CCXI?me Nuit (Suite) -Madame, reprit le bon Abdallah, je suis infiniment oblig? ? Votre Majest? de toutes les bont?s qu?elle a pour moi et de l?honneur qu?elle veut faire ? mon neveu. Il n?est pas digne d?approcher d?une si grande reine: je supplie Votre Majest? de trouver bon qu?il s?en dispense. -Abdallah, r?pliqua la reine, je m??tais flatt?e que vous m?aimiez davantage; et je n?eusse jamais cru que vous dussiez me donner une marque si ?vidente du peu d??tat que vous faites de mes pri?res. Mais je jure encore une fois par le feu et par la lumi?re, et m?me par ce qu?il y a de plus sacr? dans ma religion, que je ne passerai pas outre que je n?aie vaincu votre opini?tret?. Je comprends fort bien ce qui vous fait de la peine; mais je vous promets que vous n?aurez pas le moindre sujet de vous repentir de m?avoir oblig?e si sensiblement?. Le vieillard Abdallah eut une mortification inexprimable, par rapport ? lui et par rapport au roi Beder, d??tre forc? de c?der ? la volont? de la reine: ?Madame, reprit-il, je ne veux pas que Votre Majest? ait lieu d?avoir si mauvaise opinion du respect que j?ai pour elle, ni de mon z?le pour contribuer ? tout ce qui peut lui faire plaisir. J?ai une confiance enti?re dans sa parole, et je ne doute pas qu?elle ne me la tienne. Je la supplie seulement de diff?rer ? faire un si grand honneur ? mon neveu jusqu?au premier jour qu?elle repassera. Ce sera donc demain,? repartit la reine. Et, en disant ces paroles, elle baissa la t?te, pour lui marquer l?obligation qu?elle lui avait, et reprit le chemin de son palais. Quand la reine Labe eut achev? de passer avec toute la pompe qui l?accompagnait: ?Mon fils, dit le bon Abdallah au roi Beder, qu?il s??tait accoutum? d?appeler ainsi, afin de ne pas le faire conna?tre en parlant de lui en public, je n?ai pu, comme vous l?avez vu vous-m?me, refuser ? la reine ce qu?elle m?a demand? avec la vivacit? dont vous avez ?t? t?moin, afin de ne pas lui donner lieu d?en venir ? quelque violence d??clat ou secr?te, en employant son art magique, et de vous faire, autant par d?pit contre vous que contre moi, un traitement plus cruel et plus signal? qu?? tous ceux dont elle a pu disposer jusqu?? pr?sent, comme je vous en ai d?j? entretenu. J?ai quelque raison de croire qu?elle en usera bien, comme elle me l?a promis, par la consid?ration toute particuli?re qu?elle a pour moi. Vous l?avez pu remarquer vous-m?me, par celle de toute sa cour et par les honneurs qui m?ont ?t? rendus. Elle serait bien maudite du ciel si elle me trompait; mais elle ne me tromperait pas impun?ment, et je saurais bien m?en venger?. Ces assurances, qui paraissaient fort incertaines, ne firent pas un grand effet sur l?esprit du roi Beder. ?Apr?s tout ce que vous m?avez racont? des m?chancet?s de cette reine, reprit-il, je ne vous dissimule pas combien je redoute de m?approcher d?elle. Je m?priserais peut-?tre tout ce que vous m?en avez pu dire et je me laisserais ?blouir par l??clat de la grandeur qui l?environne, si je ne savais d?j? par exp?rience ce que c?est que d??tre ? la discr?tion d?une magicienne.