"Le maître d'œuvre du congrès de la Soummam, Abbane Ramdane, a été torturé pendant quarante jours par la police française et il n'a pas lâché un mot sur son supérieur hiérarchique politique, à l'époque, Mustapha Ben Boulaïd", a révélé l'avocat Amar Bentoumi, ancien ministre de la Justice sous le gouvernement de Benbella. «La police française a même simulé une exécution à Hussein Dey au Caroubier. Ils ont préparé un peloton d'exécution. Il avait les nerfs d'acier, a tenu bon et n'a, à aucun moment, livré les secrets de son parti, le PPA/MTLD», a-t-il indiqué en préambule sur le parcours du héros de la Révolution lors du colloque organisé, hier, par l'association Machaâl Echahid au siège du quotidien El Moudjahid. Le colloque portait sur la journée du 20 août 1955, date de la grande offensive menée par le martyr Zighout Youcef dans le Nord constantinois. Le conférencier reviendra sur la vie et les multiples péripéties vécues durant la période post-déclenchement de la révolution en 1954 par l'architecte du congrès de la Soummam qui donne naissance à une organisation qui «dure jusqu'à la fin de la guerre», dixit le Moudjahid Abdelhafid Amokrane. Il cite, à titre d'exemple, son incarcération à Serkadji où il trouve une forme d'organisation carcérale des détenus, laissés auparavant par Lahouel Hocine, M'hamed Yazid et Tahar Laâdjouzi. Selon Amar Bentoumi, Abbane Ramdane a ajouté une cérémonie aux détenus algériens, le vendredi, en exigeant la levée des couleurs ainsi que le chant patriotique. Il faut dire que d'entrée de jeu, Abbane Ramdane annonce la couleur. Au juge d'instruction qui lui demande de se présenter, il lui répond qu'il est un «nationaliste». Ensuite, il nie l'existence de l'OS (organisation secrète), disant au juge que tout ceci est un «complot de la police française». Il est condamné à 6 ans de prison. Il fait simultanément Barberousse et Serkadji. Après trois mois de détention à Serkadji, il est transféré à Constantine dans une prison militaire puis en France, en Alsace. De là, il est encore une fois transféré à Arles. Comme c'est un lettré -il a eu son bac maths- le directeur de la prison le nomme alors responsable de la bibliothèque. Il dévore tous les livres parlant de révolution, laissés par un ancien prisonnier irlandais. Libéré en 1955, il intègre les rangs du FLN dans la zone d'Alger alors commandée par Rabah Bitat et le colonel Ouamrane. Abbane Ramdane ouvre donc la porte à tous les militants qui sont en marge de la société, comme Ali la Pointe: «Avec Larbi Ben M'hidi, il constitue les deux faces d'une même médaille. Ils s'entendent à merveille. Les deux figures de la Révolution sont derrière le succès du congrès de la Soummam». L'ancien ministre des Moudjahidine, Brahim Chibout se consacre, quant à lui, à la personne du colonel Zighout Youcef, le chef historique de la wilaya IV qui enclenche, en 1955, une vaste offensive contre l'armée française afin de desserrer l'étau qui commençait à étouffer considérablement les maquis. Le chef militaire du Nord constantinois est d'abord membre de l'OS par le biais de Mohamed Boudiaf qui l'intègre, en 1947, en compagnie de sous-officiers algériens issus de l'armée française qui ont participé à la 2ème guerre mondiale: «Ce n'est pas un militaire au sens professionnel du terme mais il a appris au contact de ses compagnons». Il est également arrêté en 1953 à Constantine et transféré à Annaba. De là, il s'échappe de prison en compagnie de Slimane Barkat et Benaouda. Ils vont aussitôt au Palais de Justice et incendient les bureaux du juge d'instruction qui les condamne. Cet événement passe inaperçu. Il commence par constituer des petits groupes de «moussebeline», encadrés par 3 à 4 militaires comme l'OS. Neuf mois à peine suffisent à Zighout pour organiser et créer une petite armée constituée d'unités de réserves de la Révolution. Quant au Moudjahid, Abdelhafid Amokrane, sa conférence aura pour thème, les préparatifs du congrès de la Soummam. L'orateur dira d'abord que le lieu prévu pour cette rencontre n'était autre que Kalaât Beni-Abbès, en raison de sa situation géographique. Le FLN a dû changer le lieu et la date du congrès -il devait se tenir théoriquement en 1955- parce que la France, ayant flairé quelque chose, commence un vaste ratissage dans le djebel des Babors. La France a même complètement bombardé Kalaât Beni-Abbès. Selon Abdelhafid Amokrane, la date du 5 juillet 1956 a été choisie afin d'effacer la date du 5 juillet 1832, date du débarquement français à Sidi Fredj. L'opération «Espérance», déclenchée pendant trois jours, de Bouira jusqu'à la Soummam par l'armée française, a, encore une fois, incité les responsables à différer la date de la tenue du congrès. C'est finalement le colonel Amirouche qui propose la vallée de la Soummam et chaque wilaya délègue ses représentants. C'est au village Timliouine que les dirigeants historiques de la Révolution se rencontrent et c'est finalement à Ifri-Ouzellaguene, un petit village niché sur une montagne qu'a lieu le congrès. Durant 6 jours, les congressistes ont successivement séjourné à Ighbène, Ighil N'slil et Tizi. Les dirigeants devaient changer, chaque jour, de douar. Ben M'hidi est alors choisi comme président de séance et Abbane Ramdane comme secrétaire. Le colonel, Krim Belkacem, refuse de diriger le congrès, estimant que Ben M'hidi avait les capacités pour cette tâche.