CCX?me Nuit La d?claration du roi Beder ne produisit pas l?effet qu?il en avait attendu. La princesse ne l?avait pas plus t?t aper?u, qu?? sa bonne mine, ? son air et ? la bonne gr?ce avec laquelle il l?avait abord?e, elle l?avait regard? comme une personne qui ne lui e?t pas d?plu. Mais, d?s qu?elle eut appris par lui-m?me qu?il ?tait la cause du mauvais traitement qu?on venait de faire au roi son p?re, de la douleur qu?elle en avait, de la frayeur qu?elle cri avait eue elle-m?me par rapport ? sa propre personne, et de la n?cessit? o? elle avait ?t? r?duite de prendre la fuite, elle le regarda comme un ennemi avec qui elle ne devait pas avoir de commerce. D?ailleurs, quelque disposition qu?elle e?t ? consentir elle-m?me au mariage qu?il d?sirait, comme elle jugea qu?une des raisons que le roi son p?re pouvait avoir de rejeter cette alliance, c??tait que le roi Beder ?tait n? d?un roi de la terre, elle ?tait r?solue de se soumettre enti?rement ? sa volont? sur cet article. Elle ne voulut pas n?anmoins t?moigner rien de son ressentiment; elle imagina seulement un moyen de se d?livrer adroitement des mains du roi Beder; et, en faisant semblant de le voir avec plaisir: ?Seigneur, reprit-elle avec toute l?honn?tet? possible, vous ?tes donc fils de la reine Gulnare, si c?l?bre par sa beaut? singuli?re? J?en ai bien de la joie; je suis ravie de voir en vous un prince si digne d?elle. Le roi mon p?re a grand tort de s?opposer si fortement ? nous unir ensemble. Il ne vous aura pas plus t?t vu qu?il n?h?sitera pas ? nous rendre heureux l?un et l?autre?. En disant ces paroles, elle lui pr?senta la main pour marque d?amiti?. Le roi Beder crut qu?il ?tait au comble de son bonheur; il avan?a la main, et, prenant celle de la princesse, il se baissa pour la baiser par respect. La princesse ne lui en donna pas le temps. ?T?m?raire, lui dit-elle en le repoussant et en lui crachant au visage faute d?eau, quitte cette forme d?homme et prends celle d?un oiseau blanc, avec le bec et les pieds rouges?. D?s qu?elle eut prononc? ces paroles, le roi Beder fut chang? en oiseau de cette forme, avec autant de mortification que d??tonnement. ?Prenez-le, dit-elle aussit?t ? une de ses femmes, et portez-le dans l??le S?che?. Cette ?le n??tait qu?un rocher affreux, o? il n?y avait pas une goutte d?eau. La femme prit l?oiseau; et, en ex?cutant l?ordre de la princesse Giauhare, elle eut compassion de la destin?e du roi Beder. ?Ce serait dommage, dit-elle en elle-m?me, qu?un prince si digne de vivre mour?t de faim et de soif. La princesse, si bonne et si douce, se repentira peut-?tre elle-m?me d?un ordre si cruel, quand elle sera revenue de sa grande col?re; il vaut mieux que je le porte dans un lieu o? il puisse mourir de sa belle mort?. Elle le porta dans une ?le bien peupl?e et elle le laissa dans une campagne tr?s agr?able, plant?e de toutes sortes d?arbres fruitiers et arros?e de plusieurs ruisseaux.