CCXI?me Nuit (Suite) La reine y consentit avec beaucoup de plaisir: ?Sire, dit-elle au roi, que Votre Majest? prenne la peine d?entrer dans son cabinet avec l?oiseau; je lui ferai voir en peu de moments, un roi digne de la consid?ration qu?elle a pour lui?. L?oiseau, qui avait cess? de manger pour ?tre attentif ? l?entretien du roi et de la reine, ne donna pas au roi la peine de le prendre; il passa le premier dans le cabinet, et la reine y entra bient?t apr?s, avec un vase plein d?eau ? la main. Elle pronon?a sur le vase des paroles inconnues au roi, jusqu?? ce que l?eau commen??t ? bouillonner; elle en prit aussit?t dans la main, et, en la jetant sur l?oiseau: ?Par la vertu des paroles saintes et myst?rieuses que je viens de prononcer, dit-elle, et au nom du cr?ateur du ciel et de la terre, qui ressuscite les morts et maintient l?univers dans son ?tat, quitte cette forme d?oiseau et reprends celle que tu as re?ue de ton cr?ateur?. La reine avait ? peine achev? ces paroles, qu?au lieu de l?oiseau, le roi vit para?tre un jeune prince de belle taille, dont le bel air et la bonne mine le charm?rent. Le roi Beder se prosterna d?abord et rendit gr?ce ? Dieu de celle qu?il venait de lui faire. Il prit la main du roi, en se relevant, et la baisa, pour lui marquer sa parfaite reconnaissance; mais le roi l?embrassa avec bien de la joie, et lui t?moigna combien il avait de satisfaction de le voir. Il voulut aussi remercier la reine; mais elle ?tait d?j? retir?e ? son appartement. Le roi le fit mettre ? table avec lui, et, apr?s le repas, il le pria de lui raconter comment la princesse Giauhare avait eu l?inhumanit? de transformer en oiseau un prince aussi aimable qu?il l??tait, et le roi de Perse le satisfit d?abord. Quand il eut achev?, le roi, indign? du proc?d? de la princesse, ne put s?emp?cher de la bl?mer. ?Il ?tait louable ? la princesse de Samandal, reprit-il, de n??tre pas insensible au traitement qu?on avait fait au roi son p?re; mais qu?elle ait pouss? la vengeance ? un si grand exc?s contre un prince qui ne devait pas en ?tre accus?, c?est de quoi, elle ne se justifiera jamais aupr?s de personne. Mais laissons ce discours, et dites-moi en quoi je puis vous obliger davantage. -Sire, repartit le roi Beder, l?obligation que j?ai ? Votre Majest? est si grande, que je devrais demeurer toute ma vie aupr?s d?elle pour lui en t?moigner ma reconnaissance; mais, puisqu?elle ne met pas de bornes ? sa g?n?rosit?, je la supplie de vouloir bien m?accorder un de ses vaisseaux pour me ramener en Perse, o? je crains que mon absence, qui n?est d?j? que trop longue, n?ait caus? du d?sordre, et m?me que la reine ma m?re, ? qui j?ai cach? mon d?part, ne soit morte de douleur, dans l?incertitude o? elle doit avoir ?t? de ma vie ou de ma mort?. Le roi lui accorda ce qu?il demandait de la meilleure gr?ce du monde; et, sans diff?rer, il donna l?ordre pour l??quipement d?un vaisseau, le plus fort et le meilleur voilier qu?il e?t dans sa flotte nombreuse. Le vaisseau fut bient?t fourni de tous ses agr?s, de matelots, de soldats, de provisions et de munitions n?cessaires; et, d?s que le vent fut favorable, le roi Beder s?y embarqua, apr?s avoir pris cong? du roi et l?avoir remerci? de tous les bienfaits dont il lui ?tait redevable.