CCXI?me Nuit (Suite) Le vieillard ?tait ravi d?entendre les louanges qu?on donnait au jeune roi de Perse; il y prenait part comme si v?ritablement il e?t ?t? son propre fils, et il con?ut pour lui une amiti? qui augmenta ? mesure que le s?jour qu?il fit chez lui, lui donna lieu de le mieux conna?tre. Il y avait environ un mois qu?ils vivaient ensemble, lorsqu?un jour, le roi Beder ?tant assis ? l?entr?e de la boutique, ? son ordinaire, la reine Labe, c?est ainsi que s?appelait la reine magicienne, vint ? passer devant la maison du vieillard avec grande pompe. Le roi Beder n?eut pas plus t?t aper?u la t?te des gardes qui marchaient devant elle, qu?il se leva, rentra dans la boutique, et demanda au vieillard son h?te ce que cela signifiait. ?C?est la reine qui va passer, reprit-il; mais demeurez et ne craignez rien?. Les gardes de la reine Labe, habill?s d?un habit uniforme, couleur pourpre, mont?s et ?quip?s avantageusement, pass?rent en quatre files, le sabre haut, au nombre de mille; et il n?y eut pas un officier qui ne salu?t le vieillard, en passant devant sa boutique. Ils furent suivis d?un pareil nombre d?eunuques, habill?s de brocart et mieux mont?s, dont les officiers lui firent le m?me honneur. Apr?s eux, autant de jeunes demoiselles, presque toutes ?galement belles, richement habill?es et orn?es de pierreries, venaient ? pied d?un pas grave, avec la demi-pique ? la main; et la reine Labe paraissait au milieu d?elles sur un cheval tout brillant de diamants, avec une selle d?or et une housse d?un prix inestimable. Les jeunes demoiselles salu?rent aussi le vieillard ? mesure qu?elles passaient; et la reine, frapp?e de la bonne mine du roi Beder, s?arr?ta devant la boutique. ?Abdallah, lui dit-elle, c?est ainsi qu?il s?appelait, dites-moi, je vous prie, est-ce ? vous cet esclave si bien fait et si charmant? Y a-t-il longtemps que vous avez fait cette acquisition?? Avant de r?pondre ? la reine, Abdallah se prosterna contre terre et, en se relevant: ?Madame, lui dit-il, c?est mon neveu, fils d?un fr?re que j?avais, qui est mort il n?y a pas longtemps. Comme je n?ai pas d?enfants, je le regarde comme mon fils, et je l?ai fait venir pour ma consolation et pour recueillir, apr?s ma mort, le peu de bien que je laisserai?. La reine Labe, qui n?avait encore vu personne de comparable au roi Beder et qui venait de concevoir une forte passion pour lui, songea, sur ce discours, ? faire en sorte que le vieillard le lui abandonn?t. ?Bon p?re, reprit-elle, ne voulez-vous pas bien me faire l?amiti? de m?en faire un pr?sent? Ne me refusez pas, je vous en prie. Je jure par le feu et par la lumi?re que je le ferai si grand et si puissant, que jamais particulier au monde n?aura fait une aussi haute fortune. Quand j?aurais le dessein de faire du mal ? tout le genre humain, il sera le seul ? qui je me garderai bien d?en faire. J?ai confiance que vous m?accorderez ce que je vous demande; et je fonde cette confiance plus encore sur l?amiti? que je sais que vous avez pour moi que sur l?estime que je fais et que j?ai toujours faite de votre personne.