taire, leva les yeux vers le maquis. Il jeta furieusement son regard vers un bosquet pour en scruter les alentours. Mon coeur se mis à battre. Est ce que c'est une attaque du chacal ? Quand soudain, dans un cri strident et dans un battement d'ails, effroyable, un perdreau affolé s'éleva dans le ciel pour filer telle une balle derrière la colline. En vieux roublard, le regard bleu malicieux, il m,'avisa : c'est le fils de S'hab qui s'amuse à lever le gibier. C'est de cette entente secrète, que S'Hab, à l'énoncé de son nom, se tenant noblement sur ses pattes à coté de son maître, tel un lion , bougea doucement sa queue comme pour nous souhaiter la bienvenue dans son royaume. Durant tout notre entretien,le vieux berger,alerte dans ses vieux habits , le regard droit et les traits fins, ne cessait de prodiguer des caresses à son chien qui , en retour ,il fait mine d' acquiescer et apprécier les bienfaits par de sourds ronronnements. Ici, c'est mon territoire, semblait-il dire. Nous poursuivîmes notre chemin accompagné de deux aboiements secs, comme pour saluer notre départ. Je me suis promis de revenir les revoir. La voiture semblait peiner sur ces chemins qui montent lorsqu'au sommet d'une côte d'où apparu cette fois ci, bien réel , un ensemble féerique .Samarkand ! M'écriais –je, sans réfléchir ! Par dieu ! Est un mirage. C'est délirant, moi qui connaissait les lieux il y a longtemps, c'est une transformation époustouflante, c'est même renversant. C'est le rêve qui prend la forme d'une réalité bien palpable. Au fond de cette immense esplanade gagnée sur le flanc de montagne ,ont été érigés ces bâtiments modernes de plusieurs niveaux à l'architecture arabo musulmane, scintillants que vous ne pouvez admirer que dans des beaux livres ou de ne voir qu' à la télévision. En l'absence du chef spirituel des lieux, c'est les vacances pour les jeunes Talibans au nombre d'une trentaine, je fut reçu par son assistant qui me fit le tour de la propriété avant de terminer par la visite du tombeau du saint Sidi H'ssen dont l'histoire est le parcours sont gravés sur cette grande pierre en marbre à l'entrée des bâtiments du vieux sanctuaire. Plus haut ,en bordure de l'horizon,s'étant un vieux cimetière d'où la vue embrasse à la fois les monts Tafet à l'ouest, plus au Nord ,le majestueux Tababorth et sa ligne de chaîne qui se profile au loin. A l'Est, l'incontournable mont du Megris avec, sur son sommet, un enchevêtrement de pylônes, de radars et d'assiettes d'émissions et de réceptions, culmine à prêt de deux mille mètres. En foulant ce cimetière, après avoir salué ses occupants, assis à même le sol dans l'herbe drue et touffue, je me pris à rêver et à prier dans cette espace. Avez-vous entendu parler du silence des cimetières ? Ici vous pouvez le percevoir, l'écouter et même le ….goûter. Ainsi, après quelques instant de rêveries et de méditations, charmé ; je ne fut tiré à la réalité que par les appels incessants et insistants de mon compagnon. Je comprends mieux maintenant ce choix de Sidi H'ssen d'avoir eu à choisir précisément de choir dans ce bout du monde ou ce bout de paradis terrestre où l'homme ,dans toute sa splendeur reprend sa dimension humaine pour commuer précisément avec cette autre splendeur qu'est la nature généreuse de chez nous, près de chez nous que nombreux d'entre nous aussi ne soupçonnent même pas l'existence. Entre ciel et terre s'est dessiné ce paradis qu'est le site de la Zaouïa de Sidi H'ssen « Voir le cimetière de sidi H'ssen et avoir envie de mourir » pourrait reléguer au second plan cette même devise marquée sur le fronton du vieux cimetière chrétien de Bône (Annaba) car, par ici la nature a bien tracé le réel de l'artificiel. Visiter la Zaouïa de Sidi H'ssen, c'est s'offrir une peu de la baraka de ce saint homme que fut sidi H'ssen et de vous offrir les clefs de ce paradis terrestre qu'est encore cette contrée sauvage ou vous donnerez sûrement rendez vous avec vous la haut sur les collines. Pour le chemin, empruntez plutôt celui de Ain Roua. Celui que j'ai emprunté à la lisière de Ain Abassa est un calvaire qui ne n'a pas fait regretter ma visite.