La vie de l?Emir Abdelkader ne cesse d?int?resser un nombre de plus en plus important de chercheurs alg?riens et ?trangers, ?fascin?s autant par les multiples facettes de la personnalit? de l?homme, p?re fondateur de l?Etat alg?rien, que par ses ?uvres et les ?v?nements li?s directement ? sa vie en Alg?rie et dans le monde?. Lucie Abadia, historienne et sp?cialiste fran?aise du patrimoine immat?riel, s?est pench?e depuis plusieurs ann?es sur un sujet jamais abord? par les chercheurs: les conditions de d?tention de l?Emir au ch?teau de Pau, entre le 28 avril et le 2 novembre 1848, une p?riode tr?s peu connue et souvent occult?e par celle beaucoup plus longue (1849 - octobre 1852) pass?e au ch?teau d?Amboise. Sans autre pr?tention que celle de faire ?uvre utile dans la restitution des faits et apporter un ?clairage d?taill? sur la r?alit? de l?emprisonnement et de l?exil de l?Emir Abdelkader en France, l?historienne n?aura pas moins r?alis? un travail des plus m?ritoires en exploitant des sources documentaires multiples et diverses, ? savoir les journaux de l??poque consid?r?e, les archives d?partementales et du mus?e national du ch?teau de Pau ainsi que les d?lib?rations du conseil municipal et autres correspondances priv?es? R?sultat final, avec la rigueur qui la caract?rise dans toutes ses recherches, elle est arriv?e ? tirer de l?oubli ?un certain nombre de petits faits et de gestes que la grande histoire n?glige habituellement mais qui, additionn?es, laisse entrevoir tout ce qu?il peut y avoir de noble et de sacr? dans l?humain?. ??Le s?jour? de l?Emir Abdelkader au ch?teau de Pau, soulignera ? ce propos Mme Abadia, est un moment extr?mement important pour l?histoire de la ville et de sa population, tant sa personnalit?, en l?espace de six mois seulement, avait consid?rablement marqu? les esprits et se trouve m?me intimement li?e ? certains traits de l?gende qui sont n?s beaucoup plus tard.? ?Plus de 150 ans plus tard, dira-t-elle encore, outre quelques modestes objets conserv?s dans les collections du mus?e de la ville, la seule preuve tangible de son passage reste ces petites tombes au cimeti?re de Pau o? sont enterr?s deux de ses enfants, Zineb et Abdellah.? Retenue dans le cadre d?un projet d??dition, cette premi?re reconstitution chronologique de la r?sidence surveill?e de l?Emir Abdelkader au ch?teau de Pau n?a pas manqu? de faire l?objet d?une s?rie de communications donn?es r?cemment par l?auteur en France et en Alg?rie. Selon un plan d??tude pr?alablement d?fini, se composant d?un dizaine de chapitres bien distincts mais compl?mentaires, (le rappel des circonstances du transfert de l?Emir en France, l?arriv?e ? Pau, les personnes qui l?entourent, l?installation au ch?teau, sa famille, les douleurs et malheurs v?cus par le groupe, le d?tail de visites et de rencontres diverses, le d?part de Pau pour le ch?teau d?Amboise et une synth?se g?n?rale), la conf?renci?re s?est attach?e surtout dans son excellent travail ? mettre en ?vidence de menus d?tails des plus in?dits qui renseignent sur la dimension de cet homme hors du commun. ?Ce cavalier ?m?rite qui pouvait rester plus de trente heures ? cheval, habitu? ? vivre dans la nature et dans les camps, se condamna volontairement ? la r?clusion et de ne consentir jamais, en six mois de captivit?, ? quitter ses appartements du ch?teau, d?cidant de voir le soleil qu?au travers de sa fen?tre et de ne se promener que par les yeux et l?esprit?, dit l?historienne de l?Emir. ?Un arabe en deuil ne sort pas de sa tente et je suis dans le plus grand deuil de ma vie, celui de ma libert?!? aurait-il dit aux officiers charg?s de codifier et de limiter ses sorties et promenades ? l?int?rieur de ce ch?teau qui a vu na?tre, en 1553, le roi de France Henri IV. Reconstituant au jour le jour, en fonction des donn?es documentaires disponibles, cette dure p?riode d?isolement de l?Emir et de sa famille, l?historienne fran?aise tiendra ? restituer, dans le d?tail, certaines visites protocolaires ainsi que les d?clarations des personnalit?s les plus diverses de l??poque. Elle citera, entre autres, celles de l??v?que d?Alger Dupuch, du comte De Resseguier, d?un artiste suisse Charles Eynard, du maire de la ville, M. G?gu?, tout en r?servant un chapitre privil?gi? ? l?intervention d?Alphonse de Lamartine indign? par ?l?emprisonnement cruel et d?loyal? du ?Lion du d?sert?. A la faveur des t?moignages recueillis ? l?occasion de ces visites, elle rel?vera ? ce propos que ?tous ceux qui l?approchent sont frapp?s par la finesse de ses traits et la blancheur de son teint qui contraste avec une barbe tr?s noire? Tous sont unanimes ? dire que son regard est ardent et tranche avec une physionomie g?n?rale empreinte de douceur et de noblesse?? Lucie Abadia consacrera ?galement une grande partie de sa recherche ? chaque membre de la famille de l?Emir et aux personnes qui l?accompagnent dans on exil, faisant observer que ?dans les trente-deux m?nages vivant sous le m?me toit, jamais ne s?est ?lev?e la moindre querelle. Un seul regard de l?Emir suffisait pour tout apaiser et tout diriger?. L?historienne fran?aise notera que durant son ?s?jour? au ch?teau de Pau, l?Emir Abdelkader ?consacre beaucoup de temps ? la m?ditation, la pri?re, la lecture, l??criture, principalement la po?sie et l??tude des textes, mais ?galement ? la r?daction du courrier officiel pour rappeler au gouvernement fran?ais de respecter ses engagements et les accords pass?s en Alg?rie?. ?De tr?s nombreux po?mes compos?s par l?Emir sont conserv?s de g?n?ration en g?n?ration par de nombreuses familles paloises et ? la biblioth?que municipale?, r?v?le encore l?historienne. Une infinit? d?autres d?tails, aussi pr?cieux les uns que les autres, sont rapport?s et analys?s par l?auteur jusqu?au jour du d?part pour le ch?teau d?Amboise, c?est-?-dire le 2 novembre 1848. A l?issue de la visite qu?il effectuera au ch?teau pour la premi?re et derni?re fois depuis sa d?tention, l?Emir Abdelkader prit ? part le maire de Pau qui l?accompagnait et lui remit une petite somme en lui disant: ?J?ai appris qu?en ville il y a des personnes tr?s pauvres. Priez le v?n?rable cur? de Saint-Martin de leur distribuer cette offrande en mon nom.?