CCXVII?me Nuit (Suite) Le grand vizir, apr?s avoir re?u cet ordre pr?cis, fit une profonde r?v?rence au calife, en se mettant la main sur la t?te, pour marquer qu?il voulait la perdre plut?t que de ne lui pas ob?ir; et puis il sortit. La premi?re chose qu?il fit fut d?envoyer demander au syndic des marchands d??toffes ?trang?res et de toiles fines des nouvelles de Ganem, avec ordre surtout de s?informer de la rue et de la maison o? il demeurait. L?officier qu?il chargea de cet ordre lui rapporta bient?t qu?il y avait quelques mois qu?il ne paraissait presque plus et que l?on ignorait ce qui pouvait le retenir chez lui, s?il y ?tait. Le m?me officier apprit ? Giafar l?endroit o? demeurait Ganem, et jusqu?au nom de la veuve qui lui avait lou? sa maison. Sur ces avis, auxquels on pouvait se fier, ce ministre, sans perdre de temps, se mit en marche avec les soldats que le calife lui avait ordonn? de prendre; il alla chez le juge de police, dont il se fit accompagner; et, suivi d?un grand nombre de ma?ons et de charpentiers, munis d?outils n?cessaires pour raser une maison, il arriva devant celle de Ganem. Comme elle ?tait isol?e, il disposa les soldats ? l?entour, pour emp?cher que le jeune marchand ne lui ?chapp?t. Tourmente et Ganem achevaient alors de d?ner. La dame ?tait assise pr?s d?une fen?tre qui donnait sur la rue. Elle entend du bruit elle regarde par la jalousie; et, voyant le grand vizir qui s?approchait avec toute sa suite, elle jugea qu?on n?en voulait pas moins ? elle qu?? Ganem. Elle comprit que son billet avait ?t? re?u; mais elle ne s??tait pas attendue ? une pareille r?ponse et elle avait esp?r? que le calife prendrait la chose d?une autre mani?re. Elle ne savait pas depuis quel temps ce prince ?tait de retour; et, quoiqu?elle lui conn?t le penchant ? la jalousie, elle ne craignait rien de ce c?t?-l?. Cependant la vue du grand vizir et des soldats la fit trembler, non pour elle, ? la v?rit?, mais pour Ganem. Elle ne douta point qu?elle ne se justifi?t, pourvu que le calife voul?t bien l?entendre. A l??gard de Ganem, qu?elle ch?rissait, moins par reconnaissance que par inclination, elle pr?voyait que son rival irrit? voudrait le voir et pourrait le condamner sur sa jeunesse et sa bonne mine. Pr?venue de sa pens?e, elle se tourna vers le jeune marchand: ?Ah! Ganem, lui dit-elle, nous sommes perdus. C?est vous et moi que l?on cherche.? Il regarda aussit?t par la jalousie et fut saisi de frayeur lorsqu?il aper?ut les gardes du calife, le sabre nu, et le grand vizir avec le juge de police ? leur t?te. A cette vue, il demeura immobile et n?eut pas la force de prononcer une seule parole.