CCXI?me Nuit Le roi, qui ?tait pr?t ? monter ? cheval pour aller ? la chasse, et qui n?avait pas eu le temps de bien voir l?oiseau, se le fit apporter d?s qu?il fut de retour. L?officier apporta la cage; et, afin de le mieux consid?rer, le roi l?ouvrit lui-m?me et prit l?oiseau sur sa main. En le regardant avec une grande admiration, il demanda ? l?officier s?il l?avait vu manger. ?Sire, reprit l?officier, Votre Majest? peut voir que le vase de sa mangeaille est encore plein, et je n?ai pas remarqu? qu?il y ait touch??. Le roi dit qu?il fallait lui en donner de plusieurs sortes, afin qu?il chois?t celle qui lui conviendrait. Comme on avait d?j? mis la table, on servit dans le temps que le roi prescrivit cet ordre. D?s qu?on eut pos? les plats, l?oiseau battit des ailes, s??chappa de la main du roi, vola sur la table, o? il se mit ? becqueter sur le pain et sur les viandes, tant?t dans un plat, et tant?t dans un autre. Le roi en fut si surpris qu?il envoya l?officier des eunuques avertir la reine de venir voir cette merveille. L?officier raconta la chose ? la reine en peu de mots, et la reine vint aussit?t. Mais, d?s qu?elle eut vu l?oiseau, elle se couvrit le visage de son voile et voulut se retirer. Le roi, ?tonn? de cette action, d?autant plus qu?il n?y avait que des eunuques dans la chambre et des femmes qui l?avaient suivie, lui demanda la raison qu?elle avait d?en user ainsi. ?Sire, r?pondit la reine, Votre Majest? n?en sera pas ?tonn?e quand elle aura appris que cet oiseau n?est pas un oiseau, comme elle se l?imagine, et que c?est un homme. Madame, reprit le roi, plus ?tonn? qu?auparavant, vous voulez vous moquer de moi sans doute; vous ne me persuaderez pas qu?un oiseau soit un homme. -Sire, Dieu me garde de me moquer de Votre Majest?. Rien n?est plus vrai que ce que j?ai l?honneur de lui dire, et je l?assure que c?est le roi de Perse, qui se nomme Beder, fils de la c?l?bre Gulnare, princesse d?un des plus grands royaumes de la mer, neveu de Saleh, roi de ce royaume, et petit-fils de la reine Farasche, m?re de Gulnare et de Saleh; et c?est la princesse Giauhare, fille du roi de Samandal, qui l?a ainsi m?tamorphos??. Afin que le roi n?en p?t pas douter, elle lui raconta comment et pourquoi la princesse Giauhare s??tait ainsi veng?e du mauvais traitement que le roi Saleh avait fait au roi de Samandal, son p?re. Le roi eut d?autant moins de peine ? ajouter foi ? tout ce que la reine lui raconta de cette histoire, qu?il savait qu?elle ?tait une magicienne des plus habiles qu?il y e?t jamais eu au monde et que, comme elle n?ignorait rien de tout ce qui s?y passait, il ?tait d?abord inform?, par son moyen, des mauvais desseins des rois ses voisins contre lui et les pr?venait. Il eut compassion du roi de Perse, et il pria la reine avec instance de rompre l?enchantement qui le retenait sous cette forme.