CCXVIII?me Nuit (Suite) Les dames surtout les regardant comme innocentes au travers des jalousies, et, touch?es principalement de la jeunesse et de la beaut? de Force des c?urs, faisaient retentir l?air de cris effroyables, ? mesure qu?elles passaient sous leurs fen?tres. Les enfants m?mes, effray?s par ces cris et par le spectacle qui les causait, m?laient leurs pleurs ? cette d?solation g?n?rale et y ajoutaient une nouvelle horreur. Enfin, quand les ennemis de l??tat auraient ?t? dans la ville de Damas, et qu?ils y auraient tout mis ? feu et ? sang, on n?y aurait pas vu r?gner une plus grande consternation. Il ?tait presque nuit lorsque cette sc?ne affreuse finit. On ramena la m?re et la fille au palais du roi Mohammed. Comme elles n??taient point accoutum?es ? marcher les pieds nus, elles se trouv?rent si fatigu?es, en arrivant, qu?elles demeur?rent longtemps ?vanouies. La reine de Damas, vivement touch?e de leur malheur, malgr? la d?fense que le calife avait faite de les secourir, leur envoya quelques-unes de ses femmes pour les consoler, avec toutes sortes de rafra?chissements et du vin pour leur faire reprendre des forces. Les femmes de la reine les trouv?rent encore ?vanouies presque hors d??tat de profiter du secours qu?elles leur apportaient. Cependant, ? force de soins, on leur fit reprendre leurs esprits. La m?re de Ganem les remercia d?abord de leur honn?tet?. ?Ma bonne dame, lui dit une des femmes de la reine, nous sommes tr?s sensibles ? vos peines; et la reine de Syrie, notre ma?tresse, nous a fait plaisir quand elle nous a charg?es de vous secourir. Nous pouvons vous assurer que cette princesse prend beaucoup de part ? vos malheurs, aussi bien que le roi son ?poux.? La m?re de Ganem pria les femmes de la reine de rendre ? cette princesse mille gr?ces pour elle et pour Force des c?urs; et, s?adressant ensuite ? celle qui lui avait parl?: ?Madame, lui dit-elle, le roi ne m?a pas dit pourquoi le commandeur des croyants nous fait souffrir tant d?outrages; apprenez-nous, de gr?ce, quels crimes nous avons commis. -Ma bonne dame, r?pondit la femme de la reine, l?origine de votre malheur vient de votre fils Ganem; il n?est pas mort, ainsi que vous le croyez. On l?accuse d?avoir enlev? la belle Tourmente, la plus ch?rie des favorites du calife; et, comme il s?est d?rob? par une prompte fuite ? la col?re de ce prince, le ch?timent est tomb? sur vous. Tout le monde condamne le ressentiment du calife; mais tout le monde le craint, et vous voyez que le roi Zinebi lui-m?me n?ose contrevenir ? ses ordres, de peur de lui d?plaire. Ainsi, tout ce que nous pouvons faire, c?est de vous plaindre et de vous exhorter ? prendre patience. -Je connais mon fils, reprit la m?re de Ganem; je l?ai ?lev? avec grand soin et dans le respect d? au commandeur des croyants. Il n?a point commis le crime dont on l?accuse, et je r?ponds de son innocence. Je cesse donc de murmurer et de me plaindre, puisque c?est pour lui que je souffre et qu?il n?est pas mort.