CCXIX?me Nuit (Suite) Une affreuse inqui?tude s?empara de son esprit; mais, comme l?esp?rance est la derni?re chose qui abandonne les amants, elle supplia le calife de lui permettre de faire elle-m?me la recherche de Ganem; ce qui lui ayant ?t? accord?, elle prit une bourse de mille pi?ces d?or, qu?elle tira de sa cassette, et sortit, un matin, du palais, mont?e sur une mule des ?curies du calife, tr?s richement enharnach?e. Deux eunuques noirs l?accompagnaient, qui avaient, de chaque c?t?, la main sur la croupe de la mule. Elle alla de mosqu?e en mosqu?e faire des largesses aux d?vots de la religion musulmane, en implorant le secours de leurs pri?res pour l?accomplissement d?une affaire importante d?o? d?pendait, leur disait-elle, le repos de deux personnes. Elle employa toute la journ?e et ses mille pi?ces d?or ? faire des aum?nes dans les mosqu?es, et, sur le soir, elle retourna au palais. Le jour suivant, elle prit une autre bourse de la m?me somme et, dans le m?me ?quipage, elle se rendit ? la joaillerie. Elle s?arr?ta devant la porte et, sans mettre pied ? terre, elle fit appeler le syndic par un des eunuques noirs. Le syndic, qui ?tait un homme tr?s charitable et qui employait plus des deux tiers de son revenu ? soulager les pauvres ?trangers, soit qu?ils fussent malades ou mal dans leurs affaires, ne fit point attendre Tourmente, qu?il reconnut, son habillement, pour une dame du palais. ?Je m?adresse vous, lui dit-elle en lui mettant sa bourse entre les mains, comme ? un homme dont on vante dans la ville la pi?t?. Je vous prie de distribuer ces pi?ces d?or aux pauvres ?trangers que vous assistez: car je n?ignore pas que vous faites profession de secourir les ?trangers qui ont recours ? votre charit?. Je sais m?me que vous pr?venez leurs besoins et que rien n?est plus agr?able pour vous que de trouver occasion d?adoucir leur mis?re. -Madame, lui r?pondit le syndic, j?ex?cuterai avec plaisir ce que vous m?ordonnez; mais si vous souhaitez d?exercer votre charit? par vous-m?me, prenez la peine de venir jusque chez moi; vous y verrez deux femmes dignes de votre piti?. Je les rencontrai hier, comme elles arrivaient dans la ville; elles ?taient dans un ?tat pitoyable; et je fus d?autant plus touch? qu?il me parut que c??taient des personnes de condition. Au travers des haillons qui les couvraient, malgr? l?impression que l?ardeur du soleil a faite sur leur visage, je d?m?lai un air noble que n?ont point ordinairement les pauvres que j?assiste. Je les menai toutes deux dans ma maison et les mis entre les mains de ma femme, qui en porta d?abord le m?me jugement que moi. Elle leur fit pr?parer de bons lits par ses esclaves, pendant qu?elle-m?me s?occupait ? leur laver le visage et ? leur faire changer de linge. Nous ne savons point encore qui elles sont, parce que nous voulons leur laisser prendre quelque repos avant que de les fatiguer par nos questions.?Tourmente, sans savoir pourquoi, se sentit quelque curiosit? de les voir. Le syndic se mit en devoir de la mener chez lui; mais elle ne voulut pas qu?il pr?t cette peine et elle s?y fit conduire par un esclave qu?il lui donna. Quand elle fut ? la porte, elle mit pied ? terre et suivit l?esclave du syndic, qui avait pris les devants pour aller avertir sa ma?tresse, qui ?tait dans la chambre de Force des c?urs et de sa m?re: car c??tait d?elle que le syndic venait de parler ? Tourmente.