Eminent pédopsychiatre, chef de service de la clinique de pédopsychiatrie Garidi II de l'EHS Drid Hocine (Alger), le Pr Mahmoud Ould Taleb compte parmi les rares spécialistes qui militent pour que la pédopsychiatrie devienne une priorité pour nos autorités car cela demeure un vrai problème de santé publique. A plus d'une vingtaine d'années à son actif, il est enseignant hospitalo-universitaire à la faculté de médecine d'Alger- et plusieurs publications concernant les troubles du développement de l'enfant et la prise en charge thérapeutique et psychologique. Le Pr Ould Taleb est le premier en Algérie à avoir introduit la thérapie comportementale d'Eric Shopler et la thérapie d'échange et de développement de l'école de Tours pour la prise en charge des troubles autistiques de l'enfant et de l'adolescent. Il est aussi le premier à avoir introduit les échelles d'évaluation des troubles envahissants du développement telles que le C.H.A.T, la C.A.R.S et l'E.C.A.N. Le dernier ouvrage mis sur le marché - Le Spectre de l'autisme, pour une meilleure orientation des parents est un livre de 104 pages sur l'autisme en Algérie, préfacé par le Pr Dominique Sauvage de l'école de Tours (France). Accosté lors de la tenue de la 4e journée de santé mentale organisée à Sétif par la DSP, le Pr Mahmoud Ould Taleb a bien voulu répondre à quelques brèves questions. Khalil Hedna : Tout d'abord bienvenue à Sétif Pr Mahmoud Ould Taleb : Merci, je tiens à vous dire que je suis très ravi de me retrouver à Sétif. Cette ville que je chéri beaucoup. C'est sur invitation de mon ami Mourad Sana que me retrouve une fois encore à Sétif pour débattre un sujet très important, d'ailleurs je tiens à rendre hommage à tous les acteurs de cette manifestation scientifique et notamment à M. Sana Mourad que j'apprécie beaucoup en lui le dynamisme sans retenue et la volonté de mieux faire. Khalil Hedna : Peut-on savoir le contenu de votre intervention pour cette journée ? Pr Mahmoud Ould Taleb : Ma communication a trait à l'autisme, son dépistage, le diagnostic et la prise en charge. Car l'autisme constitue le motif essentiel des consultations et d'hospitalisation en pédopsychiatrie. Le diagnostic est souvent fait tardivement avec une complication importante : le déficit mental sévère. Il y a une relation fondamentale entre l'autisme et le retard mental, en tant que spécialiste j'appelle les parents à consulter très rapidement un médecin dès l'apparition des premiers signes chez leurs enfants car plus la prise en charge est précoce, plus le traitement donne de meilleurs résultats. Cette circonstance est aussi une occasion pour lancer un vif appel aux médecins pédiatres de la wilaya de Sétif afin de constituer un réseau de pédopsychiatrie dans cette vaste wilaya. Khalil Hedna : La formation continue nécessite-t-elle de gros moyens ? Pr Mahmoud Ould Taleb : Malgré le déficit accusé dans notre pays en matière de spécialistes en pédopsychiatrie (Une cinquantaine de spécialistes alors que la France compte 1200 pédopsychiatres), nous sommes quand même disponibles à organiser des séances de formation continue (courte et moyenne durée) au profit des thérapeutes de l'enfant car l'autisme, cette maladie dont on parle peu et comme disait G. Lelord-D. Sauvage ; l'autisme de l'enfant touche ce que l'homme a de plus précieux : la possibilité de communiquer avec autrui. Il s'agit pour l'enfant et pour sa famille qui l'entoure d'un drame très douloureux et très émouvant. L'autisme est un désordre neurologique grave caractérisé par un repliement sur soi qui limite considérablement la communication et l'interaction de l'enfant avec son entourage. Les symptômes se manifestent durant les trois premières années de la vie de l'enfant. Ils sont divers et varient d'un enfant à l'autre, leur intensité pouvant évoluer, notamment avec l'âge : indifférence aux autres ou réactions bizarres ; comportements répétitifs et activités stéréotypées (agitation des mains, balancement du corps…) ; désintérêt pour les objets de son environnement ou utilisation non conventionnelle et stéréotypée ; mutisme ou langage inhabituel (répétition de mots ou de phrases entendus) ; peur du changement. En Algérie, la prévalence de cette maladie est estimée à 4 cas pour 1000 naissances. Certaines statistiques font état de 65 000 adolescents atteints par l'autisme. Et cette maladie touche 3 fois plus les garçons que les filles. Khalil Hedna : Quelles sont les causes de cette maladie ? Pr Mahmoud Ould Taleb : Les causes de l'autisme restent mystérieuses, mais quelques hypothèses ont, néanmoins, été avancées. On croit que l'autisme pourrait être lié à un ensemble de facteurs génétiques et environnementaux, tels : un virus ; une toxine environnementale (métaux lourds tel que le plomb ou le mercure) ; une anomalie ou une lésion cérébrale ; des taux anormaux de neurotransmetteurs (dopamine, mélatonine, sérotonine) dans le cerveau ; des facteurs périnataux tels qu'un stress majeur vécu par la mère pendant la grossesse, particulièrement entre la 24e et la 28e semaine ; la naissance par césarienne, un petit poids à la naissance ou une malformation congénitale voire même le fait de fumer pour une femme enceinte. Khalil Hedna : Existe-t-il un traitement curatif de l'autisme ? Pr Mahmoud Ould Taleb : Malheureusement je ne peux être affirmatif dans le cas où le dépistage se fait à un stade avancé. Ceci n'empêche pas que les personnes avec autisme puissent bénéficier de traitements psychothérapeutiques en parallèle à une prise en charge institutionnelle, éducative et pédagogique, mais il faut que l'intervention éducative soit précoce et structurée. Les meilleurs résultats sont obtenus lorsque l'enfant bénéficie d'une prise en charge éducative et comportementale dès ses 2 ans. En Algérie, la prise en charge est actuellement très insuffisante et les parents vivent un véritable calvaire du fait de l'absence de structures adaptées à la prise en charge scolaire, éducative, sociale et thérapeutique de leurs enfants. Khalil Hedna : Dernier mot professeur Pr Mahmoud Ould Taleb : Je profite de cette occasion pour interpeller les décideurs afin de se pencher sérieusement sur ce domaine, qui est la pédopsychiatrie avec la formation des thérapeutes qui travaillent avec l'enfant, la multiplication de la formation continue, introduire cette spécialité dans le programme des facultés de médecine, intégrer cette spécialité dans les services de pédiatrie et en fin, faire de sorte que la pédopsychiatrie ne soit pas traitée dans les structures de psychiatrie adulte. Entretien réalisé par Khalil Hedna